Homicides, viols, affaires de pédopornographie, séquestrations, enlèvements et autres disparitions inquiétantes : les dossiers les plus violents révélant la face sombre de l’humanité atterrissent le plus souvent à l’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP) de la DCPJ où officient 55 policiers, gendarmes, psychologues et administratifs.
Les faits d’abord : « L’office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), a été créé et rattaché à la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière en 2006, afin de centraliser et d’analyser ces faits particulièrement graves de violence aux personnes qui sont commis sur l’ensemble du territoire, indique Philippe Guichard, chef de l’office. Mais notre rôle ne se résume pas à procéder à une analyse de ces dossiers criminels particuliers. L’office est composé de cinq groupes spécialisés amenés à effectuer des enquêtes, seuls ou avec d’autres services ».
Si le groupe central des mineurs victimes (voir page 46 ) et la cellule d’assistance et d’interventions en matière de dérives sectaires (CAIMADES) (voir encadré) traitent essentiellement des dossiers en propre, les trois autres groupes, chargés des infractions plus « traditionnelles », comme les viols, les meurtres ou les assassinats, travaillent la plupart du temps en co-saisine avec un service territorial de police judiciaire voire de sécurité publique. « Chacun de ces groupes est spécialisé dans un domaine particulier. L’un d’eux s’occupe tout particulièrement des faits sériels : les viols ou, plus rares, les meurtres en série. Sur ce type d’affaires, le groupe apporte une véritable plus-value à l’enquête en élargissant les recherches à tout le territoire national. Ce qui permet de recouper les données, de vérifier le parcours d’un suspect et d’identifier des faits similaires ayant pu être commis dans d’autres régions ».
Un autre groupe est spécifiquement chargé de la lutte contre les crimes complexes. Il s’agit d’affaires lourdes, des crimes de sang qui bien souvent n’ont pu être solutionnés rapidement. Les faits remontent parfois à plusieurs mois ou plusieurs années devenant ainsi ce que l’on appelle des « cold case ». « Quand un service territorial se trouve dans une véritable impasse, nous pouvons leur proposer une relecture du dossier afin de fixer des axes d’enquête qui auraient pu être occultés, et ouvrir certaines des pistes qui auraient pu apparaître comme secondaires au départ ».
« Il arrive également qu’un magistrat nous saisisse afin de réexaminer un vieux dossier avant de prononcer un non-lieu, précise le lieutenant-colonel de gendarmerie Jackie Dimus, adjoint au chef de l’OCRVP. Nous pouvons solliciter pour certains objets placés sous scellé un nouvel examen. Mais à aucun moment il n’y a de remise en cause du travail réalisé par les enquêteurs initialement saisis ».
L’office recense d’ailleurs tous les cold case du territoire afin d’identifier ceux qui pourraient être réexaminés à la lumière des progrès en matière de PTS. « Récemment, nous avons réexaminé deux affaires particulièrement lourdes, à Dijon et à Perpignan, et fait analyser des traces qui ont permis de confondre les auteurs, souligne Philippe Guichard. De toute façon, nous considérerons qu’un dossier est toujours vivant, tant que le Parquet n’a pas prononcé un non-lieu ».
Le dernier groupe s’occupe, quant à lui, des disparitions criminelles. « Il s’agit de dossiers dont certains éléments donnent à penser que la disparition n’est pas volontaire mais que l’enquête au contraire risque fort de déboucher sur la découverte d’un cadavre. Le groupe permet là encore d’enquêter sur des pans du dossier qui n’auraient pas été explorés par le service d’enquête initialement saisi ».
En règle générale, les services territoriaux gèrent seuls, en début d’enquête, la plupart des affaires criminelles, mais il arrive que l’office soit co-saisie d’emblée sur une affaire, à la demande du service chargé du dossier. « Ce fut le cas récemment lors de la disparition d’un mineur dans le Gard. S’ils font appel à nos services en début d’enquête, c’est pour profiter de notre technicité, en matière de téléphonie, de traitement de la vidéo ou d’analyse de micro-ordinateurs et de tablettes. Nous nous occupons alors spécifiquement de ces aspects techniques et cela leur permet de se concentrer sur l’enquête de terrain ».
L’office est d’autant plus utile à l’enquête qu’il dispose d’une batterie d’outils et de moyens spécifiques, à l’image du logiciel SALVAC (système d’analyse des liens de la violence associée au crime) qui regroupe toutes les informations relatives aux crimes enregistrés par les services de police et de gendarmerie, aux disparitions inquiétantes et celles concernant les découvertes de cadavres non identifiés (voir page 41). « Nous pouvons également mobiliser la cellule d’analyse criminelle afin qu’elle nous livre une représentation " graphique "de l’affaire permettant de mettre en évidence des liens particuliers, difficiles à établir à l’œil nu, entre des personnes, entre des individus et des objets (téléphones, ordinateurs, voitures...) ou des comptes bancaires ».
Autre apport de l’office : la psychocriminologie (voir page 44). « Nos psychologues peuvent nous apporter un éclairage particulier sur une scène de crime ou le profil d’un suspect. Ils ont également la possibilité d’assister les enquêteurs lors des auditions de victimes ou de témoins ». Mais travailler avec un service territorial ne signifie pas cependant se substituer à lui dans le cadre d’une affaire : « Nous ne nous imposons jamais, poursuit Philippe Guichard. En cas de co-saisine, nous établissons un protocole avec le service territorial définissant parfaitement le rôle et les prérogatives de chacun ».
Frank Canton
Rares sont les jeunes policiers et gendarmes pouvant se targuer d’avoir intégrer l’OCRVP en début de carrière. Les enquêteurs de l’office sont des OPJ justifiant d’une expérience solide en matière de police judiciaire et faisant montre d’un goût certain pour l’enquête criminelle traditionnelle. « Nous demandons des personnes curieuses, méticuleuses, organisées, capables de gérer des dossiers de longue haleine sans se décourager, et à même de prendre du recul par rapport aux dossiers traités, car la plupart des affaires que nous gérons sont tout simplement abjectes, précise Philippe Guichard, chef de l’OCRVP. Ce métier exige donc une certaine force morale, surtout quand vous êtes père ou mère de famille et que vous êtes saisi d’un dossier criminel extrêmement violent concernant des mineurs ».
Une expérience du travail en service territorial est également indispensable. En clair, avoir mangé du terrain permet d’avoir une connaissance précise des difficultés et des contraintes des enquêteurs sur place. « Cette expérience permet de travailler en toute intelligence avec les collègues des services territoriaux et de ne pas débouler sur place comme un chien dans un jeu de quilles, souligne Jackie Dimus, adjoint au chef de l’OCRVP. Les enquêteurs expérimentés savent faire preuve d’une certaine humilité pour bien se fondre dans le dispositif en place et ne pas arriver en terrain conquis ».
Ils sont six à la cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires (CAIMADES) de l’OCRVP. Six enquêteurs chargés de recueillir et de vérifier toute information concernant des infractions pénales commises par des sectes sur le territoire national. Certaines de ces sectes, à l’image de la scientologie, n’ont guère besoin d’être présentées, mais la CAIMADES travaille également sur de nombreuses organisations beaucoup moins connues : des pseudo-écoles, des structures douteuses proposant du coaching ou des médecines parallèles ou des organisations pseudo-religieuses. « Nous vérifions que ces sectes ou organisations n’ont pas recours à la manipulation mentale pour escroquer leurs adeptes –certains se voient dépouiller de leur patrimoine- ou abuser d’eux sexuellement –parmi les victimes, il n’est pas rare de tomber sur des mineurs-, précise Philippe Guichard. Nous recevons très régulièrement des signalements de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MILIVUD), de l’union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI), mais également des parquets, des services de police et de gendarmerie et des services de renseignements. Dans l’impossibilité de prendre en charge tous ces faits, nous traitons les plus graves. »
L’OCRVP est chargé de gérer l’ensemble des affaires de français expatriés tués à l’étranger. « Une affaire de ce type arrive en général une fois par semaine, souligne Philippe Guichard. La règle veut que nous sommes saisis par le parquet de Paris, après que la famille a déposé plainte en France. Nous prenons alors contact avec les services du pays afin de connaître l’avancement de l’enquête. Nous pouvons également travailler sur l’environnement de la victime en France et gérer l’autopsie, si le corps a été rapatrié. Des enquêteurs de l’office peuvent être amenés à aller sur place dans le cadre d’une commission rogatoire internationale. Nous ne prenons pas bien entendu l’enquête à notre compte, mais nous assistons, par exemple, aux auditions de témoins. Le taux de résolution varie en fonction des pays. Dans certains cas, l’affaire est traitée rapidement, et les auteurs interpellés. Dans d’autres, l’enquête peut se révéler longue et difficile, en raison notamment de moyens limités dont disposent les services de polices locaux pour résoudre l’affaire ». La présence d’un attaché de sécurité intérieur (ASI) dans un pays facilite grandement le travail de l’office. « Nous avons élaboré avec la direction de la coopération internationale, une fiche réflexe qui permet à un ASI de recenser tous les éléments de l’affaire, précise Jacquie Dimus. Dès qu’un expatrié est tué, l’ASI nous fait parvenir cette fiche. Cela nous permet d’anticiper ».
Utilisé depuis plus de dix ans, l’outil d’analyse criminelle et comportementale Salvac est dédié à la lutte contre les crimes à caractère violent ou sexuel présentant un caractère sériel. La base contient les éléments d’enquête fournis par les services saisis.
Une unité de l’OCRVP est chargée de mener les recherches concernant les personnes disparues dans des conditions inquiétantes : mineurs, majeurs protégés ou disparus pour des motifs inconnus.
« C., une petite fille de 7 ans aux longs cheveux bruns, a disparu ce jeudi --- à 15h05 à ----. Le dispositif alerte enlèvement a été mis en place pour la retrouver au plus vite.
L’OCRVP compte dans ses rangs trois psychologues, Emma Oliveira, Christophe Baroche, et Florent Gathérias à leur tête, regroupés au sein de l’unité d’analyse comportementale psychocriminologique. Ils sont chargés d’apporter aux enquêteurs un éclairage particulier sur les affaires criminelles dont l’office a la charge. Florent Gathérias revient sur une affaire criminelle de 2011, afin d’expliquer la façon dont la psychologie peut constituer une aide à l’enquête.
La protection des mineurs et la lutte contre les pédophiles sont des thématiques traitées par l’OCRVP. Elles se traduisent, en complément d’actions de prévention, par des enquêtes majoritairement internationales diligentées contre des internautes ou contre des auteurs d’agressions sexuelles commises sur des enfants à l’étranger.