Sur Internet ou à l’étranger : les dangers ne sont pas mineurs

Sur Internet ou à l’étranger : les dangers ne sont pas mineurs © MI/SG/Dicom/Y.Malenfer
24 septembre 2015

La protection des mineurs et la lutte contre les pédophiles sont des thématiques traitées par l’OCRVP. Elles se traduisent, en complément d’actions de prévention, par des enquêtes majoritairement internationales diligentées contre des internautes ou contre des auteurs d’agressions sexuelles commises sur des enfants à l’étranger.


Il y a quelques années un vaste réseau de pédophiles a été démantelé en Europe, conduisant à l'identification de 670 suspects sur quatre continents, et à 184 arrestations. L'enquête a établi qu'un forum de militants pédophiles, hébergé aux Pays-Bas, avait servi à l'échange de photos et vidéos pédopornographiques. 230 enfants abusés sexuellement par des membres du réseau ont pu être identifiés. Pour lutter contre ce type d’infraction à caractère sexuel commis contre un mineur, le groupe central des mineurs victimes composé de policiers et gendarmes dirigés par la commandante fonctionnelle Chantal Zarlowski a été mis en place au sein de l’OCRVP.

Bien souvent, l’enquête concerne un internaute qui consulte, télécharge et/ou diffuse sur le Net des photos ou vidéos insoutenables mettant en scène des mineurs, souvent très jeunes, agressés sexuellement.

« Dans une affaire récente se souvient le capitaine Lionel Beaugendre, adjoint à la cheffe de groupe, un enquêteur suisse a observé des échanges d’images pédopornographiques entre deux adresses IP dont l’une était française. Ayant été destinataires du dossier, notre rôle a été de caractériser l’infraction pénale et les faits avant d’identifier l’adresse IP auprès du fournisseur d’accès. Une fois l’identité de l’internaute connue, nous avons évalué son  profil (collection, antécédents…) et transmis la procédure au service local territorialement compétent.  Chaque renseignement transmis par nos homologues étrangers est vérifié et évalué et pourra donner lieu à l’ouverture d’une enquête ». Un travail très chronophage quant il s’agit par exemple de saisir plus de 1500 photos dans la base internationale d’images pédopornographiques d’Interpol en une seule journée et d’analyser des disques durs de 10 To !

Live-streaming et sextorsions

Mais un phénomène nouveau se développe très rapidement depuis quelques mois : le live-streaming. « Un internaute achète pour quelques dizaines de dollars des séquences videos diffusées en direct via webcam d’agressions sexuelles commises sur des mineurs par un tiers, souvent sur ordre de l’acheteur » explique Chantal Zarlowski. Actuellement son service, saisi par Europol, a débuté une enquête à l’encontre d’un français soupçonné d’avoir sollicité aux Philippines une vingtaine d’enregistrements de ce type. Par ailleurs, de plus en plus d’internautes pédophiles, pour dissimuler leurs méfaits, et du fait de l’anonymisation de leur adresse IP empruntent le dark-net (un réseau d’échanges privé) !

Si les dossiers initiés à partir de renseignements communiqués par leurs homologues étrangers représentent une grande partie de l’activité du groupe, celui-ci diligente également des enquêtes d’initiative pour des affaires nécessitant un haut niveau d’expertise puisqu’il dispose d’une compétence territoriale nationale.Elles sont alors traitées dans leur intégralité par les membres de l’unité, qui peut également être co-saisie avec les services de police régionaux. 

Ces policiers et gendarmes font aussi face actuellement à un phénomène qui touche de nombreux adolescents et qui connaît aussi une évolution préoccupante sur le territoire : les sextorsions ! Nouvelle explication de la commandante Zarlowski : «  Il s’agit, après avoir gagné leur confiance,  de faire chanter ou demander des postures sexuelles à un mineur sur les réseaux sociaux, sous la menace de dévoiler ces faits à ses proches ou de diffuser des photos le mettant en scène sexuellement ou de pirater son compte. On a le cas de prédateurs avec une vingtaine de victimes au minimum. Hélas les jeunes n’appréhendent pas la gravité et les conséquences de leurs actes sur le Net ». C’est comme cela que certains peuvent retrouver des photos de leurs ébats en accès libre sur le web !

Tourisme sexuel

Le tourisme sexuel représente le deuxième volet de leur activité judiciaire. En effet, la justice française est compétente pour poursuivre et juger les ressortissants français ou résidant habituellement sur le territoire national, convaincus de relations sexuelles avec un mineur à l’étranger. Avec un bémol relevé par la commandante fonctionnelle Zarlowski : « Si  nos rapports sont privilégiés avec l’Asie du Sud-Est, d’autres pays coopèrent peu ou n’informent pas les services français ». Heureusement, le service peut être destinataire d’informations  transmises par les ONG, les attachés de sécurité intérieure ou officiers de liaison de la direction de la coopération internationale (DCI), les services répressifs étrangers… C’est ainsi qu’à la suite d’une saisine récente, un français a été identifié sur des clichés pédopornographiques diffusés sur le Net et interpellé. Celui-ci, qui n’a pas hésité à filmer ses agressions, est soupçonné d’avoir, en l’espace de 10 ans, agressé sexuellement à l’étranger près de 100 victimes mineures.

En parallèle à ce travail d’enquête, le groupe réalise des actions de prévention auprès d’ ONG, d’associations, de l’Education nationale sur les bonnes pratiques sur l’utilisation d’Internet et sur le tourisme sexuel impliquant des mineurs.
Il dispense également des actions de formation en France et à l’étranger au profit d’enquêteurs spécialisés. Compte tenu de l’ensemble de ses missions, cette unité avec 9 officiers de police judiciaire est la plus étoffée de l’Office. Aux Pays-Bas, le même type de groupe est fort de 150 policiers !

Joël Beck