Alerte enlèvement

Alerte enlèvement © MI/SG/Dicom/Y.Malenfer
24 septembre 2015

«  C., une petite fille de 7 ans aux longs cheveux bruns, a disparu ce jeudi --- à 15h05 à ----. Le dispositif alerte enlèvement a été mis en place pour la retrouver au plus vite.


Elle porte une jupe à volants blancs et un haut multicolore. Un fourgon blanc conduit par un homme d'une quarantaine d'années a été vu sur les lieux. Si vous localisez l'enfant, n'intervenez pas vous-même, appelez immédiatement le 197.  » Message, sonnerie stridente et photo : le plan alerte enlèvement est déclenché. Grâce au concours des chaînes télévisées, radios, ou encore réseaux sociaux, la population entière est alors sur le qui-vive et en capacité de transmettre aux services de police des éléments d’information susceptibles de favoriser la libération de l’enfant.

Le plan d’alerte de la population en cas d’enlèvement d’un mineur est activé par l’OCRVP lorsque c’est la DCPJ qui est saisie de l’affaire. Il est défini dans la convention du 28 février 2006 rédigée par le ministère de la Justice, et signée par les agences de presse, télévisions, radios, gestionnaires de réseaux routiers, sociétés de transports, et les associations de victimes et d’aide aux victimes qui s’engagent à diffuser le message d’alerte. En 2010, un avenant à la convention étend le dispositif alerte enlèvement à d’autres partenaires comme des sites d’informations sur internet. En 2011 Facebook est intégré. « Google veut aussi pouvoir appliquer le dispositif, c’est actuellement en discussion avec les magistrats de la chancellerie  », ajoute Philippe Guichard, chef de l’ORCVP.
Ce plan est inspiré de « Amber Alert », système d’alerte de la population crée au Texas en 1996 puis élargi au reste des États-Unis puis au Canada.

Déclenchement sous conditions

«  Le déclenchement du plan alerte enlèvement doit rester exceptionnel et percutant. Il ne faut pas le banaliser  », précise Philippe Guichard. En effet, ce dispositif sert à compléter les moyens habituels d’enquête comme les appels à témoins et la diffusion de l’alerte auprès des services de police et de gendarmerie, quand la situation grave et urgente le nécessite.

Une série de critères, précisée dans la convention, a impérativement besoin d’être respectée pour déclencher l’alerte : Il doit s’agir d’un enlèvement avéré et non d’une disparition, ce qui implique la présence d’un témoin. Il faut que la victime soit mineure, et que son intégrité physique ou sa vie soit en danger. «  Le mineur enlevé est en danger immédiat car son espérance de vie est potentiellement très limitée, d’où l’importance de réagir rapidement. Si c’est un enlèvement parental, explique le commissaire Guichard, on peut considérer que sa vie n’est pas en danger. En revanche si c’est un nourrisson, il y a un besoin vital de soin et de nourriture. » Des éléments d'informations doivent permettre de localiser l'enfant ou le suspect : «  La diffusion doit être décisive pour orienter l’enquête, identifier un véhicule, un individu, ou l’enfant. » Enfin, il est nécessaire que les parents de la victime aient donné leur accord au déclenchement de l'alerte.

Lorsque les conditions sont réunies, la décision du déclenchement de ce plan dépend du procureur de la République, après information du procureur général et de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice. Le procureur concerte ensuite les enquêteurs du SRPJ saisi et l’OCRVP. En zone limitrophe d’un pays étranger, ce sont les attachés de sécurité intérieure qui prennent rapidement contact avec les services locaux compétents.
«  Une fois que le procureur a donné son aval, il faut choisir le moment où la diffusion du message d’alerte sera la plus pertinente possible, par exemple le matin, ou lors d’un journal télévisé. L’objectif est de toucher un maximum de public  », explique Philippe Guichard.

Message d’alerte précis

«  Le message d’alerte à diffuser doit être court, simple et précis  » indique le commissaire. Jour et heure des faits, immatriculation du véhicule, prénom de la victime, âge, vêtement, photo récente de l’enfant et le numéro vert 197. Ce récent numéro abrégé est unique à la gendarmerie, police et préfecture de police. Accompagné d’une charte graphique et sonore, le message d’alerte est alors diffusé sur l’ensemble du territoire national pendant une durée minimale de 3 heures, au moins tous les quarts d’heure.

Au bout du fil, 24 fonctionnaires réceptionnent les appels à témoins, dans une salle dédiée à l’OCRVP. Qui êtes-vous ? Où êtes-vous situé ? Qu’avez-vous vu ? Où, à quelle heure ?… les policiers questionnent, recueillent les informations et renseignent le logiciel " main courante enlèvement " de toutes les données et éléments susceptibles de faire avancer l’enquête.

Le chef de salle (Philippe Guichard ou l’un de ces adjoints le lieutenant-colonel de gendarmerie Jackie Dimus et la commissaire de police Mathilde Cerf) analyse les fiches et priorise l’information. En fonction de l’intérêt des éléments d’enquête, ces fiches sont transmises à " l’atelier " (pièce attenante à la salle), où d’autres policiers les envoient aux services locaux adaptés. Ces services de police vérifieront immédiatement les informations données, par exemple la découverte d’un vêtement. «  Nous exploitons ce qu’il y a de plus pertinent, explique Philippe Guichard. Si une information très urgente arrive, l’opérateur lève le doigt et le chef de salle contacte directement les services locaux. »

Si un pic d’appel est souvent remarqué au début du déclenchement du plan, (200 appels dans la première heure), le rythme s’estompe par la suite.

Depuis 2006, le plan a été activé par l’OCRVP pour 13 faits d’enlèvements de mineurs. Tous ont été retrouvés sains et saufs. Le 18 décembre 2012 à Nancy par exemple, un nourrisson de deux jours est enlevé à la maternité. Il est retrouvé grâce à des témoignages, 8 heures après la diffusion de l’alerte enlèvement. Le 15 avril dernier à Calais, le plan alerte enlèvement était sur le point d’être déclenché quand le corps sans vie de la fillette à été découvert.

Floriane Boillot