Au sein de la Gendarmerie nationale, des techniques innovantes ont été développées dans des domaines très variés qui vont de la détection des billets à la recherche des causes d'incendie, en passant par la localisation d'explosifs.
« Que les choses soient bien claires : on ne drogue pas nos chiens spécialisés dans la découverte des stupéfiants... on leur apprend uniquement à retrouver la matière ! », précision faite par Bertrand C., chef d’escadron et référent national cynophile à la DGGN. De nombreuses missions de la Gendarmerie nationale nécessitent l’intervention d’une équipe cynophile « stups » : surveillance dans les transports, brigades motorisées, pelotons d’autoroute, perquisitions domiciliaires…
Un chien dressé à la détection de stupéfiants l’est également à une autre technicité comme la recherche de billets ou d’armes. Le bilan des résultats obtenus en 2016 par les chiens de la gendarmerie est édifiant : 18 tonnes de cannabis découvertes, 0,1 tonne d’héroïne, 0,2 tonne de cocaïne, 0,3 tonne d’autres drogues, 865 armes, 89 572 munitions ou encore 23,8 millions d’euros de billets. Car oui, l’argent a une odeur pour le chien, dressé pour identifier un élément nécessaire à la conception des billets de banque : les gommes, les encres, les filigranes du papier, le liant, etc.
Contrôle des supporters avant le match Portugal-Islande à Saint-Etienne lors de l'Euro 2016.
Dernière technicité développée au sein de la Gendarmerie nationale, qui est la seule à la pratiquer, la recherche d’explosifs sur des personnes en mouvement a été mise en place à la suite des attentats qui ont touché la France et dans la perspective de l’organisation du dernier Euro 2016 sur notre territoire. L’objectif pour le chien est alors de localiser un individu porteur d’un engin explosif improvisé. « Cela requiert un dressage délicat car il faut apprendre au chien d’où provient l’odeur d’explosif dans la foule, en écartant toutes les odeurs environnantes.
On ne gère pas une découverte d’explosifs sur un bagage de la même façon que sur une personne en mouvement. C’est pourquoi cette technicité vient s’imbriquer dans un dispositif global d’intervention et d’interception qui permet de neutraliser le porteur d’explosifs », appuie Bertrand C.
Gasoil, essence, alcool...
« Nous intervenons la plupart du temps sur des sinistres, il est donc toujours intéressant dans une enquête de connaître la nature d’un incendie, savoir s’il est criminel ou non, si de la matière incendiaire a été utilisée ou non, explique Yves B., commandant du GIC de Beynes, dans les Yvelines. Si le chien identifie un produit, comme de l’alcool à brûler, sous l’évier de la cuisine, ce ne sera pas forcément criminel, par contre si on en retrouve dans la chambre de bébé…
C’est un travail d’équipe sur le terrain entre l’unité cyno, les directeurs d’enquête qui font appel au savoir-faire canin, les techniciens en investigation criminelle qui vont réaliser des prélèvements, et c’est finalement l’enquêteur qui déterminera s’il est normal ou non d’avoir retrouvé à tel endroit un produit incendiaire. J’ai réalisé 18 interventions de ce type avec mon chien en 2016. »
Civique : Pouvez-vous tracer les contours de l’activité cynotechnique au sein de la Gendarmerie nationale ?
Bertrand C. : Nous y recensons 480 maîtres de chien et 561 chiens, toutes spécialités confondues. La gendarmerie a créé en 2003 les premiers groupes d’intervention cynophiles (GIC), au nombre de 38 à ce jour. Chaque GIC est constitué au minimum de trois sous-officiers maîtres-chiens et de cinq chiens. Les équipes cynophiles sont un moyen spécialisé au service de l’ensemble des unités de France, leur répartition et technicité répondent aux exigences missionnelles auxquelles sont confrontées les unités de terrain. Tous les chiens de la gendarmerie sont dressés au centre national d’instruction cynophile de la gendarmerie de Gramat avant d’être affectés dans les unités. De la recherche de stupéfiants, aux explosifs, en passant par les restes humains ou les armes, nous comptons 16 technicités différentes. Chaque technicité possède sa propre doctrine, ses règles spécifiques à suivre.
Civique : Comment développe-t-on une nouvelle technicité ?
Bertrand C. : Ce sont les besoins opérationnels qui déterminent le développement d’une nouvelle technicité et nous font évoluer en termes de doctrine. Par exemple, la dernière technicité en date, la recherche d’explosifs sur des personnes en mouvement (REXEPMO), a été mise en place face aux nouvelles menaces terroristes qui se sont développées et avec la tenue de l’Euro 2016 sur notre territoire. Le DGGN avait décidé, fin 2015, de s’orienter vers une capacité de détection d’explosifs au cœur même de la foule. A partir de là, le centre de Gramat a réfléchi, analysé ses savoir-faire, regardé les expérimentations que la gendarmerie était capable de faire. En fonction des résultats des premières expérimentations, nous avons été convaincus que nous pouvions initier cette technique particulière en toute sécurité et en conservant le niveau de performance des équipes cyno de la gendarmerie. Les résultats ont été très probants pendant l’Euro 2016 et depuis nous engageons régulièrement ces équipes REXPEMO notamment sur les championnats du monde de handball en janvier dernier, la coupe du monde de hockey, Roland-Garros, le tour de France, et d’autres manifestations de grande ampleur qui génèrent de la foule. Ce fut également le cas après l’attentat d’Orly où nous avons été engagés pour la sécurisation des aérogares.
Civique : Quelles sont les unités qui comptent des chiens dédiés ?
Bertrand C. : L’organisation cynophile en gendarmerie correspond à l’organisation territoriale des unités avec le cas particuliers des gendarmeries spécialisées telles que la gendarmerie des transports aériens et la gendarmerie maritime) (pour la recherche d’explosifs et de stups sur les zones aéroportuaires et portuaires) mais également du GIGN (chiens explosifs et assaut). Ces équipes sont affectées majoritairement dans des PSIG (peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) ou des GIC (groupe d’investigation cynophile)Dans les PSIG il s’agit principalement d’équipes à technicité multiples: piste/défense, stups/défense ou même stupéfiants armes-munitions et billets Dans certaines affaires tout est lié, si on recherche des stupéfiants, on peut aussi trouver des armes ou des billets.. Par contre dans les GIC il s’agira plus de technicité unique (explosif, piste,…). Certaines technicités ne sont pas compatibles entre elles, nous avons par exemple fait le choix de ne pas marier la recherche d’explosifs avec celle des armes et des munitions, car le gendarme ne réagira pas de la même manière si son chien détecte chez un individu une ceinture explosive ou une arme.
Richard Wawrzyniak