À Lognes, les dizaines de milliers de copies du test de psychométrie sont passées au crible… Tandis que des correcteurs s’emparent des tests de culture générale, avec une immense responsabilité sur les épaules.
Le service de Francis G. à la PP est loin d’en avoir fini. À peine achevée l’épreuve écrite, il se concentre sur l’organisation de la correction. Les malles de copies envahissent les bureaux et il est temps de faire place nette.
La totalité des tests psychologiques est expédiée à la sous-direction de la formation et du développement des compétences de Lognes.
C’est dans un bureau de quelques mètres carrés pourvu de deux machines que le processus se poursuit. En moins de deux semaines, deux gardiennes de la paix se consacrent à temps complet à ce travail à la chaîne : passer les quelques 35 000 copies « graffitées » par les candidats dans une machine spécialement créée, dont nous ne vous révèlerons pas les secrets de fabrication. « Je peux juste dire que s’il manque une copie, nous devons très vite savoir d’où vient l’erreur », explique Magalie, gardien de la paix.
Passée au scanner optique ultra efficace, la copie du candidat accouche d’une fiche détaillant son profil psychologique , qui se révèlera crucial dans les semaines à venir, notamment pour les psychologues composant les jurys des oraux… La fiche profil de chaque candidat est envoyée via un réseau sécurisé aux différents services référents du territoire.
Sur l’Ile de la Cité, le bureau du recrutement est une fois de plus en effervescence. Les correcteurs du test de culture générale viennent chercher leurs copies. « Nous en confions une trentaine à chacun, annonce Sophie G. Nous leur donnons également un barème précis et un corrigé complet. » 130 correcteurs, au minimum avec le grade de brigadier-chef, se succèdent au bureau. « Nous leur donnons les copies cachetées. Ils les comptent devant nous et signent un bordereau. »
La responsabilité change alors d’épaules, la moindre perte d’une copie pouvant entraîner l’annulation du concours exceptionnel pour toute la France. « Au retour, nous comptons de nouveau les copies et vérifions que le coin est toujours collé. » Une fois ces deux étapes achevées, le nombre d’admissibles pour la suite des épreuves est connu. « La barre d’admissibilité pour le concours exceptionnel a été fixée à 14.75 pour le concours externe, annonce Francis G. Cette note nous permet de déterminer le pourcentage d’admis après l’oral. »
Pour Bruno G, chef du département du recrutement et de l’égalité des chances (DREC) à la DRCPN, « l’enjeu de chacune de ces étapes est très important. Tout doit se dérouler parfaitement. Nous pouvons compter sur des effectifs compétents, tant pour la correction que pour l’organisation, habitués depuis de nombreuses années à assurer ce type de travail particulier ».
Les tests psychotechniques existent pour tous les concours et tous les recrutements de la Police nationale : ADS, cadets de la République, gardiens, officiers et commissaires. Ils sont adaptés selon le niveau de diplôme requis et consistent à mesurer d’une part des aptitudes intellectuelles par le biais d’exercices chronométrés, et d’autre part un profil de personnalité en lien avec le métier de policier.
Concernant la partie intellectuelle du test psychotechnique, les exercices sont basés sur la traditionnelle définition du quotient intellectuel, lui-même établi sur les aptitudes verbales et les aptitudes logiques. Il y a donc des exercices de raisonnement, de calcul, de vocabulaire… La seconde partie, déterminant le profil de personnalité, n’est pas chronométrée et s’appuie sur plusieurs centaines d’affirmations décrivant des comportements humains, sur lesquelles le candidat doit se positionner. « Ce test de personnalité est découpé en plusieurs échelles décrivant la personnalité et, notamment, la manière dont la personne va se comporter avec les autres ou au travail, explique la psychologue en chef du bureau psychométrie du département du recrutement et de l’égalité des chances (DREC) de la direction des ressources et des compétences de la Police nationale (DRCPN). Il est aussi déterminant de vérifier que le candidat ne présente pas de fragilité psychologique. Les tests sont construits à partir d’un profil de poste, ils sont spécifiques et adaptés au métier de policier. »
Quand le traitement informatique des résultats a été effectué, on obtient alors le profil psychologique du candidat, composé de ses scores aux exercices de la partie intellectuelle et aux échelles de personnalité. « Seuls les psychologues de la Police nationale sont habilités et experts à la lecture et à l’interprétation de ces tests, continue la psychologue en chef. Cette feuille de résultats ne peut pas être lue par un non initié. Les échelles sont codées et ont une appellation propre. Il faut donc une formation spécifique pour comprendre et décrypter ce qu’expriment chaque score et leur signification. Notre travail consiste à faire une interprétation fine d’un profil. Nous cherchons à déterminer l’adéquation entre les exigences liées au poste et le potentiel du candidat. »
Jusqu’en 2006, les résultats obtenus permettaient de générer une note sur le profil du candidat, éliminatoire en dessous de 6. Désormais, tout candidat admissible au concours passe les épreuves d’admission, quels que soient les résultats du test psychométrique.
Comme cette épreuve n’élimine plus les profils les plus problématiques, c’est le travail du ou de la psychologue que de signaler ces défauts ou ces problèmes au jury, de manière à ce qu’il les évalue encore plus finement pendant l’entretien.
Cela peut pousser le jury à émettre une note éliminatoire, mais cette fois à l’entretien, pas aux tests.
« Les avis des psychologues sont importants dans le recrutement, mais tout autant que l’avis des autres membres du jury. C’est la combinaison de ces avis qui fait la qualité indispensable qu’on doit apporter à la sélection dans ce type de recrutement. Même si aujourd’hui nous sommes dans un besoin affirmé d’effectifs, il ne faut pas brader la qualité de ce concours car cela demeure une profession à risques, d’autant plus dans le climat actuel. Il n’est pas question de retenir les profils inadaptés. » Il est donc indispensable que le psychologue émette un avis, car seule son expertise permet de vérifier la stabilité émotionnelle des candidats et d’aider à l’adéquation de ses compétences à un profil de poste donné. Mais il est tout aussi important que les autres membres du jury émettent un avis professionnel sur le potentiel des candidats à remplir la fonction de policier.
C’est donc vraiment la combinaison de tous ces critères qui va permettre de garantir un recrutement de qualité, adapté aux contraintes du métier.