Une organisation millimétrée pour les écrits

Une organisation millimétrée pour les écrits
25 août 2016

35 663 candidats inscrits dans toute la France, plus de 7 000 pour l’Ile-de-France. Les différents services de recrutement du territoire ont dû s’adapter à des circonstances exceptionnelles pour organiser les épreuves. C’est le cas du bureau du recrutement de la préfecture de police de Paris, organisateur pour la région Ile-de-France, plus gros pourvoyeur de candidats.


« Alors que nous recevons habituellement quelques centaines de  dossiers par mois, le nombre de candidatures se chiffrait fin 2015 en milliers, explique Francis G., chef du bureau du recrutement de la préfecture de police de Paris, organisateur des concours pour l’Ile-de-France. De semaine en semaine cela ne cessait de croître, 4 000, 5 000, pour finir à 7 000 candidatures en moins de quatre mois, sans compter les profils qui ne répondaient pas aux conditions d’inscription… »

De Paris à Nouméa, en passant par Marseille ou Cayenne, l’engouement pour rejoindre les rangs des forces de l’ordre a contraint les recruteurs de la Police nationale à s’adapter à des circonstances extraordinaires : « nous avons organisé ce concours dans des délais très réduits, nous l’avons adapté en condensant les épreuves du concours " normal " qui se déroulaient en même temps, annonce le commissaire divisionnaire Bruno G., chef du département recrutement et égalité des chances de la sous-direction de la formation et du développement des compétences à la DRCPN.

Le calendrier du recrutement des gardiens de la paix s’étale habituellement sur un an, un dispositif relativement long car nous y avons récemment intégré une épreuve dite comportementale de gestion du stress. Avoir supprimé cette épreuve pour le concours exceptionnel nous a finalement permis d’évaluer les candidats comme avant mais en un temps record : les épreuves écrites ont été organisées en mars pour une annonce des résultats en juillet ». (La troisième épreuve écrite, l’étude de texte, a également été retirée de ce concours exceptionnel.)

Sur l’Ile de la Cité à Paris, le bureau du recrutement de la PP s’est immédiatement mis en ordre de bataille avec le renfort début janvier de 10 auxiliaires de bureau, affectés à la section en charge des recrutements de la Police nationale, « un renfort indispensable, selon Francis G., pour amortir le travail et tenir les délais. Sans compter la commande de 150 malles renfermant sujets et copies le jour de l’épreuve, la commande de plusieurs dizaines de milliers de feuilles de papier supplémentaires, l’organisation de toute la logistique, l’appel à candidatures pour les surveillants... » Face à l’affluence allant crescendo, le bureau parisien s’est vite rendu compte que le seul site de Rungis, permettant tout de même d’accueillir près de 5 000 candidats, ne suffirait pas. Le centre de Villepinte était donc très vite réservé en complément. Sur l’ensemble des 35 sites du territoire métropolitain et ultramarin, une organisation identique se met en place pour être prêt le jour J et les épreuves écrites.

La veille du coup d’envoi des épreuves, le service des affaires immobilières de la PP affrète un camion de gros tonnage et les hommes nécessaires pour se rendre dans les coffres-forts de la préfecture de police.

L’objectif : récupérer les 150 malles scellées contenant les sujets des épreuves écrites et les répartir sur les deux sites parisiens. Dans le même temps, Francis G. pour Rungis, et son adjointe, Myriam H. pour Villepinte, préparent avec leurs équipes les immenses salles capables de  recevoir les milliers de candidats.

Concours GPX malle scellée contenant les épreuves

À l’intérieur du centre d’examens, la tension est palpable. Les équipes organisatrices jouent leurs dernières partitions. Sophie G., responsable des concours de la Police nationale à la PP est debout sur l’estrade devant plus d’une centaine de surveillants, pour la plupart en tenue et armés, et surtout devant des dizaines et des dizaines de rangées de chaises, vides pour le moment. Le briefing des surveillants est clair : « À ce moment précis, les consignes doivent bien passer, explique-t-elle. Il est important que tout le monde fasse la même chose. Leur mission n’est pas uniquement de surveiller, ils doivent intervenir si un candidat souhaite recommencer sa copie, avoir la bonne réaction en cas de fraude, montrer une totale impartialité envers les candidats... » Dans la salle « Paris », Sophie G. gère sept chefs de blocs, qui eux-mêmes encadrent cinq surveillants chacun. Les rôles sont clairs : un surveillant s’occupe de deux rangées de 50 candidats, le chef de blocs est donc chargé de 250 candidats. Le tout étant encadré par les chefs de salles, et un chef de centre à la tête de l’organisation.

À l’extérieur, jamais un concours de la Police nationale n’avait attiré autant de journalistes et de caméras, à l’affût du moindre témoignage de candidats.
Là aussi la tension se lit sur les visages. Antoine, jeune bachelier de 18 ans : « Avoir vu nos policiers intervenir comme ils l’ont fait à Charlie Hebdo ou le 13 novembre a fini de me convaincre que je dois faire ce métier. Je veux me sentir utile pour mes concitoyens, être partie prenante pour la sécurité de mon pays ». Un peu plus loin, Mohamed, 29 ans, affiche d’autres motivations : « Beaucoup de choses se jouent pour moi aujourd’hui. Je veux montrer à mon  entourage que je peux réussir dans ce métier. Et surtout montrer que des Musulmans français sont autant amoureux de leur pays que les autres. Je serai très fier de servir mon pays ».

13h Les portes s’ouvrent.

Les candidats se pressent munis de leur convocation et de leur pièce d’identité. Les policiers fouillent les sacs et contrôlent les identités. Aux alentours du site, des policiers locaux patrouillent pour sécuriser le  site. Des membres d’associations de secourisme sont aussi présents, au cas où.

À partir de cet instant, la partition se joue comme une évidence. La logistique est militaire, huilée, maîtrisée. Les fonctionnaires du bureau du recrutement connaissent parfaitement leur rôle. Les candidats sont répartis efficacement, rangée par rangée, bloc par bloc. Aucune chaise ne reste vide.

En à peine vingt minutes, les salles sont remplies. Sophie G. à Rungis, son adjoint, Nicolas G., à Villepinte, et plusieurs de leurs collègues dans d’autres salles, s’installent sur une estrade devant des milliers de paires d’yeux braqués sur eux. « C’est le moment de transmettre les consignes aux candidats, explique Nicolas, un vrai travail que l’on prépare plusieurs semaines avant avec tous les chefs de salles pour harmoniser les consignes. »

La première épreuve du test de psychométrie est alors expliquée dans le détail. Le chef de salle lira au micro près de 433 questions, le candidat devant répondre à chacune avec un temps allant d’une à onze minutes. « Chaque détail compte, nous avons par exemple deux chronomètres mis en marche en même temps pour ne pas perdre le fil. C’est aussi un véritable exercice de diction, il faut être audible, clair, et ne pas trop montrer notre stress car ce n’est pas évident d’avoir ainsi la parole devant des milliers de personnes. »

Montre en main, Francis G. donne le top départ pour un autre moment crucial : l’ouverture des malles contenant les sujets. La distribution se fait rapidement. Organisateurs, surveillants et candidats ont tous le regard tourné vers l’horloge de la salle. « La France a la particularité d’avoir des territoires un peu partout dans le monde, appuie le commissaire G., avec des décalages horaires particuliers et importants. Nous sommes donc assujettis à deux obligations : que les candidats puissent partout pouvoir passer leur concours dans des conditions physiologiques acceptables, pas à minuit par exemple, et éviter les possibilités de communication entre candidats qui  pourraient se connaître d’un bout à l’autre de notre territoire. Il y a donc des consignes données pour convoquer une heure avant ou après le début de l’épreuve les candidats et les bloquer en salle pour leur éviter de communiquer
avec d’autres. Le principe de base est l’égalité de traitement entre tous les candidats. »

Après le test de psychométrie, la seconde épreuve est un QCM (questions à choix multiple) et un QRC (questions à réponse courte) permettant de tester le niveau de connaissance générale des candidats sous la forme d’une série de 80 questions relatives à plusieurs thématiques : géographie, actualités, connaissance des institutions…

20h L’heure est venue pour un autre temps fort et délicat : le ramassage des copies.

Concours GPX fin d'épreuve écrite

Bien que les épreuves soient terminées, aucun candidat ne doit quitter la salle. Les surveillants ramassent les copies, les remettent à leurs chefs de blocs, qui les comptent et les confient à leur tour au chef de salle.
Certains candidats sont désignés pour constater que les copies soient bien mises sous enveloppes cachetées.
Problème à Villepinte : « Il manquait une copie ! s’exclame Nicolas G. Il y avait 3 000 candidats dans la salle qui venaient de composer plusieurs heures durant. Certains s’énervaient et ne comprenaient pas pourquoi ils ne pouvaient pas partir. Nous avons compté et recompté. Il faut rester calme à ce moment-là. Au bout du quatrième comptage, nous avons constaté que deux feuilles étaient collées l’une à l’autre. Ouf ! Nous pouvions libérer la salle ».

Aucune fausse note dans cette journée, hormis deux légers malaises à Villepinte de candidates trop stressées, ni aucune fraude détectée. Mais surtout à peine 10 % d’absents sont comptabilisés en rapport aux listes initiales d’inscription, un score exceptionnel ! Le soir même, les copies reviennent au coffre-fort de la préfecture de police. Les tests psychologiques seront envoyés à Lognes dans les prochains jours et le test de culture générale confié à des correcteurs. Un autre travail  d’organisation débute alors pour les services du recrutement qui n’auront pas le temps de souffler…