L’Intérieur face au défi des migrants

Migrants à Calais © MI/SG/Dicom/J.Rocha
31 mars 2015

À Calais, le nombre de migrants en transit pour l’Angleterre ne cesse de croître, avec actuellement plus de 2 200 migrants présents en continu dans la ville. Cette immigration irrégulière et la question humanitaire qu’elle soulève est une préoccupation majeure des services de l’État dans le Pas-de-Calais.


Migrants en transit pour l'Angleterre © MI/SG/Dicom/J.Rocha

Le ministre de l’Intérieur a récemment pris des mesures pour répondre aux défis sanitaires, sociaux, économiques et sécuritaires soulevés par l’affluence de migrants à Calais, en concertation avec les associations d’aide aux migrants, les organismes tels que l’OFII * ou l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, le sénateur-maire de Calais et les partenaires étrangers concernés.

En octobre 2014, un renfort de 100 policiers et gendarmes a été déployé pour assurer la sécurité des Calaisiens et des migrants. 450 policiers et gendarmes sont ainsi mobilisés pour une circonscription de police de 75 000 habitants. « Les impératifs aujourd’hui sont d’assurer la sécurité des Calaisiens et du port, affirme le préfet Denis Robin, d’apaiser les tensions entre les différentes communautés de migrants et d’éviter les affrontements entre migrants et routiers ».

Des travaux sont en cours pour modifier l’agencement du port, afin d’améliorer les contrôles et fluidifier le trafic. « Plus nous renforçons la sécurité du port, moins il est facile de passer en Angleterre, et moins Calais sera attractif pour les réseaux », ajoute-t-il. Dans le cadre du plan grand froid, un hangar industriel de 4 000 mètres carrés est ouvert la nuit aux migrants en cas de chute des températures.

Bernard Cazeneuve a annoncé le 24 décembre dernier qu’un centre d’accueil de jour, pour femmes et enfants, sera opérationnel fin mars 2015.

Parallèlement, l’accès des migrants à la demande d’asile en France est développé. Le ministère de l’Intérieur œuvre également au renforcement de la coopération avec les pays sources, les pays de transit et les partenaires de l’UE afin de limiter l’exode. Depuis le 1er novembre, l’opération TRITON, lancée par l’UE, permet notamment de surveiller et de contrôler les frontières côtières. De plus, Bernard Cazeneuve a conclu avec Theresa May, son homologue britannique, des accords permettant d’engager une coopération policière et logistique (partage d’informations opérationnelles entre la DCPAF, l’OCRIEST, la National Crime Agency et la Border force) et de travailler plus étroitement à la lutte contre la criminalité organisée qui exploite les migrations illégales. Les deux gouvernements lancent également des campagnes d’information communes à destination des migrants, sur le caractère illusoire et dangereux du passage clandestin vers le Royaume-Uni.

Floriane Boillot

*L’OFII : l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration créé en 2009 et placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, est le seul opérateur de l’Etat en charge de l’immigration légale.

Solid’R

Solid’R est une association professionnelle reconnue d’intérêt général. Elle intervient pour les migrants depuis 2010 avec une mise à l’abri en période hivernale. Au printemps 2014, Denis Robin, préfet du Pas-de-Calais, missionne, par le biais de la DDCS ( 1 ) , l’association Solid’R afin d’ouvrir un centre d’hébergement et d‘accueil de jour pour mettre les populations « vulnérables et spécifiques» à l’abri.

Solid'R © MI/SG/Dicom/E.Delelis

David Lacour, directeur de Solid’R, salut le rôle de l’État : « Le préfet Robin a maintenu un lien avec les associations et dialogué avec les « No-Borders » ( 2 ) . Il nous a accompagnés pour l’ouverture de ce centre et c’est aujourd’hui grâce à lui que nous pouvons avancer sur le dossier. Nous sommes la première association intervenant avec un fonds de l’État. »

Les cinq éducateurs sociaux et les trois veilleuses de nuit, tous salariés, gèrent le bâtiment et les 45 femmes et enfants qui y sont accueillis. « Notre mission est la mise à l’abri et le réconfort humain. S’occuper des femmes et enfants est le minimum », explique Loïc, éducateur. David Lacour s’inquiète cependant de cette situation provisoire : « Il faut trouver le juste milieu entre l’action d’urgence et une vision à plus long terme : comment légiférer sur ce type d’accueil, comment faire reconnaître ce dispositif ? Que feront-nous une fois les fonds épuisés ? »

Sur les murs du couloir donnant aux chambres, on peut voir des dessins d’enfants éthiopiens ou érythréens ayant séjourné, ou lire ce témoignage d’un jeune migrant afghan de passage cette année par la France : « Afghanistan, Iran, Turquie, Grèce, Belgique, France .... Un voyage comme ça, c’est très dangereux. Tous les jours tu te dis que c’est fini. Tu es fatigué, tu as faim, tu as peur. Peur de la police, peur des passeurs, peur de la prison. Mais quand même tu continues car tu sais que si tu es renvoyé dans ton pays de toute façon tu es mort. »

Floriane Boillot

(1) La DDCS : La direction départementale de la cohésion sociale assure les missions relatives à la cohésion sociale, la jeunesse, aux sports, la vie associative et la protection des populations vulnérables.
(2) Les No-borders sont des réseaux d’individus investis dans la lutte contre les systèmes de contrôle des frontières et des migrations.