L’action du ministère vue par… les organisateurs du Tour

Pierre-Yves Thouault © @ASO
10 juin 2013

« Un travail de confiance avec les préfets et le ministère »
Pierre-Yves Thouault est directeur adjoint du Tour de France chez Amaury Sport Organisation (ASO), partenaire incontournable du ministère de l’Intérieur pour la sécurité de l’épreuve, de ses acteurs et des spectateurs.


Quelle est l’approche des organisateurs du Tour de France en matière de sécurité ?

Sur le Tour,  la sécurité est la priorité numéro un. Il n’y a rien de pire pour nous que d’avoir un incident sur nos épreuves. C’est un domaine très important qui concerne tout le monde : sportifs, organisateurs, commissaires généraux… Dès que le parcours du Tour est tracé, l’aspect sécurité entre immédiatement en jeu.  C’est primordial, à l’instar des autres évènements sportifs organisés par ASO comme le Paris-Dakar.

Comment s’organise cette sécurité lors de cet évènement ?

Avant tout par la présence de nombreux policiers et gendarmes. Des conventions nationales ont été passées avec la DGGN et la DGPN, sous l’égide du ministère de l’Intérieur.  Près de 24000 représentants des forces de l’ordre sont en moyenne présents sur l’ensemble du Tour chaque année.  De plus, 45 gardes républicains et une mission police composée de 12 policiers nous accompagnent sur la totalité de l’épreuve.  Lorsque la compétition se déplace à l’étranger, les gendarmes et les policiers intégrés au Tour nous accompagnent. Il n’y pas de différence lorsque nous passons en Belgique ou en Espagne ou si nous nous trouvons sur le territoire national. Le Tour de France a donc la même signalétique en France et à l’étranger. La Garde Républicaine fait partie intégrante de l’organisation du Tour. Par ailleurs, nous avons développé un volet prévention très important sur les 200 véhicules de la caravane. Par exemple, tous les véhicules circulent depuis quelques années en quinconce, un gage de sécurité. Les véhicules qui remontent la caravane peuvent ainsi le faire en toute sécurité. La caravane publicitaire est un serpent long de trente minutes.

Quel est l’avis d’ASO sur la mission de la Garde Républicaine au cœur de la caravane et du peloton ?

La Garde est depuis 1953 sur le Tour. Le Tour a grossi depuis et la Garde s’est toujours adaptée.  Les gendarmes de la Garde ont toujours une attitude irréprochable. Ce sont de grands professionnels. Ils ont une énorme capacité d’adaptation, notamment en prenant en compte les évolutions de la course. Ils nous facilitent énormément la tâche. Ce sont aussi des motocyclistes chevronnés. Laurent Jalabert avait avoué qu’il se fiait aux feux de la moto du Garde Républicain qui le devançait pour anticiper les virages dans les descentes de montagne. La mission de la Garde est unique au monde, beaucoup d’organisateurs de courses à l’étranger nous l’envient. Ils ont une expertise, un savoir-faire et une attitude qui en font des acteurs à part entière du Tour de France.

Quelle est l’approche du peloton à l’égard des motards de la Garde ?

Les coureurs savent qu’ils font partie de l’organisation. Il faut néanmoins faire une certaine éducation, notamment auprès des jeunes coureurs, pour les prévenir que lorsqu’un motard de la Garde remonte le peloton, ce n’est pas pour pousser les coureurs, qu’il faut leur laisser un couloir pour les laisser passer. Je leur dis sans cesse qu’ils sont là pour leur sécurité avant tout. Récemment, des drapeaux jaunes ont été placés sur les sacoches des gardes pour qu’ils soient parfaitement identifiés par les coureurs.  Et inversement, les gardes comprennent très bien l’agacement éventuel d’un coureur avec la pression et les enjeux qui entourent la course. Ils se revoient le soir même ou le lendemain sans problème. Beaucoup les considèrent comme des anges gardiens, surnom donné par beaucoup de coureurs. Certains ont même développé des affinités voire des amitiés.

Qu’en est-il des officiers de liaison de la gendarmerie et de la police ?

Ils sont également très importants pour nous. L’officier de police fait l’interface avec les DDSP et l’officier de gendarmerie avec les commandants de groupement. Ils sont le lien entre le Tour et les forces de sécurité locales dès qu’un incident survient. Ils font également partie à mes côtés de la commission de sécurité, sorte de tribunal du Tour. Je suis entouré des deux, le soir à la permanence ou au village le matin, pour prendre des sanctions lorsqu’il y a des écarts dans la caravane. Des exclusions temporaires ou définitives sont alors décidées en commun accord. Le Tour regroupe 5000 personnes, 2000 véhicules, des millions de spectateurs, et présente donc des risques importants. D’où la nécessité d’être intransigeant sur tous les sujets de sécurité, surtout au sein du peloton et de la caravane.

Y a-t-il des risques particuliers à craindre sur l’aspect sécurité ?

La sécurité est pour nous une vigilance de tous les instants. Ce n’est pas parce qu’on entend des choses en amont du Tour que l’on sera plus ou moins vigilants. On l’est tout le temps ! Sur le Tour de France, il est très clair qu’il se passe des choses tous les jours tant sur le plan de la sécurité que de la sûreté. Sur les aspects sûreté et les risques de malveillance, il y en a mais des autorités compétentes sont là pour ça. Sur l’aspect sécurité du parcours, une reconnaissance est effectuée bien en amont par des anciens coureurs professionnels que nous recrutons pour cette mission. S’il faut des aménagements, des drapeaux jaunes, si dans une descente il faut deux gardes, nous prenons les mesures nécessaires.  Il ne faut jamais oublier que le Tour est une caisse de résonnance pour certains mais que, généralement, le public est surtout populaire, aucunement véhément.

Comment s’organise concrètement la privatisation des routes entre ASO et les services de l’Etat ?

Nous réalisons en ce moment-même des reconnaissances sur les routes du Tour de France 2014. Une fois qu’elles seront toutes faites, nous  présenterons le tracé en octobre prochain. Le même jour de cette présentation, le Tour est déclaré administrativement auprès du ministère de l’Intérieur avec tous les itinéraires. Le détail du parcours est ensuite envoyé à toutes les préfectures concernées, avant que des réunions spécifiques avec les différents préfets aient lieu. Nous y expliquons les détails de l’organisation : par exemple la présence de neuf médecins urgentistes dans l’équipe médicale, en lien avec tel ou tel hôpital. L’assemblée des départements de France sera présente pour le balisage. Nous décrivons dans le moindre détail le tracé, les aménagements, les horaires, en présence des services de l’Etat et des collectivités. Suite à ça, des procès-verbaux sont effectués. Les avis sont demandés aux préfets et à partir de ce moment-là  on constate les points de blocage que l’on discute ensuite avec le ministère de l’Intérieur. Puis des réunions des services d’ordre sont organisées avec tous les DDSP et les commandants de groupements. Je sais donc où se trouvent les interrogations ou les difficultés sur telle ou telle portion du tracé mais il n’y a jamais eu d’avis défavorable émis. S’il y a un risque d’éboulements, des travaux, ou d’autres gênes, on le sait bien amont, tout est anticipé et nous adaptons donc le tracé en conséquence. C’est un travail de confiance avec les préfets et le ministère.

Le but est évidemment de faire de cet évènement une belle fête populaire…

Après les Jeux olympiques et la Coupe du Monde de football, le Tour de France est le troisième événement sportif le plus important au monde. En plus, il  a lieu tous les ans et est gratuit pour le public. Tout le monde a un peu de Tour de France en lui, se l’accapare. On passe devant chez les gens, on s’adresse aux jeunes, aux vieux, à tout le monde. Du coup, tout est anticipé sur le Tour. Nous validons même la totalité des objets publicitaires offerts au public, des préventeurs des risques vont valider tous les véhicules, on fait de la formation avec la Gendarmerie nationale pour les motards de l’organisation au Centre national de Fontainebleau. Des modules de formation spécifiques Tour de France ont même été créés : circuler avec beaucoup de public, de tensions, ça monte, ça descend, il fait chaud, il fait froid. Tout est donc pris en compte : le champ de vision, la récupération, le freinage, l’anticipation… Je dis à chaque fois aux motards et aux chauffeurs d’ASO : "considérez-vous comme des athlètes".  Le Tour est un évènement long qui requiert du sérieux dans la gestion du corps.

Richard WAWRZYNIAK