L’escadron motocycliste de la Garde Républicaine est un partenaire incontournable du Tour de France. Depuis 1953, ces gendarmes assurent la sécurité de la « bulle » du Tour. Plongée au cœur du peloton pour une mission atypique de la Gendarmerie nationale…
La Garde Républicaine constitue un élément essentiel au bon fonctionnement des institutions, en assurant des missions de sécurité publique et de représentation protocolaire. Ses missions principales consistent à assurer le protocole militaire de l'État, à assurer la sécurité des palais nationaux, à contribuer à la sécurité publique générale et au rayonnement international de la France. Parmi les unités qui composent la Garde, l’escadron motocycliste assure depuis 1953 la sécurité de la « bulle » du Tour de France. Une mission atypique mais également prestigieuse pour les motocyclistes de la Garde.
Pour la 100ème édition du Tour de France, 45 gendarmes de la Garde sont mobilisés. Leur recrutement survient après de nombreux tests pratiques et techniques, durant lesquels sont notamment évaluées la dextérité à moto et les qualités de pilotage. « Le motard de la Garde doit parvenir à une telle maîtrise de son véhicule qu’il doit occulter le pilotage de la moto pour assurer sa mission qui est d’assurer la sécurité de chacun, explique le Lieutenant Frédéric Cazcarra, membre de l'escadron motocycliste de la Garde Républicaine. Le pilotage doit ainsi devenir instinctif. » D’autres pans plus poussés de la conduite de deux roues sont également abordés : la maniabilité à très bas régime, la haute vitesse sur un circuit en respectant des trajectoires de sécurité, des tests sur un secteur routier traditionnel, des tests physiques et un entretien avec le commandant d’unité.
La Garde assure de nombreuses missions sur le Tour, chacune requérant des spécificités techniques particulières dans la conduite de l’engin : l’avant et l’arrière de la course pour ouvrir et fermer le passage du Tour, récupérer des coureurs en détresse, escorter une ambulance, protéger le peloton, assurer la mission des drapeaux jaunes (prévention des risques pour les coureurs où il faut se porter en amont de la course pour signaler les dangers lorsque le peloton arrive, puis remonter sur la moto pour rejoindre la prochaine difficulté).
« Nous devons être attentifs à tout ce qui nous entoure, poursuit le Lieutenant Cazcarra. En montagne par exemple, nous devons fendre la foule pour ouvrir le passage aux cyclistes. Le secret est de se placer à la meilleure distance possible du coureur pour qu’il profite de l’ouverture. Si l’on est placé trop loin, le public se refermera sur le coureur, si l’on est placé trop prêt, le coureur sera gêné par le travail du gendarme. Nous devons protéger les coureurs contre toute interférence extérieure. Le Tour est l’épreuve qui demande la plus grande expertise au niveau de l’accompagnement et de l’action de la Garde. L’action ne doit en aucun cas perturber le bon déroulement de l’épreuve mais au contraire, tout faire pour le faciliter. »
Les motards de la Garde se répartissent sur l’intégralité de la caravane pour assurer leurs missions : à l’avant et à l’arrière de la course, au cœur des échelons caravane et course. La Garde devient alors une entité indissociable qui se déplace à la vitesse de la caravane ou de la course, mais ne se scinde jamais. Deux noyaux se déplacent alors sans que rien ne vienne perturber la dynamique de la course.
La journée-type du garde républicain sur le Tour est particulièrement chargée. Après avoir quitté son lieu d’hébergement, il vérifie, nettoie et entretient sa moto. Avant de rejoindre la ligne de départ de l’étape du jour, il peut parfois être amené à escorter les équipes pour les aider à relier le lieu de départ, très souvent engorgé et embouteillé. Les gendarmes affectés sur l’échelon caravane rejoignent le plus rapidement possible la caravane pour procéder à des contrôles d’alcoolémie ou de stupéfiants sur site. L’itinéraire est vérifié une dernière fois avec les responsables d’ASO et les éventuelles problématiques sont anticipées : passages un peu étroits sous un pont, déviations à anticiper, secteurs dangereux, parc Natura 2000 traversé durant une étape…
Durant l’étape, la gestion de la course par la Garde se fait au fil de l’eau, au gré des évènements de la course. Le commandant de l’escadron motocycliste se place au milieu des échelons caravane et course, et fait le lien entre les deux, en contact radio permanent avec l’ensemble de son équipe. Les motards sont répartis en binômes : de contrôle, de vérification en amont de l’itinéraire, de régulation et de sécurité, de tête de course. A l’arrière de la course, une équipe est chargée de récupérer les naufragés de la route ou d’accompagner une ambulance en cas d’urgence.
La difficulté pour la Garde est d’assurer la sécurité d’un évènement en perpétuel mouvement. « Dans un stade, une fois les accès aux tribunes sécurisés et le public filtré, l’évènement devient figé, explique le Colonel Gérard Escolano, responsable du pilotage et de la coordination du Tour de France à la direction générale de la Gendarmerie nationale. Sur le Tour, l’évènement est linéaire et se déplace. Ce qui demande une forte capacité d’anticipation pour éviter de se retrouver dans l’impasse et d’interrompre cette dynamique. »
Troisième évènement sportif au monde après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football, le Tour de France est une fête populaire reconnue, qui ne doit pas être atténuée ou perturbée par le travail des forces de l’ordre sur le Tour. Les gardes républicains doivent donc savoir doser leur présence pour parvenir à un savant mélange entre présence, protection, sécurisation et dissuasion. « Il faut sentir les évènements en course, continue le Colonel Escolano. Les gardes sont dans cette dynamique depuis leur intégration à l’escadron moto. Cela fait partie intégrante de leurs missions, de leur cœur de métier. »
Les coureurs du Tour ont parfaitement intégré la présence des gardes au sein de la course, beaucoup les surnommant même « les anges gardiens », comme l’explique Pierre-Yves Thouault, directeur adjoint du Tour de France chez ASO : « Les coureurs savent qu’ils font partie de l’organisation. Il faut néanmoins faire une certaine éducation, notamment auprès des jeunes coureurs, pour les prévenir que lorsqu’un motard de la Garde remonte le peloton, ce n’est pas pour pousser les coureurs, qu’il faut leur laisser un couloir pour les laisser passer. Je leur dis sans cesse qu’ils sont là pour leur sécurité avant tout. Récemment, des drapeaux jaunes ont été placés sur les sacoches des gardes pour qu’ils soient parfaitement identifiés par les coureurs. Et inversement, les gardes comprennent très bien l’agacement éventuel d’un coureur avec la pression et les enjeux qui entourent la course. Ils se revoient le soir même ou le lendemain sans problème. Beaucoup les considèrent comme des anges gardiens, surnom donné par beaucoup de coureurs. Certains ont même développé des affinités voire des amitiés. »
Souvent, le motard de la Garde peut se révéler comme un repère visuel pour les coureurs, notamment lors des descentes de cols. Bernard Hinault avouait à ce propos : « Tant que le garde ne freine pas, on peut y aller ! ». Il peut aussi par sa seule présence canaliser les enthousiasmes parfois débordants voire hystériques de certains : « Lors d’une récente édition nous avions identifié deux spectateurs qui couraient à côté des véhicules. Chose habituelle sur le Tour, sauf qu’ils étaient équipés d’un casque avec deux énormes cornes qui présentait un réel danger pour les coureurs. Nous avons donc pré positionné deux gardes juste devant eux. Grâce aux motos, ils se sont retrouvés bloqués le temps du passage du peloton… »
Souvent imité à l’étranger mais jamais égalé, le travail de la Garde est indissociable du Tour de France. Lorsque celui-ci dépasse nos frontières, comme ce fut le cas en 2007 en Grande-Bretagne ou en 2012 en Belgique, la Garde Républicaine conserve l’intégralité de ses prérogatives et de ses missions. Ainsi, le Tour est, durant trois semaines, sous bonne « garde ».
Richard WAWRZYNIAK