Mai 2017-mai 2018 : une année de mobilisation exceptionnelle pour les forces mobiles

8 juin 2018

Depuis plusieurs années, nous assistons à une résurgence de la violence anti-institutionnelle à l’occasion de manifestations, où les cortèges pacifiques doivent composer avec l’infiltration de groupes parfois très violents, incarnée par des membres de la mouvance contestataire la plus radicale (manifestations contre la loi travail, manifestation du 1er mai).

Les individus les plus radicaux (black bloc), parfaitement organisés et équipés, perturbent les cortèges régulés et pacifiques ; ils entendent ainsi exprimer leurs revendications en dehors de la voie syndicale traditionnelle (regroupement sous forme de nébuleuse, dégradations massives, jets de projectiles incendiaires ou détonants contre les forces de l’ordre en tête de manifestation, intégration au sein du cortège, etc.)

L’image du CRS transformé en torche vivante lors d’une manifestation à Paris le 1er mai 2017 est le témoignage de ce changement d’attitude de certains manifestants. De la même manière, en zone rurale, les évacuations des ZAD de Bure et Notre-Dame-des-Landes illustrent à quel point la violence s’est banalisée lors de ce type de rassemblement.

Schématiquement et au-delà des exemples de circonstances, deux types de violences doivent être distingués :

  • L’émeute dans la manifestation : la violence survient après l’infiltration d’éléments radicaux lors de rassemblements déclarés, type loi travail, 1er mai, etc.
  • L’émeute hors de la manifestation : la violence survient alors qu’aucune manifestation n’est régulièrement déclarée, type ZAD, violences urbaines, attroupements spontanés. La commission de violences est alors souvent la finalité principale des individus présents.

Enfin, l’action des forces de l’ordre donne lieu à des formes de plus en plus variées de contrôles et d’observation à la fois de la part des médias, associations, élus et autorités institutionnelles, comme le défenseur des droits. Leurs actions sont abondamment filmées et répercutées instantanément sur les réseaux sociaux.

Quatre opérations majeures ont ainsi donné lieu à des retours d’expériences : Bure, Notre Dame des Landes, la gestion des mouvements dans les universités et les manifestations du 1er mai à Paris.

Bure

L’évacuation de la ZAD du Bois Lejuc à Bure (55) le 22 février, puis la protection de ce site face à 300 opposants déterminés au cours du week-end du 3-4 mars, ont été des réussites opérationnelles qui ont réaffirmé l’autorité de l’État et rétabli l’état de droit.

L’opération d’évacuation du Bois Lejuc a été menée le 22 février 2018.

  • Dès l’aube, 500 gendarmes (dont 5 escadrons de gendarmerie mobile – EGM) ont investi ce site et déployé un dispositif de sécurisation sur les communes alentours (Bure et Mandres-en-Barrois tout particulièrement). La reprise du bois a été effective rapidement, et les travaux de déblaiement des obstacles installés par les occupants ont pu être initiés par l’ANDRA (220 tonnes de déchets évacuées sur plusieurs jours).
  • En réaction à l’action de la gendarmerie, une soixantaine d’opposants présents sur le secteur ont tenté de s’opposer, en prenant à partie les militaires, ou en commettant des dégradations dans les rues de Bure. Huit d’entre eux ont été interpellés et placés en garde à vue, et leur quartier général (maison de la résistance, située dans le centre de la commune de Bure) a été perquisitionné sous l’autorité du procureur de Bar-le-Duc.

Le week-end suivant (3-4 mars), un appel à la mobilisation en vue d’une réoccupation du Bois Lejuc a été lancé.

  • Face au risque avéré de troubles à l’ordre public et au profil particulièrement violent de certains des manifestants attendus, la préfète de la Meuse a interdit ce rassemblement. Le dispositif de la gendarmerie a été adapté afin d’y faire face. Plus de 1000 gendarmes ont été mobilisés au total du vendredi 2 au lundi 5 mars 2018, afin empêcher toute réinstallation dans le Bois Lejuc, de prévenir la commission de troubles aux alentours, et de protéger les sites sensibles du secteur, de jour comme de nuit.
  • Ce dispositif est parvenu à mettre en échec à deux reprises des tentatives de réappropriation du Bois Lejuc et de blocage d’axes routiers limitrophes. Dix interpellations, donnant lieu à neuf gardes à vue et à une vérification d’identité, ont été effectuées au long du week-end.

Notre-Dame-des-Landes

Depuis l’annonce de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (44), le 17 janvier dernier, la feuille de route fixée par le Premier ministre a été mise en œuvre afin de rétablir, étape par étape, l’état de droit sur la « zone à défendre  » (ZAD) qui s’était implantée depuis 2008 sur les terrains concernés par ce projet et mettre à exécution des décisions de justice, avec le concours de la force publique, pour procéder à l’évacuation des occupants illégaux du site.

Cette opération était annoncée plusieurs mois auparavant, avec un objectif clair de la part de l’État :

  • Les terres ont vocation à retrouver une finalité agricole afin d’assurer un développement harmonieux de ce territoire suite à la large médiation conduite par la préfète de Loire-Atlantique avec l’ensemble des acteurs;
  • Les occupants illégaux, qui refusent de porter un projet agricole et sont là dans une logique de confrontation, avaient vocation à quitter les lieux d’eux-mêmes ou, à défaut, d’être expulsés.

L’opération conduite par la gendarmerie est d’une ampleur inédite :

  • 2500 gendarmes ont été mobilisés 24 heures sur 24 au plus fort de l’opération et d’importants moyens d’appui (véhicules blindés de la gendarmerie, hélicoptères, drones, etc.) ont été engagés.
  • Sur 97 lieux de vie initialement recensés sur l’ex-ZAD, 39 ont été évacués, dont 36 ont été déconstruits. L’ensemble des objectifs assignés par le gouvernement sous couvert de la préfète de Loire-Atlantique ont donc été atteints dans les délais impartis.

La violence de l’adversaire, quelquefois extrême, a généré des affrontements singulièrement durs d’avril à mai, sur un terrain d’action particulièrement vaste et difficile d’accès (1650 hectares de bocage), de jour comme de nuit. Au bilan :

  • S’agissant des axes routiers, 211 barricades (la plupart enflammées et piégées avec des bouteilles de gaz) ont été réduites par les véhicules blindés de la gendarmerie du 9 avril au 31 mai.
  • 108 militaires de la gendarmerie ont été blessés,
  • Il a été procédé à 54 interpellations, ayant conduit à 41 condamnations pénales ou poursuites en cours.
  • 129 procédures ont été diligentées.
  • 800 engins incendiaires, 50kg d’artifices ou d’engins explosifs, et un drone adverse (intercepté en plein vol par les brouilleurs de la gendarmerie) ont fait l’objet de saisies judiciaires.

La gestion des mouvements dans les universités

Au cours de ces dernières semaines 25 opérations d’évacuations de sites universitaires ont été réalisées par les forces de l‘ordre sur réquisition des présidents d’université depuis le début des mouvements de protestation contre les réformes du baccalauréat, Parcoursup et le plan « Étudiants ».

Les effectifs de police qui ont été engagés sur ces dispositifs ont dû faire face à un climat de fortes tensions, alimentées par des « agitateurs » en nombre qui n’ont pas hésité à commettre de nombreuses violences et dégradations importantes à l’intérieur et à l’extérieur des locaux.

Ces actions, même si elles ne rassemblaient que peu de jeunes, dont une partie extérieure aux universités, a grandement perturbé le fonctionnement de ces établissements, dont certains ont dû fermer pour des questions de sécurité.

Depuis le commencement de ces occupations, le cabinet du Ministre de l’Intérieur a été en relation quotidienne avec celui de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

Toutes ces opérations ont été menées en relation étroite avec ce ministère au niveau central et, localement, ont reposé sur une coopération directe entre les préfets, les recteurs et les présidents d’université, ces derniers adressant, le cas échéant, des demandes de concours de la force publique pour évacuer les locaux occupés.

Il est à noter que, malgré leur sensibilité, ces opérations se sont déroulées sans incident majeur et que consécutivement aux évacuations, les services de police ont assuré une présence constante aux abords des établissements pour dissuader toute nouvelle velléité de blocage et permettre aux examens de se dérouler normalement pour la très grande majorité d’entre eux. 18 compagnies républicaines de sécurité ont été engagées sur ces évacuations.

A titre d’exemple peut être citée l’évacuation du site de Tolbiac le vendredi 20 avril 2018 :

  • Le Centre Tolbiac faisait l’objet depuis 26 jours de graves perturbations et d’une occupation dont le nombre de personnes pouvait varier de 100 chaque matin jusqu’à 1500 lors d’évènements.
  • Largement conduite par la mouvance contestataire radicale, les occupants organisaient la défense du site par la mise en place de filtrages et le blocage à l’aide d’objets divers de certaines parties du site universitaire.
  • De nombreux débordements ont conduit à des dégradations importantes des locaux d’enseignement, et à deux reprises, des groupes ont quitté le site pour se livrer à des dégradations nocturnes dans le quartier.

La manifestation du 1er mai

Les informations dont disposait la préfecture de police en amont faisaient craindre un « rendez-vous révolutionnaire », selon les propres termes de militants radicaux, animés par la volonté de perturber le défilé syndical traditionnel et de faire déraper cette journée au moyen de l’usage de la violence.

Le dispositif d’ordre public avait été dimensionné en conséquence : 21 unités de forces mobiles avaient été mobilisées pour cette manifestation, en renfort des services et unités de la DOPC, soit plus 1500 policiers, gendarmes et fonctionnaires.

Le défilé 2018 s’est caractérisé par la mise en place devant le cortège syndical classique, pacifique et régulièrement déclaré, d’un cortège très important qui a regroupé 14 500 personnes parmi lesquelles 1200 individus de la mouvance « Black-Blocks », un volume encore jamais observé, pour ces derniers.

Face aux dégradations importantes constatées (restaurant, concession automobile, mobilier urbain), le préfet de police a décidé d’engager une manœuvre pour « isoler » les fauteurs de troubles du reste du cortège. Pour ce faire, le cortège officiel, au milieu duquel se trouvaient les « Black-Blocks », a été scindé en 3 groupes, permettant ainsi de réaliser des interpellations massives, tout en limitant les dégâts matériels, préservant l’intégrité des membres du cortège « officiel » et en leur permettant la poursuite leur déambulation.

Le bilan :

  • Humain : comparé aux situations antérieures, il est très faible, puisque seuls 4 blessés très légers sont à déplorer, dont un parmi les forces de l’ordre (1 CRS) ;
  • judiciaire : 283 personnes ont été interpellées, 146 présentées à un officier de police judiciaire, 109 mesures de garde à vue et 47 défèrements devant l’autorité judiciaire.

L’immense majorité de ces rassemblements se sont passés dans de bonnes conditions. Le travail réalisé en amont de ces évènements par les services du renseignement de la police nationale (SCRT en province et DRPP à Paris) a permis  d’anticiper la présence récurrente au sein des cortèges de militants « ultras » particulièrement représentés lors des manifestations à Paris, Lyon, Nantes et Rennes. Ces activistes sont constitués en groupes très mobiles, dissimulés parmi les  manifestants pacifiques, et utilisent l’occasion fournie par la manifestation pour perpétrer des actes violents (violences physiques dirigées vers les forces de l’ordre, dégradations matérielles conséquentes).

Zoom sur la gestion de l’ordre public à Paris

La gestion de l’ordre public par la préfecture de police s’appuie sur une expérience et un savoir-faire éprouvés et reconnus. Face aux nouvelles formes de contestation observées dans les manifestations revendicatives, une nouvelle stratégie a été mise en place, dans le cadre du modèle intégré qui fait la force de la préfecture de police.

La préfecture de police dispose d’une expertise reconnue en matière d’ordre public, et notamment de maintien de l’ordre, grâce à son expérience et à la force de son modèle intégré.

Outre leur caractère souvent exceptionnel dans leur ampleur, les événements d’ordre public gérés par la préfecture de police se caractérisent par une récurrence et une densité particulièrement importantes. Les chiffres annuels sont significatifs : 7500 événements en maintien de l’ordre, services d’ordre ou voyages officiels (MO-SO-VO), dont 5700 MO parmi lesquels plus de 2000 manifestations revendicatives ; 2,3 millions d’heures fonctionnaires ; entre 11 et 12,5 millions de participants pour les seules manifestations.

La préfecture de police a développé une expertise de haut niveau dans la gestion du maintien de l’ordre, des services d’ordre et des visites officielles, considérée comme une référence bien au-delà des frontières nationales. Ce savoir-faire repose sur la force du modèle de la préfecture de police, avec une direction spécialisée dans l’ordre public (la direction de l’ordre public et de la circulation – DOPC, et le concours des autres directions (direction du renseignement de la préfecture de police – DRPP pour l’analyse des risques, direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne – DSPAP pour le traitement judiciaire, direction des services techniques et logistiques – DOSTL pour la fourniture de moyens spéciaux.

A l’instar de tous les préfets de zone, le préfet de police, préfet de la zone de défense de Paris (Ile de France), dispose du concours indispensable des unités de forces mobiles (UFM) qui sont mises à sa disposition, en fonction de ses besoins.