Les attentats du 13 novembre dernier ont causé la mort de 130 personnes, alors que le nombre moyen d’homicides en France est de l’ordre de 65 par mois. À l’inverse, on a constaté, comme en janvier 2015 dans des circonstances similaires, une baisse du nombre de crimes et délits enregistrés à partir du 14 novembre, date de la mise en place de mesures de sécurité exceptionnelles. Une première estimation de cette baisse, qui ne porte que sur les données enregistrées par la police nationale en métropole, estime autour de 16% la diminution du niveau des vols avec violence et des vols sans violence contre des particuliers au cours de la deuxième partie du mois. Cet impact a été relativement plus fort à Paris. Il a également été sensible, mais moins important (de l’ordre de 5 à 10%), en ce qui concerne les cambriolages, les coups et blessures et les vols liés aux véhicules à moteurs.
Ce travail est basé sur l’analyse quotidienne des crimes et délits enregistrés pas les forces de police (police nationale et préfecture de police) depuis avril 2015, date de la mise en place et de l’utilisation systématique de LRPPN dans les commissariats, et jusqu’au 30 novembre. Bien que cette source permette d’analyser les faits selon leurs dates de commission, on a favorisé ici l’analyse des dates d’enregistrement par les policiers, car tous les faits qui ont eu lieu au cours des derniers jours ne sont pas encore enregistrés. L’expérience des derniers mois montre que l’analyse des calendriers journaliers des enregistrements est un excellent prédicteur des tendances qui se révéleront, avec quelques semaines de décalage, dans l’examen des faits selon leurs dates de commission. L’étude porte uniquement sur les données de la police nationale en France métropolitaine : elle est donc représentative des phénomènes enregistrés dans les grandes agglomérations de métropole.
Au début de l’année 2016, le SSMSI reprendra cette analyse en examinant cette fois-ci, avec le recul nécessaire, les dates de début des faits, et l’élargira aux données de la gendarmerie nationale. En attendant ce travail affiné, ces chiffres doivent être considérés comme des ordres de grandeur.
Les catégories d’infractions concernées sont celles des principaux indicateurs mensuels suivis par le SSMSI (cf. Interstats Méthode N° 3 ).
Pour estimer l’impact probable des événements tragiques du 13 novembre 2015 et des mesures de sécurité renforcées prises à leur suite, il convient d’estimer le rythme des délits enregistrés si les attentats n’avaient pas eu lieu. Pour cela on compare les rythmes quotidiens de faits et de crimes et délits (hors délits routiers) enregistrés par la police, d’une part dans les deux premières semaines de novembre (du 1er au 13) et d’autre part durant la période qui a suivi les attentats (du 14 au 30 novembre). Contrairement à l’étude réalisée à propos des évènements de janvier 2015 sur les départements de Paris et de la petite couronne (cf. Interstats Analyse N° 3 ), on ne dispose pas pour l’ensemble de la France des calendriers détaillés d’enregistrement pour les périodes comparables des années précédentes. Il n’est donc pas possible d’utiliser exactement la même méthode pour estimer une « situation de référence ».
Le rythme d’enregistrement des infractions est très sensible au calendrier hebdomadaire et aux jours fériés : par rapport à un jour moyen, on enregistre 50% d’infractions en plus un lundi, 25% un mardi mais 50% de moins un samedi ou un dimanche) : il convient donc de comparer des périodes comparables en terme de types de jour.
Dans un premier temps, on rapporte chacun des jours du 1er au 13 novembre à des jours identiques « moyens » de l’année 2015, ce qui permet d’estimer comment se situait cette quinzaine de novembre par rapport à une période moyenne de l’année. On en déduit ce qui se serait probablement passé dans le reste du mois de novembre en l’absence de tout événement exceptionnel impactant la délinquance. C’est ce chiffre qui, comparé au nombre d’infractions effectivement observés, nous permet d’estimer l’impact du choc du 13 novembre.
Compte tenu de la répartition entre les lundis, les mardis, les mercredis, … et les jours fériés, on aurait dû, sur la base de ce qui est observé quotidiennement depuis avril 2015, observer environ 17 842 infractions de ce type entre le 1er et le 13 novembre. Or les services de police en ont en a observé 18 529. Avant le 13 novembre, on avait donc globalement 3,8% de faits de plus que pendant une période « moyenne ».
Entre le 14 et le 30 novembre, le nombre moyen de faits attendus, en suivant le rythme moyen des jours de la semaine depuis avril 2015, était de 23 015. Si on y ajoute les 3,8% correspondant à la tendance du début du mois, on aboutit à un volume « attendu » de 23 901 infractions. Or on en a constaté seulement 20 090.
On peut donc considérer que « l’impact » des mesures de sécurité publique prises suite aux événements du 13 novembre est de l’ordre de 23 901 - 20 090 = 3 811, soit 16% de la délinquance enregistrée de cette nature sur les deux semaines qui ont suivi.
Si on rapporte cet impact de 3 811 faits au volume enregistré sur l’ensemble du mois du novembre (et pas seulement sur la deuxième partie du mois), y compris par la gendarmerie nationale (en charge de la sécurité dans les zones rurales et les petites villes, qui enregistre un quart de ce type d’infractions), il est de 6% seulement.
Les vols avec violence contre les particuliers ont été inférieurs de 16% à ce qu’on estime que l’on aurait constaté, dans les services de police, à partir du 14 novembre. Ce sont 738 infractions de moins qui auraient été enregistrées, dont 163 (-24%) pour les seuls services de Paris.
Compte tenu du fait que ces chiffres ne portent que sur les grandes agglomérations, et n’impactent que la deuxième moitié du mois, l’impact sur le total des faits enregistrés en novembre ne serait que de 8%.
L’impact relatif est pratiquement le même pour les vols sans violence contre des particuliers : 3 811 vols (16%) auraient semble-t-il « évités », dont 1 206 uniquement à Paris (-25%). Là encore, l’impact sur le total des faits enregistrés en novembre ne serait que de 6%.
L’impact apparent des événements a été réel, mais plus faible, en ce qui concerne les cambriolages : -8% et 623 cambriolages sur la deuxième quinzaine de novembre. Comme dans les autres domaines, l’impact a été plus important à Paris. L’impact effectif des mesures qui ont suivi les événements du 13 novembre est peut-être un peu supérieur à ce qui est estimé ici, car les années précédentes les cambriolages étaient plutôt plus nombreux à la fin du mois de novembre qu’au début.
Les vols de véhicules à moteur ont également connu une baisse, plus forte pour les deux roues immatriculées (-17%) que pour les voitures (-9%). Les vols à la roulotte ont également légèrement ralenti (-6%), et les vols d’accessoires automobiles plus sensiblement (-13%). Pour ce qui est des vols liés aux véhicules, Paris ne se distingue pas nettement du reste du territoire.
Dans le domaine des coups et blessures volontaires, on constate une nette baisse à Paris, avec 155 victimes de moins que le chiffre « attendu », soit un impact de 27%. En dehors de la capitale, l’effet serait nettement est plus faible (-7% sur la deuxième quinzaine de novembre). L’impact sur un mois complet et sur l’ensemble du territoire serait de l’ordre de 3%.