Analyse de la délinquance enregistrée à Paris et dans l’agglomération parisienne suite aux attentats de janvier 2015 - Interstats Analyse N° 3 - Décembre 2015

4 décembre 2015

Les attentats meurtriers du 7 janvier 2015 contre la rédaction du journal « Charlie Hebdo » puis les attaques qui ont fait suite les 8 et 9 janvier, ont entrainé un large renforcement des mesures de sécurité dans le cadre du dispositif « Vigipirate » visant la protection des citoyens et du territoire face au terrorisme

On constate dans le mois et demi qui a suivi les attentats de janvier une diminution significative du nombre d’infractions commises. Une estimation pour Paris et son agglomération de ce qui pourrait être l’impact du renforcement des mesures de sécurité évalue à 32% la diminution du niveau des vols violents sans arme et à 24% celle des coups et blessures volontaires dans le mois et demi qui a suivi les attentats. La baisse a été relativement plus forte en Seine-Saint-Denis et à Paris. Elle a également été sensible en ce qui concerne les vols sans violence (-28%), les cambriolages (-22%), les vols liés aux véhicules à moteurs (-24%) et les dégradations (-21%). À partir du mois de mars, les séries ont retrouvé leur niveau d’avant les attentats.

Données mobilisées

Ce travail est basé sur l’analyse quotidienne des crimes et délits enregistrés par les forces de police de Paris et de l’agglomération parisienne depuis novembre 2012. Cette source permet d’analyser les faits selon leurs dates de commission, et de comparer les profils quotidiens de la délinquance d’une année sur l’autre. En revanche, elle ne prend pas en compte les faits qui se sont déroulés dans les départements de Paris et de l’agglomération parisienne et qui auraient été enregistrés par d’autres services, en grande couronne ou ailleurs.

Les catégories d’infractions concernées sont celles des vols à main armée (armes à feu et armes blanches ou par destination), des vols avec violences sans arme, des cambriolages de résidences et autres lieux, des vols liés à l’automobile, des autres vols sans violence, des dégradations, et des coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus.

Méthode

On mène l’étude sur deux périodes avant et après le 7 janvier 2015, de 90 jours au total, et on considère le jour exact de commission des faits ainsi que le lieu de commission des faits. On souhaite savoir si la délinquance constatée après le 7 janvier 2015 est plus faible que celle d’avant le 7 janvier. Mais une simple soustraction entre les deux périodes ne permet pas de conclure : chaque année, le nombre d’ infractions constatées en janvier est généralement plus bas que celui du mois de décembre pour une grande part des catégories de la délinquance. Il s’agit donc d’évaluer si la différence avant et après le 7 janvier 2015 est plus accentuée que la différence avant et après le même jour de janvier des années antérieures, 2013 et 20141. De cette manière, on évalue à quel point la période après les attentats de janvier 2015 est « en creux » en termes de délinquance constatée. Si les chiffres sont bas, on pourra présumer (sans toutefois le mesurer directement) que le renforcement des forces de sécurité dans le cadre du plan Vigipirate a eu un effet dissuasif.

1On utilise des jours comparables entre années, ici le même mercredi dans le mois : le troisième jour de la deuxième semaine de chaque année.

Un recul net des atteintes aux biens et aux personnes

Dans Paris et l’agglomération parisienne, la période d’un mois et demi postérieure au 7 janvier 2015 présente un niveau de faits constatés bien inférieur à celui auquel on pouvait s’attendre au vu des mêmes mois des années antérieures.

Les vols sans violence (index 32, et 41 à 43 de la nomenclature des infractions nommée « État 4001 », cf. Interstats Méthode N° 2 ) ont nettement reculé sur la période post-attentats, de 5 000 faits environ (soit -28% de la moyenne des faits constatés depuis 2013 sur 45 jours à cette période de l’année). Les vols liés à l’automobile et aux deux-roues à moteur (index 34 à 38) ont également baissé, de plus de 2 000 faits (-24%). Les cambriolages (-1 150 faits, soit -22% de leur niveau moyen) et les dégradations (-1 100 faits, -21% du niveau moyen) sont également en recul plus net en janvier 2015. Les vols violents sont en net repli, notamment les vols avec violences sans armes sur la voie publique (index 25 à 26, -1 300 faits, soit -32% de leur volume moyen), ainsi que les coups et blessures volontaires (index 6 et 7, -650 faits constatés, soit -24%). Les vols à main armée sont également moins élevés qu’attendu (-27% pour les vols avec armes à feu mais qui forment de petits volumes, et -8% pour les vols avec armes blanches ou par destination).

Une baisse plus marquée en Seine-Saint-Denis

Paris contribue pour deux tiers (64%) à la baisse post-attentat des vols sans violence enregistrés dans l’ensemble des départements étudiés, ce qui est en ligne avec son poids dans ce type de délit.

Pour tous les autres indicateurs, la contribution de la Seine-Saint-Denis au recul est majoritaire, devant Paris : ce département explique 56% de la baisse des vols avec violence sans armes de Paris et son agglomération, 64% du repli des vols automobiles, 73% de la baisse des coups et blessures volontaires. L’évolution en Seine-Saint-Denis est particulièrement notable au vu de la part structurelle du département dans la délinquance enregistrée de l’ensemble des départements (environ un tiers des vols avec violence sans armes, des vols automobiles et des coups et blessures volontaires en 2014). Les Hauts-de-Seine et la Seine-et-Marne ont été relativement moins concernés.

À Paris, un recul tiré par les vols avec et sans violence

À Paris, le recul des atteintes aux biens est tiré par celui des vols sans violence, qui sont de 3 200 faits inférieurs au chiffre attendu au vu des années passées, un écart qui représente 27% de leur niveau moyen à Paris sur 45 jours à cette période de l’année. Les vols avec violences sans armes sur la voie publique présentent également un différentiel de près de 500 faits, soit 25% de leur niveau moyen. Les cambriolages présentent environ 350 faits de moins que ce que l’on pouvait anticiper au vu des années antérieures, soit 21% de leur niveau moyen. Les coups et blessures volontaires baissent de 70 faits, soit 8% de leur volume moyen.

En Seine-Saint-Denis, une chute notable des vols automobiles, des vols violents et des coups et blessures volontaires

En Seine-Saint-Denis, la baisse des vols automobiles (-1 380 faits, soit 54% de leur volume moyen depuis 2013) explique les deux tiers du différentiel de Paris et son agglomération pour ces délits. Les vols sans violence connaissent aussi un repli marqué (-1 100 faits, soit -51%). Le département contribue pour plus de la moitié au recul des cambriolages et des dégradations dans Paris et la petite couronne, avec une baisse de 630 faits de cambriolages (-48%) et de 600 faits de dégradations (-40%). Dans ce département, les vols violents ont aussi particulièrement diminué après le 7 janvier 2015 par rapport à leur tendance moyenne passée (-720 vols violents sans armes sur la voie publique, soit 60% du volume moyen de cette catégorie d’infractions dans le département). Enfin, les coups et blessures volontaires reculent de 470 faits, qui représentent 53% du volume moyen du département pour ces délits.

Dans les Hauts-de-Seine, une moindre baisse des vols avec et sans violence

Dans les Hauts-de-Seine, les baisses les plus notables sont celles des vols automobiles (-420 faits, 25% de leur volume moyen dans les Hauts-de-Seine, et 19% du différentiel de Paris et de la petite couronne) et des vols sans violence (-410 faits), soit 19% de leur volume moyen mais seulement 8% du recul de Paris et de la petite couronne alors que la part structurelle des Hauts-de-Seine avoisine 17% des faits de vols sans violence dans l’ensemble des départements. Les vols violents sont aussi en repli (-120 faits), soit 18% de leur volume moyen mais seulement 6% de la baisse totale de l’ensemble des départements alors que la part structurelle des Hauts-de-Seine avoisine 14% des faits de vols avec violence dans l’ensemble des départements. De même, les coups et blessures volontaires ont nettement baissé (-93 faits, soit deux tiers de leur volume moyen dans le département et 14% du différentiel de Paris et son agglomération).

La Seine-et-Marne moins impactée

Enfin, la Seine-et-Marne a connu principalement une baisse, modérée, des vols sans violence par rapport au niveau attendu (-240 faits, soit 16% de leur volume moyen dans ce département et 5% du recul total de Paris et son agglomération).