En 2016, les forces de police et de gendarmerie ont enregistré 9 500 crimes, délits ou contraventions de 4e ou 5e classe commis pour des motifs racistes, xénophobes ou antireligieux. Les injures, provocations et diffamations représentent 85% de ces infractions. Pour les autres 15% - les violences, les menaces, les atteintes aux biens et les discriminations - le racisme est le motif le plus fréquemment reporté (42%) devant la religion (35%) et les origines nationales ou ethniques (23%).
Le nombre d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrées par les forces de sécurité a été nettement moins élevé en 2016 qu’en 2015 (11 610 en 2016, soit -19%), un écart enregistré principalement dans les semaines qui ont suivi les attentats de janvier 2015.
De fortes disparités existent sur le territoire : le nombre d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrées par les forces de sécurité rapporté au nombre d’habitants est nettement plus élevé dans l’est de la France ainsi que dans la plupart des grandes agglomérations. À Paris intra-muros, le taux d’enregistrement d’infractions de cette nature est en moyenne deux fois plus élevé que sur le territoire métropolitain. De manière générale, le nombre d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrées dans les départements est fortement corrélé à la part d’immigrés dans leur population.
En 2016, sur le champ des infractions des crimes ou délits (hors contraventions) à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux, les forces de sécurité ont recensé environ 5 000 victimes et 2 500 personnes mises en cause comme auteurs présumés dans ces affaires. En comparant les victimes de ces crimes et délits à l’ensemble de la population, on constate une nette surreprésentation des personnes âgées de 25 à 44 ans et des personnes étrangères ressortissantes d’un pays d’Afrique qui ne s’observe par pour les victimes de crimes ou délits prises dans leur ensemble. A contrario, les personnes mises en cause pour crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont des caractéristiques beaucoup plus proches de la population générale que les personnes mises en cause prises dans leur ensemble.
Le plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme mis en place en 2015 pour trois ans et piloté par la Délégation interministérielle contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) rappelle dans ses objectifs la nécessité d’améliorer la mesure du racisme, de la xénophobie et des discriminations en France, ces phénomènes restant pour l’instant « insuffisamment connus » 1. Des constats chiffrés existent pourtant depuis longtemps. Ainsi, la commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) compile depuis 25 ans dans son rapport annuel publié en mars un grand nombre d’indicateurs produits par les acteurs institutionnels, associatifs ou internationaux - notamment depuis un certain nombre d’éditions, la comptabilisation des actes racistes, antisémites et antimusulmans établi par le ministère de l’Intérieur et celle du ministère de la Justice sur la réponse pénale - et aussi des mesures d’opinion, notamment l’indice de tolérance. La stabilité des méthodes et outils de mesure permettent à la CNCDH de commenter les évolutions de ces indicateurs d’une année sur l’autre, néanmoins la commission rappelle chaque année la difficulté d’atteindre l’exhaustivité sur le champ des infractions racistes et des discriminations à partir des données administratives, notamment parce que toutes les victimes ne portent pas plainte. De fait, d’après l’enquête nationale de victimation « Cadre de vie et sécurité », en moyenne chaque année, environ 125 000 personnes de 14 ans ou plus déclarent avoir subi des menaces à caractère raciste, antisémite ou xénophobe et 700 000 des injures de cette nature ; parmi elles, 45 000 seulement déclarent avoir déposé plainte (cf. «Encadré : Les victimes d’atteintes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe dans l’enquête Cadre de vie et sécurité» ).
Pour autant, la récente rénovation profonde de la source statistique du Ministère de l’Intérieur permet d’envisager des avancées dans la mesure du phénomène raciste, xénophobe et discriminatoire en France : on dispose désormais de données détaillées sur l’ensemble des procédures rédigées par les forces de police et gendarmerie pour des infractions de ce domaine. Complétant les enquêtes de victimation, ces données permettent de connaître mieux les victimes et les personnes mises en cause selon la qualification pénale des affaires retenue par les forces de sécurité, avec une périodicité infra-annuelle et une couverture géographique complète.
Le champ d’infractions retenu couvre 166 infractions du code pénal et regroupe des crimes, délits et contraventions de 4e et 5e classe « commis en raison d’une prétendue race, de l’origine, de l’ethnie, de la nation ou de la religion ». Cette mesure du contentieux à partir des procédures enregistrées par les forces de sécurité demeure, comme les autres, imparfaite mais contribue par sa complémentarité avec les autres sources à améliorer la connaissance sur ce sujet (cf. «Annexe : Racisme, xénophobie et discriminations - Note méthodologique» ). Les résultats présentés dans cette étude reprennent une partie de ceux communiqués cette année par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) à la CNCDH enrichis d’analyses complémentaires.
1 Cf. « La république mobilisée contre le racisme et l’antisémitisme »
L’enquête Cadre de vie et sécurité (CVS) est une enquête nationale de victimation, qui a pour objectif de compter et de décrire l’ensemble des victimations (cambriolages, vols, violences physiques et sexuelles, menaces,…) subies par les ménages et leurs habitants, et de recueillir leurs perceptions en matière d’insécurité. L’enquête CVS est conduite chaque année, depuis 2007, par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en partenariat étroit avec l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP). Depuis sa création en 2014, le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) est associé au pilotage, à la conception et à l’exploitation de CVS (pour en savoir plus sur l’enquête CVS : http://www.interieur.gouv.fr/Interstats/L-enquete-Cadre-de-vie-et-securite-CVS ).
Depuis la première édition de l’enquête en 2007, les enquêtés ont la possibilité de préciser si les injures qu’ils ont subies étaient à caractère « raciste, antisémite ou xénophobe ». Cette précision a été ajoutée à partir de l’enquête 2012 pour les actes de menaces. En 2016, le questionnaire de l’enquête a élargi ce questionnement aux violences physiques. En 2018, le questionnaire évolue pour permettre de mieux mesurer et décrire les atteintes à caractère discriminatoire et les discriminations. Les données actuellement disponibles permettent de recenser et de décrire les victimes d’injures ou de menaces à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, qu’elles aient ou non déposé plainte. Pour permettre une exploitation statistique des réponses à ces questions, les échantillons de répondants des cinq dernières années ont été rassemblés. La suite de ce chapitre présente des résultats moyennés sur cinq ans sur la période 2011-2015.
Taux de victimation et taux de plainte annuels moyens pour les injures et les menaces à caractère raciste, antisémite ou xénophobe sur la période 2011-2015
Période 2011-2015 | Atteintes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe | |
Injures | Menaces | |
Nombre annuel moyen de victimes | 697 000 | 124 000 |
dont victimes ayant déposé plainte | 19 800 | 23 800 |
Taux de victimation (part de victimes dans la population) | 1,4% | 0,2% |
Taux de plainte (part de victimes ayant déposé plainte) | 3% | 19% |
Champ : individus de 14 ans ou plus de France métropolitaine, incident le plus récent dans l’année.
Source : enquêtes Cadre de vie et sécurité 2012-2016, Insee-ONDRP-SSMSI.
Lecture : en moyenne, chaque année entre 2011 et 2015, parmi les personnes de 14 ans ou plus, 1,4% (environ 697 000) déclarent avoir subi des injures à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. Parmi ces victimes, 3% (environ 19 800) déclarent avoir déposé plainte.
En moyenne chaque année, 1,4% des personnes âgées de 14 ans ou plus (soit environ 700 000 personnes) déclarent avoir subi des injures ou des insultes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe et 0,2% (soit environ 124 000 personnes) des menaces de cette nature, En moyenne, 6% des victimes d’injures et un tiers des victimes de menaces à caractère raciste, antisémite ou xénophobe déclarent s’être déplacées dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie pour déposer plainte ; cependant un certain nombre ne le font pas, elles déposent une main courante ou abandonnent leur démarche. Dans l’ensemble, le taux de plainte annuel moyen s’établit à 3% (environ 20 000 victimes) pour les injures à caractère raciste, antisémite ou xénophobe et à 19% (environ 24 000 victimes) pour les menaces de même nature. Pour les violences physiques à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, il faudra attendre au moins une année supplémentaire d’enquête pour que l’échantillon recueilli de victimes soit suffisamment important pour l’exploitation statistique.
À partir des enquêtes CVS, l’ONDRP a réalisé cette année une étude approfondie sur les injures à caractère raciste, antisémite ou xénophobe en exploitant toute l’information disponible sur les victimes, les auteurs et les verbatim des insultes (cf. Les injures à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, Grand Angle n° 41, ONDRP ).
En fonction des circonstances des faits décrites par le plaignant ou directement constatées par les forces de sécurité, le fonctionnaire qui rédige la procédure peut choisir une qualification pénale faisant explicitement mention du caractère raciste, xénophobe ou antireligieux de l’infraction. En 2016, police et gendarmerie ont ainsi enregistré en France métropolitaine 9 460 infractions commises en raison de l’origine, de la religion ou d’une prétendue race. Près de deux tiers des infractions correspondent à des délits (5 870 en 2016, soit 62% du champ étudié) et un peu plus d’un tiers à des contraventions de 4e ou 5e classe (3 520 en 2016, soit 37% du champ étudié). Les infractions les plus graves restent rares : 60 crimes commis pour des motifs racistes, xénophobes ou antireligieux ont été enregistrés en 2016 (1% du champ étudié) ; il s’agit principalement des destructions, dégradations ou détériorations de biens par des moyens dangereux pour les personnes, passibles de 150 000 euros d’amende et de 20 ans de prison.
Infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrées par les forces de sécurité en 2015 et en 2016
Nature de l’infraction | Nombre d’infractions | Répartition des infractions selon leur nature | |||
2015 | 2016 | évolution 2015-2016 | 2015 | 2016 | |
Violences | 230 | 250 | +9% | 2% | 3% |
Menaces, chantages | 960 | 730 | -24% | 8% | 8% |
Discriminations | 270 | 210 | -22% | 2% | 2% |
Provocations, injures, diffamations | 9 860 | 8 060 | -18% | 85% | 85% |
Atteintes aux biens | 290 | 210 | -28% | 2% | 2% |
Atteintes à l’intégrité du cadavre, violation de sépulture | 10 | 10 | 0% | <1% | <1% |
Ensemble des infractions | 11 610 | 9 460 | -19% | 100% | 100% |
dont : crimes | 70 | 60 | -14% | 1% | 1% |
délits | 7 520 | 5 870 | -22% | 65% | 62% |
contraventions de 4e ou 5e classe | 4 020 | 3 520 | -12% | 35% | 37% |
Champ : France métropolitaine, infractions commises en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race.
Source : SSMSI, base des procédures enregistrées par les forces de sécurité en 2016 (données extraites en janvier 2017).
En distinguant l’ensemble de ces infractions selon leur nature, il apparaît que les provocations, injures et diffamations en constituent la très grande majorité : 8 060 enregistrées en 2016, soit 85% des infractions du champ étudié. Deux infractions en particulier sont très fréquentes : d’une part, les « injures publiques envers un particulier en raison de sa prétendue race, de sa religion ou de son origine par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique » (4 030 infractions enregistrées en 2016, soit 43% du champ étudié) qui constituent un délit pénal passible de 22 500 euros d’amende et de 6 mois de prison. D’autre part, les « injures non publiques en raison de l’origine, la race ou la religion » (3 280 infractions enregistrées en 2016, soit 35% du champ étudié) qui constituent une contravention de 4e classe assortie d’une amende de 750 euros. Viennent ensuite les menaces et les chantages (730 infractions enregistrées en 2016, 8% du champ étudié), les violences (250 infractions, 3%), les discriminations (210 infractions, 2% du champ étudié) et les atteintes aux biens (210 infractions, 2% du champ étudié).
Pour les provocations, injures et diffamations, on ne peut pas distinguer à partir de la seule qualification pénale si le motif était spécifiquement raciste, xénophobe ou antireligieux 2. En revanche pour les discriminations, les atteintes aux biens, les violences et les menaces commises en raison de l’origine, de la religion ou d’une prétendue race, il est possible de faire cette distinction. En 2016, le racisme a été dans l’ensemble le motif le plus fréquemment reporté (42% des 1 400 infractions de discriminations, violences, menaces et atteintes aux biens du champ étudié enregistrées en 2016) suivi de la religion (35%) et la xénophobie (23%). Cette « hiérarchie » globale, valable pour les violences et les menaces à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux, n’est pas la même pour les deux autres catégories d’atteintes. Ainsi, les atteintes aux biens à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrées en 2016 par les forces de sécurité ont été plus souvent commises en raison de la religion (56%) et les discriminations plus souvent pour des motifs xénophobes liés à l’origine ethnique ou nationale (46%). Il est évident que pour un certain nombre d’infractions, plusieurs motifs s’appliquent (menaces mêlant origine nationale, religion et couleur de peau par exemple). La répartition présentée est donc à interpréter avec prudence, elle reflète le motif « principal » ou le plus « caractérisé » choisi par le fonctionnaire qui rédige la procédure lors de la qualification de l’infraction.
2 Cela pourrait être possible en étudiant la description des faits relatés dans le procès-verbal moyennant la mise en œuvre de méthodes d’analyses textuelles. Cela n’a pas été investigué cette année par le SSMSI mais constitue une piste de travail prometteuse pour les années à venir.
En 2015, ces constats structurels présentés pour 2016 s’appliquaient aussi. En revanche, le nombre d’infractions enregistrées a été nettement plus élevé (11 610, soit une baisse de 19% entre 2015 et 2016).
Si l’on compare mois par mois le nombre d’infractions enregistrées en 2015 et en 2016, on voit que les écarts sont importants sur les 3 premiers mois de l’année (janvier, février, mars, +1 150 infractions en 2015 par rapport à 2016) 3. Ces résultats illustrent l’impact très fort des attentats perpétrés en France en janvier 2015 sur le nombre d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrées par les forces de sécurité dans les semaines et mois qui suivent. La hausse du nombre d’infractions enregistrées sur cette période peut résulter d’au moins trois phénomènes distincts mais non exclusifs (sans pouvoir déterminer leur importance respective) : premièrement, de l’augmentation réelle du nombre d’infractions, deuxièmement d’une plus forte propension des victimes à porter plainte dans un contexte de tensions et de sensibilité exacerbées et enfin troisièmement d’une plus forte propension des agents enregistrant les plaintes à retenir le caractère ou le mobile haineux de l’infraction 4. Néanmoins, ces effets s’estompent à distance des attentats et semblent s’atténuer d’un attentat à l’autre. De fait, une hausse des infractions s’observe également après les attentats de novembre 2015 à Paris mais elle est moins marquée qu’en début d’année. Enfin, l’attentat de Nice en juillet 2016 ne produit pas d’écart aussi net, néanmoins juillet enregistre le niveau mensuel le plus élevé de l’année 2016 (960) et en août 2016 le nombre d’infractions est plus élevé qu’en août 2015.
3 Les derniers mois de l’année 2016 sont encore provisoires (les données du graphique ont été extraites en janvier 2017) car ces mois sont susceptibles d’être révisés légèrement suite aux plaintes enregistrées début 2017.
4 En l’absence de preuve ou d’éléments suffisamment caractérisés, le fonctionnaire qui rédige la procédure peut être enclin à ne pas retenir dans la qualification pénale le caractère raciste, xénophobe ou antireligieux de l’infraction qui engendre pour le mis en cause des sanctions plus lourdes. Néanmoins, ces dernières années et de plus en plus, il est demandé aux agents de sécurité via des circulaires officielles d’accorder une attention spéciale aux plaintes pour des atteintes avec circonstances aggravantes à caractère raciste, antisémite, xénophobe ou homophobe.
En 2016, le taux d’enregistrement d’infractions commises en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race – qui correspond au nombre d’infractions enregistrées par les force de sécurité rapporté à la population – s’élève à 15 pour 100 000 habitants en France métropolitaine. Cette mesure est très variable sur le territoire : de 6 pour 100 000 habitants dans le département de la Manche à 30 pour 100 000 habitants à Paris. Si l’on exclut Paris, la moyenne métropolitaine est de 14 pour 100 000 habitants.
Une simple répartition des départements en trois groupes selon la valeur du taux d’enregistrement en 2016 par rapport à la moyenne métropolitaine (inférieur, équivalent ou supérieur 5) fait apparaître trois constats intéressants. D’abord l’existence d’une nette fracture est/ouest en France : tous les départements de Normandie, de Bretagne, des Pays-de-la-Loire, d’Aquitaine, du Limousin et de Midi-Pyrénées, à l’exception de la Gironde, de la Haute-Garonne et de la Corrèze ont un taux d’enregistrement inférieur à la moyenne et généralement nettement inférieur à la moyenne. À l’inverse, dans le centre et l’est de la France, la grande majorité des départements présentent des taux d’enregistrement équivalents ou supérieurs à la moyenne. Second constat, à l’est et dans le centre, la plupart des départements abritant des agglomérations d’au moins 200 000 habitants affichent des taux d’enregistrement d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux supérieurs à la moyenne. Ainsi - du nord au sud - c’est le cas de la Marne (Reims), du Bas-Rhin (Strasbourg), du Haut-Rhin (Mulhouse), de Paris et des Hauts-de-Seine, du Rhône (Lyon), de l’Isère (Grenoble), du Vaucluse (Avignon), des Alpes-Maritimes (Nice) et de l’Hérault (Montpellier). Certains départements de l’est et du centre échappent à ce constat malgré la présence de grandes agglomérations. Ainsi dans le Pas-de-Calais (Douai-Lens, Béthune), le Puy-de-Dôme (Clermont-Ferrand) et la Moselle (Metz), le taux d’enregistrement est inférieur à la moyenne métropolitaine en 2016. Dans les Bouches-du-Rhône (Marseille), le Nord (Lilles, Valenciennes), le Var (Toulon), le Loiret (Orléans), la Loire (St-Étienne) et la Meurthe-et-Moselle (Nancy), le taux d’enregistrement de ces départements abritant de grandes agglomérations est dans la moyenne métropolitaine. Enfin dernier constat, huit départements, pourtant plutôt faiblement peuplés, présentent des taux d’enregistrement élevés. On peut distinguer d’un côté la Haute-Marne, l’Yonne, le Territoire de Belfort et les deux départements Corses dans lesquels le nombre d’infractions à caractère raciste, xénophobe et antireligieux enregistrées en 2016 par les forces de sécurité est compris entre 30 et 60 ce qui rend délicat l’interprétation du taux d’enregistrement car une légère évolution du nombre d’infractions peut fortement modifier le taux d’enregistrement à la hausse ou à la baisse. En revanche, dans l’Oise, la Somme et le Doubs, le nombre d’infractions est plus important et le taux d’enregistrement élevé semble plus structurel.
Il est important de rappeler que les différences qui s’observent entre les départements sont pour l’essentiel dues à une plus ou moins grande prégnance des comportements racistes, xénophobes et antireligieux mais aussi – et sans qu’il soit possible de le mesurer – à de possibles différences locales en matière de comportements de plainte des victimes et/ou de pratiques d’enregistrement des forces de sécurité.
5 « Inférieur à la moyenne » correspond à un taux d’enregistrement inférieur à 17 pour 100 000 habitants, « dans la moyenne » ou « équivalent » à un taux d’enregistrement compris entre 13 et 17 pour 100 000 habitants et « supérieur à la moyenne » à un taux d’enregistrement supérieur à 17 pour 100 000 habitants.
De manière évidente la composition de la population peut jouer sur la prévalence des infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux sur un territoire. Ainsi, dans l’étude de l’ONDRP sur les victimes d’infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe 7 - issue des données de l’enquête « Cadre de vie et sécurité » réalisée par sondage en population générale - les immigrés et les descendants d’immigrés apparaissent nettement plus exposés à ce type d’atteinte que le reste de la population. Dans la même étude, l’analyse textuelle des injures rapportées dans l’enquête permet en outre de montrer une fréquence particulièrement élevée des propos visant l’origine et/ou la couleur de peau des victimes.
6 Une personne immigrée désigne une personne née étrangère à l’étranger.
7 Cf. Les injures à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, Grand Angle n° 41, ONDRP
.
Pour comprendre les disparités territoriales observées en matière de racisme, de xénophobie et de discriminations, en particulier la nette fracture est/ouest, il apparaît donc intéressant de confronter dans chaque département le taux d’enregistrement d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux au poids de la population immigrée dans la population. Pour plus de lisibilité, cette corrélation est illustrée à l’échelle des régions mais les conclusions sont les mêmes avec les départements : un faible taux d’enregistrement d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux est très fortement associé à une faible part d’immigrés dans la population. Or dans tous les départements de l’ouest de la France, en particulier en Basse-Normandie, en Bretagne, dans les Pays-de-la-Loire et en Poitou-Charentes, la part de la population immigrée est nettement inférieure à la moyenne métropolitaine (entre 3% et 4% contre 9% en France métropolitaine et 7% en Province en 2013). Plus généralement, presque toutes les régions présentant une part d’immigrés inférieure à la moyenne affichent un taux d’enregistrement plus faible que la moyenne métropolitaine, à l’exception notable de la Picardie, de la Champagne-Ardenne et de la Franche-Comté où le taux d’enregistrement est élevé. En Corse, PACA, Rhône-Alpes et Alsace, la part d’immigrés est plus élevée qu’ailleurs en France métropolitaine, à l’exception de l’Île-de-France et c’est dans ces régions que le taux d’enregistrement est le plus élevé.
L’Île-de-France constitue un territoire atypique avec une part d’immigrés très élevée (18%) et un taux d’enregistrement d’infractions à caractère raciste, xénophobe et antireligieux (18 pour 100 000 habitants) identique, voire inférieur à ce qui est observé en Franche-Comté, en Alsace ou en Corse où la part d’immigrés est plus faible. En réalité, au sein de l’Île-de-France, le constat est très différent selon les départements. À Paris, la part d’immigrés est élevée (20%) et le taux d’enregistrement est record (30 pour 100 000 habitants) et prolonge la tendance dessinée par l’ensemble des régions. En revanche, dans les autres départements d’Île-de-France, la part d’immigrés dans la population et le taux d’enregistrement d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ne sont pas corrélés, en particulier, en Seine-St-Denis où la part des immigrés dans la population élevé (29%) et où le taux d’enregistrement n’est pas très éloigné de la moyenne (17 pour 100 000 habitants).
Les infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont des causes multiples et la part des immigrés dans la population n’explique évidemment pas à elle seule la fréquence des atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux sur un territoire. Le taux de pauvreté, par exemple, apparaît également fortement associé au taux d’enregistrement d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux. Les différents facteurs socioéconomiques sont aussi potentiellement fortement corrélés entre eux (la part d’immigrés et le taux de pauvreté sur un territoire le sont). L’exploration approfondie des données localisées en matière d’infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux fera l’objet d’une publication ultérieure quand l’expertise sur les données d’infractions le permettra.
Sur le champ des infractions de type criminel et délictuel (hors contraventions donc en excluant les faits les moins graves) commises en raison de l’origine, de la religion ou d’une prétendue race, les forces de sécurité ont recensé 5 120 victimes 8 en 2016. Une minorité (5%) de victimes sont des personnes morales (établissements de commerce ou associations par exemple). La répartition des victimes par catégorie d’atteinte correspond globalement à la répartition des infractions commentée plus haut : en 2016, trois quarts des victimes de crimes et délits commis en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race recensées par les forces de sécurité ont subi des provocations, injures ou diffamation, une victime sur sept des menaces ou chantages, 5% des victimes ont subi des violences, 4% des discriminations et 4% des atteintes aux biens.
8 Le nombre de victimes de crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux est inférieur au nombre de crimes et délits recensés sur le même champ (5 120 victimes pour 5 930 crimes et délits en 2016) car pour certaines infractions, le nombre de victimes n’est pas « identifiable » et est donc enregistré à zéro. La différence est ainsi pour l’essentiel imputable aux délits de provocations à la haine ou à la discrimination, notamment sur Internet (réseaux sociaux, forums, blogs,…). Pour les autres types d’atteintes (violences, atteintes aux biens…), les faibles écarts observés s’expliquent notamment en raison de légers décalages dans les dates utilisées dans les bases de procédures et les bases de victimes.
Victimes de crimes et délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrés par les forces de sécurité en 2015 et 2016 (hors contraventions)
Nature de l’infraction | Nombre de victimes | Répartition des victimes selon le type d’atteinte |
Violences | 240 | 5 % |
Menaces, chantages | 700 | 14 % |
Discriminations | 180 | 4 % |
Provocations, injures, diffamations | 3 810 | 74 % |
Atteintes aux biens | 180 | 4 % |
Atteintes à l’intégrité du cadavre, violation de sépulture | 10 | <1 % |
Ensemble des victimes | 5 120 | 100 % |
dont : personnes physiques | 4 870 | 95 % |
Champ : France métropolitaine, crimes et délits commis en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race.
Source : SSMSI, base des victimes 2016 (données extraites en janvier 2017).
Pour près de 9 victimes sur 10, le type de lieu où elles ont subi les faits est connu. Dans la plupart des cas, ils se sont déroulés publiquement : sur la voie publique (rue, parking,…29%), dans un lieu ouvert à tout public (gymnase, restaurant, commerce, édifice religieux,…20%), dans un lieu réservé aux services publics (établissement scolaire ou universitaire, mairie, commissariat de police,…8%), dans les transports (métro, aéroport, autoroute,…4%), ou via un média de communication (3%). Dans 22% des cas il s’agissait d’un espace plus privé, à savoir une habitation individuelle ou collective (maison, appartement, cage d’escalier, cave,…19%) ou un autre lieu privé (entreprise,…3%).
Les hommes sont largement majoritaires parmi les victimes de crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux : ils représentent 57% des victimes en 2016 alors qu’ils sont 48% dans l’ensemble de la population 9. C’est un décalage que l’on observe également pour les victimes de crimes ou délits prises dans leur ensemble 10 (55% sont des hommes en 2016).
Le profil d’âge des victimes de crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux se distingue nettement de celui de l’ensemble de la population, alors que c’est un peu moins vrai pour les victimes de crimes ou délits prises dans leur ensemble. Ainsi, les personnes d’âges intermédiaires sont particulièrement surreprésentées parmi les victimes de crimes ou délits commis en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race : 7 sur 10 sont âgées de 25 à 54 ans (4 personnes sur 10 dans l’ensemble de la population). Les moins de 25 ans et les plus de 55 ans apparaissent à l’inverse sous-représentés parmi les victimes de crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux : 16 % d’entre elles ont moins de 25 ans (30% dans l’ensemble de la population) et 12% ont 55 ans ou plus (30% dans l’ensemble de la population). On ne peut pas exclure que cette apparente sous-représentation des jeunes et seniors résulte d’une plus faible propension à porter plainte, en particulier chez les jeunes, plus que d’une réelle moindre exposition aux atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux 11.
9 Insee, estimations de population provisoires fin 2016 en France y compris Mayotte.
10 « L’ensemble des crimes et délits » correspond aux crimes et délits ayant fait l’objet d’une procédure judiciaire transmise au parquet à l’exclusion des délits routiers et des infractions constatées par d’autres institutions (douanes, inspection du travail,…).
11 Les taux de plainte pour injures ou menaces à caractère raciste, antisémite ou xénophobe calculés par âge à partir de l’enquête Cadre de vie et sécurité suggèrent que cette hypothèse est raisonnable mais les tailles d’échantillon ne permettent pas de la confirmer formellement.
La part de personnes de nationalité étrangère apparaît nettement plus élevée parmi les victimes de crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux que dans l’ensemble de la population ou parmi les victimes de crimes ou délits prises dans leur ensemble. En 2016, 17% des victimes de crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrés par les forces de sécurité sont de nationalité étrangère contre 6% de l’ensemble de la population et 9% de l’ensemble des victimes de crimes et délits. En outre, l’écart, déjà important, est potentiellement plus élevé car la nationalité n’est pas renseignée pour 5% des victimes de crimes et délits à caractère raciste, xénophobe et antireligieux contre 1% seulement pour les victimes de crimes et délits prises dans leur ensemble. Les personnes étrangères ressortissantes d’un pays d’Afrique sont les plus concernées : elles représentent à elles seules plus d’une victime sur huit (13%) alors qu’elles sont moins de 3 % dans l’ensemble de la population 12. Il serait intéressant d’aller plus loin et de distinguer parmi les personnes de nationalité française, les personnes immigrées ou issues de l’immigration mais les données disponibles dans les bases d’enregistrement des crimes et délits des forces de sécurité ne le permettent pas. Cette analyse est possible dans l’enquête CVS et l’étude conduite par l’ONDRP sur les victimes d’injures à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, citée plus haut, montre clairement une surexposition des immigrés et descendants d’immigrés pour ce type d’atteintes.
12 Il s’agit des personnes étrangères ressortissantes d’un pays d’Afrique n’ayant pas acquis la nationalité française.
Enfin, la répartition des victimes selon la taille de l’agglomération dans laquelle les faits ont été commis recoupe le constat dressé par département en matière d’infractions. En 2016, à Paris et dans les grandes agglomérations, on recense 64% des victimes (28% à Paris et 36% dans les autres agglomérations de plus de 200 000 habitants) alors qu’elles concentrent 41% de la population métropolitaine (17% à Paris et 24% dans les autres agglomérations de 200 000 habitants ou plus). Dans les agglomérations de taille moyenne, victimes et population se répartissent de manière plus homogène. Les communes rurales, qui abritent près du quart de la population métropolitaine, recensent en 2016 moins de 5% des victimes de crimes et délits commis en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race. Ce constat est qualitativement le même pour les victimes de crimes ou délits prises dans leur ensemble mais avec néanmoins des écarts moins prononcés.
Encore plus que les victimes que des enquêtes de victimation peuvent contribuer à recenser et à décrire, les auteurs d’infractions restent une population très mal connue car pour une part non négligeable de faits, ils ne sont tout simplement pas identifiés, ou bien ils sont identifiés mais pas interpellés. Dans les bases d’enregistrement des procédures des forces de sécurité, il existe de l’information exploitable et intéressante sur les auteurs présumés auditionnés appelés les « mis en cause » 13. En 2016, en matière de crimes et délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux, 2 500 personnes ont été mises en cause par les forces de sécurité : 100 pour violences (4%), 260 pour menaces ou chantages (10%), 80 pour discriminations (3%), 2 030 pour provocations injures ou diffamations (81%) et 50 pour atteintes aux biens (2%), ce qui correspond plus ou moins à la répartition des victimes et des infractions dans ce domaine.
13 Les forces de sécurité, police et gendarmerie, sont chargées quand elles constatent (ou qu’on leur signale) un crime ou un délit, d’en rechercher les auteurs sous l’autorité des parquets. Quand, dans le cadre de leur enquête, elles auditionnent une personne et que des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer comme auteur ou complice à la commission d’un crime ou d’un délit, elles signalent l’identité de cette personne aux autorités judiciaires. On considère dans ce cas et uniquement dans ce cas, que cette personne est « mise en cause ». La notion de mis en cause utilisée ici est donc plus restrictive que l’usage courant, qui désigne toute personne soupçonnée à un moment donné d’avoir participé à la réalisation d’une infraction. C’est la justice qui déterminera, ultérieurement, si une personne est ou pas l’auteur effectif de l’infraction : ne sont retracés ici que les résultats de l’enquête menée par les forces de sécurité.
Personnes mises en cause pour des crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux enregistrés par les forces de sécurité en 2016 (hors contraventions)
Nature de l’infraction commise* | Nombre de mis en cause | Répartition des mis en cause selon le type d’atteinte |
Violences | 100 | 4% |
Menaces, chantages | 260 | 10% |
Discriminations | 80 | 3% |
Provocations, injures, diffamations | 2 030 | 81% |
Atteintes aux biens | 50 | 2% |
Atteintes à l’intégrité du cadavre, violation de sépulture | 0 | 0% |
Ensemble des personnes mises en cause | 2 520 | 100% |
* Si plusieurs infractions ont été commises par un même mis en cause, c’est l’infraction la plus grave qui est conservée.
Champ : France métropolitaine, crimes et délits commis en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race.
Source : SSMSI, base des mis en cause 2016 (données extraites en janvier 2017).
Les caractéristiques sociodémographiques des mis en cause pour crimes ou délits commis en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race se distinguent nettement de celles de l’ensemble des mis en cause. D’abord, la part des femmes est nettement plus élevée (32% contre 18% pour l’ensemble des mis en cause en 2016). Ensuite, les mis en cause pour crimes ou délits commis en raison de l’origine, la religion ou une prétendue race sont nettement plus âgés (41 ans en moyenne contre 30 ans pour l’ensemble des mis en cause en 2016). Les jeunes sont sous-représentés : 35% ont moins de 35 ans contre 67% de l’ensemble des mis en cause. A contrario, les seniors sont trois fois plus nombreux : 22% des mis en cause pour crime ou délit à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont 55 ans ou plus contre 6% de l’ensemble des mis en cause. Cette répartition par âge fait sans doute écho à celle des victimes. On peut raisonnablement penser que si les jeunes victimes portaient davantage plainte, cela pourrait également modifier l’âge moyen des mis en cause (cas des insultes entre lycéens ou étudiants où victimes et auteurs ont le même âge). Les personnes de nationalité étrangère sont en proportion moins nombreuses parmi les mis en cause pour crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux (9% contre 16% de l’ensemble des mis en cause en 2016) qu’elles soient ressortissantes d’un pays d’Afrique (5% contre 9% de l’ensemble des mis en cause) ou d’un autre pays (4% contre 7%). D’une manière générale, les mis en cause pour crime ou délit à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont des caractéristiques sociodémographiques beaucoup plus proches de la population générale que les mis en cause pour crimes ou délits pris dans leur ensemble.
À partir des données d’enregistrement des procédures des forces de sécurité, le SSMSI a recensé en 2016, près de 9 500 crimes, délits et contraventions de 4e et 5e classe commis en raison de l’origine, de la religion ou d’une prétendue race. Sur le champ des infractions criminelles ou délictuelles (hors contraventions), il a dénombré 5 000 victimes et 2 500 personnes mises en cause.
En comparaison avec les données issues de l’enquête CVS (700 000 victimes d’injures et 125 000 victimes de menaces à caractère raciste, antisémite ou xénophobe en moyenne chaque année), le bilan dressé sur cette base est toujours très en deçà de la réalité vécue par les victimes. Il élargit néanmoins significativement le bilan dressé par le service central du renseignement territorial (SCRT), sur la base d’un repérage manuel par les services spécialisés, qui fait état pour 2016 de 1 125 faits antisémites, antimusulmans ou racistes (cf. «Annexe : Racisme, xénophobie et discriminations - Note méthodologique» ).
Ces premiers résultats conduisent à envisager la mise à jour régulière de ces chiffres par le SSMSI ainsi qu’à poursuivre l’analyse structurelle des comportements racistes, xénophobes et antireligieux sur le territoire.
Sur le champ du racisme et de la xénophobie, trois sources peuvent être mobilisées au ministère de l’Intérieur. Les chiffres issus de ces différentes sources présentent des écarts conséquents qui remettent bien souvent en cause la pertinence des outils de mesure. Il est important de rappeler ici les atouts et les faiblesses de ces différentes sources pour comprendre comment elles contribuent ensemble à une meilleure connaissance des phénomènes qu’elles cherchent à mesurer.
La source la plus ancienne est le recensement des actes racistes, antisémites et antimusulmans établi par le Service Central du Renseignement Territorial (SCRT). Il s’agit d’un système de remontée d’information « manuel » c’est-à-dire non informatisé. Pour élaborer les synthèses relatives à la violence à caractère antisémite ou antimusulman, le SCRT prend en compte des données fournies par les services de police et de gendarmerie qui relèvent – selon une nomenclature et une méthode de comptage précises - les procédures dont les faits ont été repérés sur le terrain comme antisémites ou antimusulmans, croisées avec les signalements transmis par le Service de Protection de la Communauté Juive (SPCJ) et le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). À ce jour, aucun échange partenarial dédié n’existe pour repérer et consolider le recueil des données statistiques relatives aux actes à caractère raciste autres qu’antisémites ou antimusulmans. La nomenclature du SCRT distingue deux types d’actes, les « actions » (homicides, attentats, incendies, dégradations, violences et voies de fait) et les « menaces » (propos, gestes menaçants et démonstrations injurieuses, inscriptions, tracts et courriers) et dénombre également les atteintes aux/sur les lieux de culte et les atteintes aux sépultures.
La deuxième source est la base des procédures enregistrées par les forces de police et de gendarmerie. Le champ d’étude couvre 166 infractions (crimes, délits et contraventions de 4e et 5e classe) du code pénal conformément au champ utilisé par le ministère de la Justice pour étudier la réponse pénale en matière de racisme, xénophobie et discriminations. Sur ce même champ d’infractions, il est possible de décrire les caractéristiques des victimes et des mis en cause recensés par les forces de sécurité à partir des informations recueillies au moment de leur dépôt de plainte ou de leur audition. C’est cette source qui est mobilisée dans cette étude.
La troisième source disponible est l’enquête de victimation Cadre de vie et sécurité dite « CVS ». En matière de racisme, xénophobie et discriminations, l’enquête couvre les injures, les menaces et depuis 2016 les violences physiques à caractère « raciste, antisémite ou xénophobe » subies par les personnes âgées de 14 ans ou plus. En 2018, le questionnaire intégrera de nouveaux modules permettant d’élargir le champ des atteintes couvertes et d’inclure les discriminations. Contrairement aux deux premières sources qui recensent les faits révélés ou constatés par les forces de sécurité, l’enquête de victimation permet de recenser et de décrire les victimes qu’elles aient ou non porté plainte. En revanche, il n’est pas possible de savoir si les faits rapportés par les victimes constituent toutes des infractions pénalement qualifiables.
Source SCRT | Base des procédures enregistrées par les forces de sécurité | Enquête CVS | ||
Données&Méthodes |
Actes racistes, antisémites et antimusulmans Recensement non informatisé issu des remontées terrain |
Infractions à caractère raciste, xénophobe et antireligieux Procédures enregistrées par les forces de police et de gendarmerie |
Victimes d’injures, de menaces et de violences à caractère raciste, antisémite ou xénophobe Enquête nationale de victimation auprès de 15 000 personnes âgées de 14 ans ou plus | |
Champ couvert | + | Comptage des « actions » (homicides, attentats, incendies, dégradations, violences et voies de fait) et des « menaces » (propos, gestes menaçants et démonstrations injurieuses, inscriptions, tracts et courriers) + atteintes aux lieux de culte et aux sépultures |
Champ identique au champ utilisé par le ministère de la Justice Pas de sélection sur la nature des faits Champ large (de la provocation à la haine au meurtre en passant par les atteintes aux biens) avec des infractions bien identifiées dans le code pénal | Sont comptés l’ensemble des faits vécus par les victimes et pas seulement ceux qui ont fait l’objet d’une plainte |
- |
Ne sont comptés que les faits portés à la connaissance des forces de sécurité Sélection d’actes parmi une sélection de procédures connues Les discriminations ne font pas partie du champ couvert |
Ne sont comptés que les faits portés à la connaissance des forces de sécurité Pas de possibilité de distinguer à partir de la nature d’infraction les actes antisémites ou antimusulmans ou ciblant spécifiquement tout autre groupe de population |
Champ d’atteintes restreint : injures depuis 2007, menaces depuis 2011, violences physiques depuis 2016 (cependant le questionnaire évolue en 2017 pour élargir le champ et inclure également les discriminations) Le caractère déclaratif des victimations ne permet pas de confirmer si les faits relèvent d’infractions pénalement qualifiées Pas d’information possible sur les meurtres | |
Profondeur historique | + | Le SCRT produit son bilan statistique tous les ans depuis 2008 | L’enquête est réalisée chaque année depuis 2007 | |
- | Source exploitable à partir de 2015, des points méthodologiques encore en chantier (cf. section 2 de l’«Annexe : Racisme, xénophobie et discriminations - Note méthodologique» | L’échantillon de répondants ne permet pas de produire des statistiques annuelles détaillées sur le champ des atteintes à caractère raciste, antisémite et xénophobe | ||
Spécificités | + |
Distinction de 2 sous-groupes de population cibles avec le comptage des actes antimusulmans et des actes antisémites Bilan statistique ventilé par département |
Possibilité d’analyse territoriale très fine (à l’échelle du quartier dans un futur proche) Données sociodémographiques sur les victimes et les mis en cause |
Information sur les circonstances de la victimation et caractéristiques sociodémographique détaillées sur les victimes Possibilité d’étudier les autres victimations subies par les victimes d’atteintes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe |
- | Pas de données sociodémographiques sur les victimes ou les auteurs | Pas de possibilité d’analyse territoriale plus fine que les grandes régions |
Créé à l’automne 2014, conformément au décret n°2014-1161 du 8 octobre 2014, le service statistique ministériel (SSMSI) est placé sous l’autorité fonctionnelle conjointe des directeurs généraux de la police nationale (DGPN) et de la gendarmerie nationale (DGGN). Il a deux missions : - apporter un éclairage statistique sur la délinquance, son contexte et l’impact des politiques publiques aux administrations de la police et de la gendarmerie afin de les aider à accomplir leurs missions ; - mettre à disposition du grand public des données statistiques et des analyses sur la sécurité intérieure et la délinquance dans le respect des règles techniques et déontologiques de fiabilité et de neutralité de la statistique publique.
Le SSMSI dispose de deux sources pour mener à bien ses missions : l’enquête nationale de victimation « Cadre de vie et sécurité » et les données issues des bases d’enregistrement des procédures de la police et de la gendarmerie. L’exploitation fiable de cette dernière source est récente et donne lieu encore à de nombreux investissements méthodologiques pour harmoniser les informations statistiques issues du logiciel de rédaction de procédure utilisé dans la police (LRPPN) et celui de la gendarmerie (LRPGN).
Les chiffres publiés dans cette étude sont issus de choix méthodologiques qui sont apparus comme les plus adaptés en l’état de l’expertise acquise sur les données police et gendarmerie d’infractions, de victimes et de mis en cause. Néanmoins, il n’est pas exclu que ce cadre méthodologique évolue à mesure de la poursuite des travaux d’approfondissement menés par le SSMSI dans les mois à venir. Lors de la prochaine actualisation de cette publication, les changements éventuels seront expliqués et les données rétropolées le cas échéant.