Voeux du ministre à la Sécurité civile

Voeux du ministre à la Sécurité civile
15 janvier 2018

Discours de M. Gérard Collomb, Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur, prononcé le 15 janvier 2018 à l'hôtel de Beauvau, à l'occasion des vœux à la Sécurité Civile.

- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet, Directeur Général de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises,

Messieurs les Directeurs Généraux,

Madame la Sénatrice,

Messieurs les Députés,

Monsieur le Président de la Conférence Nationale des Services d’Incendie et de Secours,

Messieurs les représentants des organisations syndicales,

Monsieur le Président de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers,

Monsieur le Président de l’Association des Directeurs des Services d’Incendie et de Secours,

Mesdames et messieurs les acteurs de la Sécurité Civile,

Mesdames et Messieurs,

C’est dans des circonstances particulièrement douloureuses que se tient cette cérémonie de vœux.

Ces derniers jours, la grande famille de la sécurité civile a en effet été endeuillée par le décès de quatre sapeurs-pompiers, morts parce qu’ils voulaient secourir, partis trop tôt parce qu’ils avaient choisi de consacrer leur vie à sauver celle des autres.

Il s’appelait Robert SANDRAZ, sergent au centre d’incendie et de secours la Rochette en Savoie. Le 4 janvier, il fut emporté par une coulée de boue alors qu’il venait de sauver deux personnes et un nourrisson bloqués sur le toit d’un véhicule encerclé par les flots d’une rivière en crue.

Ils s’appelaient Arnaud DAUCHY et Jonathan COTTREZ, respectivement caporal et sergent au centre d’incendie et de secours de Lillers dans le Pas de Calais. Le 6 janvier, ils ont été victimes d’un embrasement généralisé alors qu’ils tentaient de sauver des flammes deux jeunes adultes.

Il s’appelait Jonathan LASSUS-DAVID, sergent à la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris. Le 10 janvier il a été victime d’un gravissime accident en intervention à Choisy-le-Roi. Il est décédé des suites de ses blessures hier.

Nous avons aujourd’hui une pensée émue pour eux, pour leurs familles et pour leurs proches.

J’associe à ces pensées le sergent Guy TURPIN et le sergent-chef Richard METEAU, décédés en service commandé en 2017.

Je veux également saluer ceux qui ont été marqués dans leur chair – et je pense en particulier aux trois sapeurs-pompiers agressés à WATTRELOS en décembre dernier, au démineur de la sécurité civile gravement blessé en opération le 11 octobre, et à Christine Delcros, assistante à l’Inspection Générale de la Sécurité Civile, blessée le 3 juin dernier lors des attentats du London Bridge, qui sont présents cet après-midi.

Vous avez tout notre soutien.

Mesdames et Messieurs,

Ces décès tragiques, ces blessures graves, nous rappellent quel est le courage des sapeurs-pompiers, des marins-pompiers, des sapeurs-sauveteurs, des démineurs, des pilotes et des mécaniciens, des logisticiens, des bénévoles associatifs, de toute la grande famille de la sécurité civile.

Ils nous rappellent que, chaque jour, des femmes, des hommes, prennent tous les risques, pour nous protéger.

C’est pourquoi en cet instant, je tiens à leur rendre hommage, je tiens à vous rendre hommage.

Les Français savent que, quand le pire survient, vous répondez présents.

Ils savent que, quoiqu’il arrive, vous êtes toujours là.

Et vous l’avez une nouvelle fois démontré tout au long de l’année qui vient de s’écouler.

Dès mon arrivée Place Beauvau, je vous ai vu lutter contre des feux de forêt d’une intensité inédite depuis quinze ans.

Je me suis rendu sur place dans le Var, en Corse.

Partout, j’ai vu les sapeurs-pompiers et les militaires de la sécurité civile, batailler contre les flammes avec une grande bravoure.

Partout, j’ai vu les équipages de bombardiers d’eau prenant tous les risques pour endiguer la progression des incendies.

Et s’il n’y a eu aucune victime civile à déplorer, si les dégâts matériels ont été limités, c’est grâce à vous.

Cette campagne des feux de forêt n’était pas encore terminée que nous avons dû faire face ensemble au plus important épisode cyclonique de l’Histoire des Antilles.

Comme l’a fait Jacques WITKOWSKI, je tiens à saluer tous ceux qui se sont trouvés impliqués dans la gestion de cette terrible catastrophe.

Les équipes de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC) d’abord, qui nous ont permis d’anticiper autant qu’il était possible et qui, en salle de crise, ont permis au Gouvernement de prendre les bonnes décisions.

Toutes celles et ceux qui ont organisé un gigantesque pont aérien, avec 1000 personnels projetés, des millions de litres d’eau potable, des vivres, du matériel.

Et puis bien sûr l’ensemble des troupes présentes sur place – militaires de la sécurité civile, sapeurs-pompiers, bénévoles des associations agréées de sécurité civile, gendarmes, qui ont permis de sauver des vies et d’apporter soutien et réconfort aux populations sinistrées.

Mesdames et Messieurs, il y a ces événements exceptionnels par leur intensité et par leur ampleur – et la récente tempête Eleanor, concomitante d’ailleurs d’une recrudescence de feux de forêt en Corse, était de ceux-là.

Il y aussi toutes ces interventions du quotidien qui, en 2017, ont une nouvelle fois permis de sauver des milliers de vies.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

En 2017, les sapeurs-pompiers ont réalisé 4.6 millions d’interventions, soit une toutes les 7 secondes, prenant en charge 3.6 millions de victimes.

Que ce soit au cœur des grandes villes ou dans les plus petits de nos villages, pour intervenir sur un incendie d’habitation ou un accident de la route, vous avez toujours répondu présent.

Parfois, c’est dans des contextes particulièrement risqués que vous avez dû intervenir. Ce fut le cas lors des attentats. Mais ce fut aussi le cas à chaque fois que vous êtes mobilisés dans des situations où la menace NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) est particulièrement élevée.

Mesdames et Messieurs,

Cet engagement de tous les instants, au péril de votre vie, implique pour nous, pour l’ensemble du Gouvernement, un certain nombre de devoirs.

1) Et le premier de ces devoirs, c’est bien sûr de garantir votre sécurité.

Oui, nous devons tout faire pour « protéger ceux qui nous protègent ».

Ces dernières semaines, nous avons eu à déplorer plusieurs agressions de sapeurs-pompiers.

Dans certains quartiers, il faut parfois faire escorter les sapeurs-pompiers par nos policiers, nos gendarmes.

Je le dis avec force : cela n’est pas acceptable.

Non, jamais ce Gouvernement ne tolèrera que l’on s’attaque à ceux qui prennent tous les risques pour sauver des vies.

Tous les moyens d’enquête nécessaires seront donc déployés pour poursuivre les auteurs de telles exactions.

Une circulaire sur le sujet est en cours de préparation, que j’enverrai prochainement aux préfets.

Par ailleurs, avec ma collègue Garde des Sceaux, nous travaillons à ce que non seulement les condamnations soient importantes, mais surtout à ce qu’elles deviennent effectives, parce que vraiment appliquées.

En décembre dernier, les auteurs de la terrible agression de Wattrelos ont été condamnés à des peines de prison ferme.

C’est ce type de sanctions, marqué par une grande sévérité, qui doit être la règle.

Nous étudions également toutes les propositions qui peuvent être formulées par les représentants des sapeurs-pompiers pour mieux vous protéger.

Protéger ceux qui veillent sur nous, c’est aussi prendre en compte les risques inhérents à l’exercice de vos missions, en particulier en matière de santé.

Je sais l’inquiétude de la communauté des sapeurs-pompiers sur le sujet des fumées froides, et des risques conséquences qu’elles pourraient avoir sur l’intégrité du système respiratoire.

Une instruction a été envoyée aux directeurs des Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS), le 10 novembre dernier, pour rappeler les mesures préventives à adopter.

Mais nous voulons aller plus loin.

C’est pourquoi j’ai saisi l’Inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale de la sécurité civile d’une mission d’expertise sur cette question évidemment complexe.

2) Notre second devoir est de poser aujourd’hui les bases de la pérennisation de notre modèle de sécurité civile, de garantir son avenir.

Cela suppose d’abord des moyens matériels car il faut nous préparer à faire face à des crises de plus en plus nombreuses, intenses et simultanées.

Nous venons ce matin même de concrétiser l’acquisition de 6 nouveaux avions polyvalents, pour un montant total de 404 millions d’euros.

Le 1er de ces avions sera livré dès mai 2019 et les livraisons seront toutes finalisées sur la durée du quinquennat.

Notre modèle de sécurité civile repose bien sûr aussi sur cette ressource extraordinaire que constitue le vivier des 194 000 sapeurs-pompiers volontaires, sans lesquels rien ne serait possible.

Pour faire en sorte que, demain, des milliers de Français continuent à choisir ce bel et noble engagement, à consacrer une part de leur temps au service des autres, j’ai nommé récemment une mission de réflexion sur l’avenir du volontariat.

Composée d’élus – et je salue ici la sénatrice Catherine TROENDLE, le député Fabien MATRAS et le Président du conseil départemental de la Mayenne Olivier RICHEFOU, ainsi que du Président de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France, Cher Éric FAURE, elle réfléchit actuellement à des solutions concrètes pour diversifier le recrutement des volontaires en le féminisant, en l’ouvrant à des zones géographiques dans lesquelles on peine aujourd’hui à recruter.

Cette mission travaille aussi autour d’initiatives qui permettront de fidéliser les sapeurs-pompiers au moment où un tiers d’entre-eux ne renouvellent pas leur premier engagement au bout de cinq ans.

Cette mission donc, formulera des propositions d’ici la fin du premier trimestre.

A l’automne prochain, j’annoncerai à l’occasion du Congrès national des sapeurs-pompiers, à Bourg-en-Bresse, quelles sont les pistes retenues par le Gouvernement.

Notre objectif doit être de stabiliser et même d’augmenter le nombre de sapeurs-pompiers volontaires à horizon 2022.

Il en va de la pérennité de notre système de secours. Il en va de la capacité de résilience de la société française.

L’avenir de notre modèle de sécurité civile passe encore, Mesdames et Messieurs, par une réflexion sur le périmètre des missions des sapeurs-pompiers.

Depuis plusieurs années, on observe dans tous les territoires, une augmentation continue des interventions pour secours aux personnes.

Pour une part, il s’agit d’urgences bien réelles, qu’il incombe bien entendu aux sapeurs-pompiers de prendre en charge. Mais il existe aussi des situations – transports de malades, détresses personnelles – qui relèvent davantage du domaine sanitaire et social.

Une telle tendance ne saurait se prolonger indéfiniment. Car c’est tout le modèle de sécurité civile qui alors serait saturé, menacé.

C’est pourquoi, ces dernières semaines, deux groupes de travail ont été lancés avec le Ministère de la Santé.

Le premier groupe, sur le sujet des carences ambulancières, vise à définir dans quelle situation précise les SDIS doivent se substituer à une offre privée aujourd’hui sous-dimensionnée.

Le second, porte sur les interventions liées aux détresses sanitaires et sociales.

Sur ces deux thématiques, nous sommes donc au travail.

Des décisions fortes seront prises durant le courant de l’année.

Enfin, notre modèle de sécurité civile se doit d’entrer pleinement dans le XXIe siècle.

En prenant le virage de la révolution numérique.

Le « SGA-SGO », système unifié de gestion des appels, alertes et opérations sera déployé dans tous les SDIS à partir de 2021 sous le nom de « NexSIS ».

Dans un horizon de temps court, une application pour mieux répondre aux besoins d’indemnisation des personnes touchées par les catastrophes naturelles – iCatNat – sera par ailleurs proposée aux services de l’Etat, puis aux communes.

Enfin, nous devrons également aboutir sur la question du numéro d’appel unique, le 112.

Notre horizon est national. Mais nous devons progresser aussi au niveau européen.

Les feux de forêt qui ont endeuillé le Portugal et l’Espagne, nous ont montré en 2017 qu’une coopération forte au niveau du continent est indispensable.

En 2018, je souhaite que nous puissions avancer, avec nos partenaires, avec le Commissaire européen à la protection civile, M. Christos STYLIANIDES, sur l’objectif fixé par le Président de la République de pouvoir constituer une force européenne de protection civile, mobilisable à tout moment.

Mesdames et Messieurs,

3) Protéger, sauver, c’est pour beaucoup ici votre métier, c’est pour vous tous l’engagement de votre vie.

Mais sur ces sujets, c’est toute la société qu’il nous faut mobiliser.

Or, nous pouvons encore progresser sur cette question.

Car si la société française s’est montrée très résiliente face aux différentes attaques que nous avons subies ces dernières années, nous avons, quand on se compare à nos partenaires européens, à d’autres pays dans le monde, pris beaucoup de retard pour ce qui est de la formation de la population aux principes fondamentaux de la protection civile.

Trop peu de Français sont en effet formés à réagir en cas de crise.

Trop peu de Français sont formés aux gestes qui sauvent.

Dans son discours du 6 octobre dernier, le Président de la République a fixé l’objectif que 80% de la population soit, à la fin du quinquennat, formée à de tels gestes.

Ce sera un de nos grands défis pour 2018 : mobiliser les collectivités locales mais aussi la communauté scolaire, universitaire, les entreprises, le tissu associatif pour que, partout en France, on apprenne ces gestes simples qui sauvent des vies.

Dans les semaines à venir, la DGSCGC me proposera un plan d’action, avec un calendrier que je souhaite resserré.

Il nous faut agir vite.

Car chaque jour que nous gagnerons, chaque personne que nous formerons, ce sera autant de vies potentiellement sauvées.

Mesdames et Messieurs,

A chacune, à chacun d’entre-vous, à vos familles qui attendent parfois le cœur serré votre retour d’intervention ou de mission, je tiens à souhaiter une très belle année 2018.

Qu’elle soit sur le plan personnel, remplie de bonheur et de joie.

Qu’elle soit sur le plan de votre engagement, épanouissante et sereine.

Sapeurs-pompiers volontaires comme professionnels, civils comme militaires, démineurs, pilotes, personnels navigants, personnels de la sécurité civile, bénévoles des associations, vous êtes, comme le souligne souvent le Président Emmanuel Macron, parmi les plus beaux visages de notre République.

Si, au travers des crises qu’il peut subir, notre pays se tient toujours debout, c’est largement grâce à vous.

Si nos compatriotes savent qu’ils peuvent regarder l’avenir avec confiance, c’est largement grâce à vous.

Alors, merci de votre engagement au service de la France.

Sachez que la République vous est infiniment reconnaissante.

Vive la sécurité civile !

Vive la République !

Et vive la France !

Je vous remercie.