Hommage aux deux sapeurs-pompiers décédés en intervention dans le Pas-de-Calais

Hommage aux deux sapeurs-pompiers décédés en intervention dans le Pas-de-Calais
12 janvier 2018

Discours de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, prononcé lors de l'éloge funèbre en hommage au Sergent Jonathan COTTREZ et au Caporal Arnaud DAUCHY.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet,

Monsieur le Préfet, Directeur Général de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises,

Mesdames et Mesdames les Parlementaires,

Monsieur le Président du Conseil régional,

Monsieur le Président du Conseil départemental,

Monsieur le Maire,

Monsieur le Président du Conseil d’administration du Service départemental d’incendie et de secours du Pas de Calais,

Monsieur le Directeur du Service départemental d’incendie et de secours du Pas de Calais, Monsieur le Président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers,

Monsieur le Vice-président de l’œuvre des pupilles orphelins de sapeurs-pompiers, Monsieur le Président de l’Union départementale des sapeurs-pompiers,

Officiers, sous-officiers, caporaux et sapeurs,

Chère Martine, Cher Alexis, Chère Justine,

Chère Elisa, chère Gwenaëlle, Cher René, Cher Sylvain,

C’est le cœur déchiré et avec une émotion intense que nous sommes réunis cet après-midi pour rendre hommage à deux enfants de Lillers.

Deux hommes exceptionnels de courage, qui ont perdu la vie alors qu’ils tentaient de sauver des flammes deux de leurs compatriotes, victimes d’un feu d’habitation. C’était samedi dernier.

Le caporal Arnaud DAUCHY et le sergent Jonathan COTTREZ avaient pris leur garde à la caserne aux alentours de 19 heures. Arnaud DAUCHY avait comme souvent décidé de consacrer son samedi soir au service des autres. Quant à Jonathan COTTREZ, il remplaçait au pied-levé un de ses camarades, souffrant.

Alors que, dans de nombreux départements, les sapeurs-pompiers étaient sur tous les fronts, faisant face aux conséquences de la tempête Eleanor, la nuit, ici dans le Pas de Calais, était relativement calme. Jusqu’à cet appel, sur le coup de minuit.

Un incendie s’était déclaré dans une habitation de la commune voisine d’Estrée-Blanche. La nuit paisible allait se muer en drame.

Le caporal Arnaud DAUCHY et le sergent Jonathan COTTREZ « partirent au fourgon », accompagnés de quatre collègues. A peine arrivés sur les lieux, ils croisèrent un couple épouvanté sortant de la maison en feu. Ils apprirent alors que deux jeunes adultes pouvaient encore se trouver au premier étage, prisonniers des flammes. Il fallait agir vite.

Animés par le devoir, Arnaud et Jonathan se saisirent d’une échelle à coulisse pour se hisser à hauteur des fenêtres du premier étage, à la recherche de 2 jeunes dont les corps seront retrouvés quelques heures plus tard dans les décombres.

Ils pénétrèrent dans l’habitation pour évaluer la situation quand soudain, un embrasement généralisé se produisit, ne leur laissant aucune chance. Leur coéquipier, le sapeur de 1ère classe Aurélien BOINDIN se précipita pour les secourir. Mais il était trop tard.

Le caporal Arnaud DAUCHY et sergent Jonathan COTTREZ étaient morts au feu, victime d’un acte d’héroïsme dont à Lillers, dans les Hauts de France et dans le pays tout entier, on se souviendra longtemps.

***

En cet instant, je pense bien sûr aux familles d’Arnaud DAUCHY et de Jonathan COTTREZ.

A Martine, la maman d’Arnaud, à Alexis, son frère, à sa petite-amie Justine avec qui il avait formé tant de projets.

Je pense à Elisa, l’épouse de Jonathan, à leur fille de sept ans Gwénaëlle, à son papa René et à son frère Sylvain.

Je pense à tous leurs proches, camarades de classes, collègues de travail, si nombreux recueillis sur cette place cet après-midi.

Je pense à vous, sapeurs-pompiers du centre de secours de Lillers. Plus que des camarades, vous perdez aujourd’hui des amis.

Je salue enfin les sapeurs-pompiers du Pas de Calais, l’ensemble des sapeurs-pompiers de France et en particulier nos 194 000 volontaires. Tous ont fait le choix de consacrer leur vie à protéger, à secourir, y compris parfois, hélas, jusqu’au sacrifice ultime.

Aujourd’hui, c’est tout le Ministère de l’Intérieur, tout le pays qui est en deuil. Aujourd’hui, c’est toute la Nation toute entière qui s’incline devant votre douleur.

***

Le caporal Arnaud DAUCHY avait 20 ans.

Engagé dès le plus jeune âge comme Jeune Sapeur-Pompier en mémoire de son papa décédé sous ses yeux dans un tragique accident de la route, il était devenu sapeur-pompier volontaire depuis tout juste trois ans. Et il vivait sa passion avec un entrain, un enthousiasme qui suscitait l’admiration de tous. Il se montrait toujours disponible pour assurer des gardes, toujours prêt « à décaler » - comme disent les sapeurs-pompiers. C’était dans le centre, un des volontaires les plus actifs. Il était fier de pouvoir conduire depuis quelques semaines des ambulances, fier des interventions qu’il avait assurées – combien de fois a-t-il raconté à ses proches, son rôle décisif dans l’extinction d’un feu de tracteur ? Sur les réseaux sociaux, il mettait en exergue cette belle formule : « heureux comme un sapeur- pompier car il commence en bas de l’échelle ».

Arnaud DAUCHY, c’était en effet l’humilité faite homme. Discret, mais toujours ponctuel et efficace. Ne faisant aucune vague, mais toujours volontaire et mobilisé.
Tous ses amis savaient que son rêve le plus cher était de devenir sapeur-pompier professionnel. Pour réaliser ce projet de vie, il avait déjà commencé à se préparer, physiquement, mentalement, afin de passer les concours.

Fauché en plein vol à vingt ans - le plus bel âge de la vie - il n’aura jamais l’occasion de le faire. Mais chacun sait ici qu’il l’aurait amplement mérité. Arnaud possédait en effet le talent et l’abnégation, le cœur et le courage, pour embrasser cette belle et noble carrière.

Le sergent Jonathan COTTREZ avait lui 32 ans.

Sapeur-pompier volontaire, il l’était depuis 2004, ici, dans cette commune de Lillers qu’il aimait tant.

Peintre en bâtiment, reconnu de tous pour ses grandes qualités professionnelles, Jonathan COTTREZ avait l’engagement dans le sang. Pour lui, comme d’ailleurs pour beaucoup d’entre-vous ici, être sapeur-pompier était une « affaire de famille ». Son père, le lieutenant honoraire René COTTREZ, est en effet une figure du centre de secours. Son frère Sylvain, y est également engagé. De même que son épouse Elisa et que son beau-frère Didier.

Tous, vous soulignez ici combien Jonathan COTTREZ était l’exemple-même de l’engagement désintéressé. Prenant des gardes le soir, le week-end, malgré une vie professionnelle et personnelle très dense. Toujours disponible pour rendre service à ses camarades. En 2016, vous aviez, Monsieur le Chef de centre, proposé Jonathan au grade de caporal. Et vous ne l’aviez pas regretté. Car en intervention, il savait prendre le leadership, agir avec discernement tout en protégeant ses équipiers. A la caserne, il n’hésitait pas à former les plus jeunes, à transmettre sa déjà longue expérience.

Jonathan COTTREZ savait aussi créer du lien. Il aimait organiser des dîners, toujours marqués du sceau de la convivialité. Et puis, il y avait son humour. Quand il arrivait en service, Monsieur le Chef de centre, il vous disait toujours « bonjour chef ! ». Et lorsque vous lui demandiez poliment de vous appeler « Mon lieutenant », il vous répondait – espiègle : « vous avez raison, chef ». Plus jamais vous n’entendrez Jonathan COTTREZ vous dire « bonjour chef ! » Mais, sa joie de vivre, son sourire, resteront gravés dans vos mémoires.

Oui, Mesdames et Messieurs, jamais personne, sur cette terre d’Artois, n’oubliera le caporal Arnaud DAUCHY et le sergent Jonathan COTTREZ.
Jamais personne n’oubliera non plus le geste héroïque d’Aurélien BOIDIN, grièvement blessé au cours de cette opération. Vous pouvez, cher Aurélien, être fier de vous, fier d’avoir tout tenté pour sauver vos camarades. Cet acte de bravoure vous honore.

***

Caporal Arnaud DAUCHY, Sergent Jonathan COTTREZ,

En reconnaissance de votre dévouement au service des Français, vous serez cités dans un instant à l’ordre de la Nation.

Vous recevrez également les insignes de chevalier de la légion d’honneur.

Caporal Arnaud DAUCHY, Sergent Jonathan COTTREZ,
Vous partagiez des valeurs communes.

Vous étiez unis à la fois par une affection réciproque et par un même sens du devoir. Vous êtes désormais unis par une fraternité éternelle.

En ce jour de deuil où tous ceux qui vous aiment vous disent adieu, je veux vous assurer que jamais, la République ne vous oubliera.

Que toujours, dans le cœur de vos proches comme dans celui des Français, votre souvenir restera vivant.

Vivent les sapeurs-pompiers ! Vive la République ! Et vive la France !