Interview de Gérard Collomb sur France 2

11 septembre 2017

Interview de Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l'Intérieur, par Caroline Roux, dans l'émission Les 4 Vérités de France 2, le 11 septembre 2017.


Caroline Roux
Oui, le ministre de l’Intérieur alors que le gouvernement est montré du doigt dans sa gestion de l’après Irma, l’État a-t-il suffisamment anticipé, alors que sur place l’insécurité s’ajoute parfois au dénuement. Emmanuel Macron se rendra lui à Saint-Martin. Bonjour Gérard Collomb.

Gérard Collomb
Bonjour.

Caroline Roux
Alors vous avez déclaré hier soir l’ordre républicain est rétabli, c'est-à-dire que, est-ce que vous assurez ce matin qu’il n’y a plus de pillage ?

Gérard Collomb
En tout cas ce que je peux dire c’est que le nombre de forces qui sont déployées aujourd'hui sur Saint-Martin est tout à fait considérable. Vous voyez, c’est près de 2.000 personnes que dans la journée nous allons avoir sur place et donc parmi ces forces le GIGN, le GIPN, les légionnaires qui vont débarquer dans un instant, donc oui nous avons des forces pour essayer d’éviter les pillages.

Caroline Roux
Essayer dites-vous.

Gérard Collomb
Mais vous savez dans ce genre de phénomène quand tout est dévasté, il y a toujours des gens qui essaient d’en profiter. Et on voit par exemple chez nos amis néerlandais, qui ont pourtant déployé eux aussi des forces importantes qu’il y a les mêmes scènes. Nous quadrillons aujourd'hui l’île et je crois qu’il n’y a plus de fait, comme il s’en était produit pendant la première nuit.

Caroline Roux
Quelles sont les consignes que vous avez donné aux forces de l’ordre, comment faire avec… discerner en gros entre les pilleurs qui vont vider des hangars de produits électroniques et des habitants qui l’assument, on le voit à longueur de reportages, et qui disent, on va se servir parce qu’on n’a plus rien ?

Gérard Collomb
Si vous voulez la première chose, ce que vous dites, c’est d’abord de pouvoir délivrer l’eau, les provisions à l’ensemble des quartiers de l’île et aujourd'hui je dois dire qu’effectivement nous sommes organisés pour pouvoir le faire. Vous voyez au départ, nous avions simplement trois points où l’eau était délivrée, aujourd'hui nous avons délivré 145.000 litres d’eau dans la journée et donc partout nous approvisionnons les gens  en provision et même un supermarché, un des deux supermarchés de l’île a rouvert hier. Une radio, comme vous le savez, émet à nouveau, donc nous pouvons faire passer les consignes et donc les choses se rétablissent.

Caroline Roux
Mais qu’est-ce que vous dites à ces gens, encore une fois, qui vont se servir dans les maisons, dans les magasins parce qu’ils n’ont plus rien, que leur disent les forces de l’ordre ? Est-ce qu’on laisse faire parce qu’on est dans une situation d’urgence ?

Gérard Collomb
Pas du tout, les forces de l’ordre les arrêtent, il y a eu des arrestations.

Caroline Roux
Combien ?

Gérard Collomb
Nous avons envoyé…, il a dû y avoir une dizaine d’arrestations, nous avons envoyé un procureur  de la République, qui vient de Basse-Terre et les gens aujourd'hui sont jugés et sont effectivement mis en garde à vue et ensuite seront condamnés.

Caroline Roux
Y compris encore une fois les habitants qui vont se servir parce qu’ils n’ont plus rien ?

Gérard Collomb
Mais aujourd'hui il y a des distributions qui sont faites et donc tout le monde doit pouvoir être servi.

Caroline Roux
Est-ce que vous diriez ce matin qu’on est sorti du chaos ?

Gérard Collomb
Oui bien sûr.

Caroline Roux
Oui.

Gérard Collomb
Du chaos, entendons-nous, quand vous avez eu des vents à 380 km/h évidemment que vous avez des destructions massives, on estime qu’il y a à peu près 95 % de bâtiments qui ont été touchés, 65 qui sont dans un état déplorable et donc évidemment qu’on ne peut pas dire que c’est une situation normale. Mais aujourd'hui on va dire que l’encadrement administratif a été rétabli et que la machine marche à nouveau. Vous voyez par exemple, le premier jour après le cyclone, j’avais pu avoir la préfète, cinq minutes dans la journée et après ça avait coupé, aujourd'hui on est en correspondance régulière, la ministre des Outre-mer est là-bas, et nous organisons avec d’ailleurs les élus de l’île le retour à un semblant de normal dans l’île. Et non seulement nous organisons ce retour, mais nous préparons l’avenir, c’est d’ailleurs ce que le président, Emmanuel Macron va annoncer, nous allons reconstruire en matière de santé, en matière d’école, en matière de logement…

Caroline Roux
Il y va pour annoncer des moyens.

Gérard Collomb
Et donc c’est une nouvelle vie…

Caroline Roux
Il y a va pour annoncer des moyens ?

Gérard Collomb
Oui, nous avons aujourd'hui avec le Premier ministre une réunion interministérielle dans laquelle nous allons définir un plan pour l’île, où tous les ministères vont contribuer.

Caroline Roux
Combien de personnes ont choisi de quitter Saint-Martin et Saint-Barth pour la Guadeloupe ou même pour rentrer en métropole, est-ce que vous le savez ça ?

Gérard Collomb
Alors pour le moment, si vous voulez, c’est quelques centaines, peut-être un millier, deux milliers. Notre priorité, c’est d’abord que les touristes qui sont coincés là-bas puissent repartir. Les navires remarchent à nouveau, mais ce que nous ne voudrions pas, c'est que, on va dire les fonctionnaires par exemple Français quittent totalement l’île, la laissant sous administrée et donc on va envoyer des renforts, par exemple chez les enseignants et le ministre de l’Education nationale va aller avec le président, de manière à ce qu’on ait quand même un encadrement et que ce ne soit pas les gens les plus pauvres qui finalement soient obligés de rester dans l’île.

Caroline Roux
Que vont devenir ceux qu’on appelle déjà les réfugiés, qui se retrouvent en Guadeloupe, parfois des familles séparées avec les hommes qui sont restés à Saint-Martin ou Saint-Barth, qu’est-ce que vous leur dites à eux ?

Gérard Collomb
On va essayer de rétablir de manière normale. Ce qu’il faut que vous voyez, c’est qu’il y a un effort considérable. Il y a maintenant des dizaines d’avions qui vont aller sur la Guadeloupe, apportant du matériel. Il va y avoir deux bateaux, dont un bateau de guerre qui va partir demain de Marseille et qui vont aller jusqu’à Saint-Martin, apporter des tonnes et des tonnes de matériels de reconstruction. Vous voyez par exemple, moi, j’avais lorsque j’étais maire de Lyon, des modulaires pour des lycées, pour des collèges, nous les envoyons là-bas et donc on va reconstruire dans les meilleurs délais.

Caroline Roux
Est-ce que ce n’est pas trop tard, là voilà la question qui vous est posée au sein du… au gouvernement, vous le savez bien, vous l’avez entendu, Jean-Luc Mélanchon, Eric Ciotti demandent une commission d’enquête parlementaire, ils considèrent que l’État n’a pas été au niveau pour anticiper. On voit bien qu’aujourd'hui vous avez mis à disposition les moyens au lendemain de la catastrophe, est-ce qu’on ne pouvait pas anticiper, ma question, est-ce que si c’était à refaire, sincèrement Gérard Collomb, est-ce que vous prendriez les mêmes décisions ?

Gérard Collomb
Nous avons pris dès le départ les bonnes décisions. D’abord les cyclones, si vous voulez, c’est une science qui n’est pas totalement exacte, qui évolue. Vous voyez, par exemple nous pensions que le cyclone allait toucher au départ la Guadeloupe et donc nous avions installé notre base arrière à la Martinique, et c’est simplement l’avant-veille qu’on a vu le cyclone dévier, et donc que la Guadeloupe ne serait pas touchée et donc on a avancé notre logistique, mais dès avant le cyclone, nous avions déjà 1.100 personnes sur l’île, nous en avons 2.000 aujourd'hui, vous voyez qu’on avait pris quelque précautions.

Caroline Roux
Donc qu’est-ce que vous en pensez de cette polémique, ces critiques qui sont formulées ? Est-ce que vous leur répondez, vous vous expliquerez le moment venu dans une commission d’enquête parlementaire si c’est le cas ?

Gérard Collomb
Oui, aujourd'hui on pense si vous voulez que le temps est à la construction. Toutes celles et tous ceux qui veulent aider, je ne sais pas moi, si monsieur Mélanchon, monsieur Ciotti veulent lancer un grand appel à la reconstruction de l’île, qu’ils veulent aider les élus de l’île, nous sommes tout à fait d’accord et sur les commissions parlementaires, nous, nous sommes pour l’évaluation et donc nous acceptons volontiers une commission parlementaire, ils verront combien les équipes étaient mobilisées.

Caroline Roux
Et le président sera confronté lui à la colère, mais celle des habitants cette fois.

Gérard Collomb
Oui.

Caroline Roux
Il le sait.

Gérard Collomb
Il s’expliquera. Vous savez, il a toujours l’habitude, évidemment quand vous avez des gens qui ont tout perdu, vous ne pouvez pas vous attendre qu’ils vous accueillent avec de grands sourires.

Caroline Roux
Merci beaucoup Gérard Collomb.