73ème anniversaire de la Libération de Paris

73ème anniversaire de la Libération de Paris
24 août 2017

Allocution de M. Gérard COLLOMB, Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur, à l’occasion du 73ème anniversaire de la Libération de Paris - Préfecture de police, le 24 août 2017.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet de police,
Monsieur le Préfet de région,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame la Maire de Paris,
Mon général,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des corps consulaires,
Mesdames et Messieurs,

« L’Histoire de notre pays est une succession de prodiges qui s’enchaînent. […] Ma mission est de rendre hommage à ceux par le prodige desquels la France conserva un présent et un avenir ».

Ces mots que prononça le grand résistant Pierre BROSSOLETTE en juin 1943 dans un discours où il rendait hommage aux morts de la France combattante, nous les faisons nôtres aujourd’hui, en cette cérémonie commémorant le sacrifice des 167 policiers tombés entre le 19 et le 25 août 1944.

Ils sont morts dans le combat qu’ils avaient entrepris pour libérer Paris. Aux côtés des Forces Françaises de l’Intérieur ! Aux côtés du peuple de la capitale !

Parce qu’ils sont morts pour que vive la France, ces 167 policiers sont pour vous tous, qui leur avez succédé, un légitime sujet de fierté.

En ce mois d’août 1944, en effet, alors que le préfet Amédée BUSSIERE leur enjoignait de continuer dans la voie de la collaboration avec l’occupant allemand, ils eurent le courage de refuser d’obéir.

Alors que l’ennemi menaçait des pires représailles toutes celles et tous ceux qui prendraient les armes, ils surent se lever pour que Paris soit enfin libéré.

C’est cela, l’héroïsme : être capable, au moment où se joue le sort d’un pays, de se dépasser soi-même, de ne pas se laisser enfermer dans ses fonctions, de savoir prendre tous les risques, pour être digne de l’Histoire.

Oui, en août 1944, ces 167 policiers se sont conduits en héros.

Et si, comme chaque année, nous sommes réunis ce matin, c’est pour glorifier leur conduite, pour célébrer leur engagement.

Pour dire que les scènes de liesse, de joie, qui devaient quelques jours plus tard marquer la libération de Paris, n’auraient pas été possibles si des policiers n’avaient pas montré les premiers la voie, ouvert le chemin qui allait conduire Paris à une liberté retrouvée.

Il faut se rappeler les faits.

Tout commence le 15 août 1944.

Un vent d’espoir souffle depuis plusieurs jours sur la France avec la libération d’Avranches le 30 juillet, celles de Rennes et de Nantes les 4 et 12 août, avec la nouvelle du débarquement en Provence. Mais à Paris, l’Occupation allemande demeure bel et bien, avec son lot de tragédies quotidiennes.

Le matin-même, un ultime convoi vers les camps de la mort (2453 personnes) a quitté la porte de Pantin.

Et dans les rues de Paris, se répand la nouvelle que le nouveau gouverneur de la capitale, le général VON CHOLTITZ a reçu l’ordre de défendre la ville jusqu’au bout, quitte à en faire un champ de ruines, à anéantir sa population.

C’est dans ce terrible contexte que les policiers de Paris entrent en grève, emboitant le pas des cheminots et des postiers, qui ont cessé le travail quelques jours plus tôt.

Il faut imaginer ce qu’un tel événement peut représenter pour les parisiens.

Pour la première fois depuis de longs mois, plus d’homme en uniforme bleu devant les bâtiments publics, plus de policiers français patrouillant dans les rues !

Pour le peuple de Paris, cette situation a valeur de signal. Comme si, au terme de 1500 jours de privations, d’humiliation, tout pouvait redevenir possible. Comme si le retour tant attendu de la France était sur le point d’advenir.

Le mouvement de grève lancé est massivement suivi.

Chaque jour, la Résistance semble plus vive, plus ardente dans les rangs des policiers.

Jusqu’à cette journée du 19 août.

Tôt dans la matinée, à l’appel des trois mouvements de Résistance de la police – Honneur et Patrie, Police et Patrie, le Front national de la Police – plus de 2000 policiers en civil investissent le parvis de la cathédrale Notre-Dame, décidés à tourner cette page si sombre de notre Histoire de France.

Ce jour-là, il fait beau, très beau.

Et cette aurore aoûtienne va se lever comme un avant-goût de liberté retrouvée.

Il est presque 9 heures, quand un garde de la Préfecture de Police entrouvre la grande porte de la cour dans laquelle nous nous trouvons.

Sans attendre les consignes du Conseil National de la Résistance alors réuni à huit-clos, les manifestants saisissent l’occasion pour pénétrer à l’intérieur de cette cour et prendre possession des lieux.

Sur le mat coiffant le toit du bâtiment, ils s’empressent de hisser le drapeau tricolore qui, pour la première fois depuis plus de quatre ans, flotte dans le ciel de Paris.

La Marseillaise retentit. Jamais sans doute les paroles de son sixième couplet – « Liberté, liberté chérie ! Combats avec tes défenseurs » – n’ont raisonné avec une telle force.

Passé ce moment de grande émotion, les événements s’enchaînent.

Le chef régional des Forces Françaises de l’Intérieur, le colonel ROL-TANGUY entre dans cette cour.

Il introduit Charles LUIZET, nommé par le Général DE GAULLE, comme nouveau Préfet de Police.

C’est donc comme l’écrit l’un des plus grands historiens français de la police, Jean-Marc BERLIERE, « au siège de la police parisienne que l’État se recompose ».

C’est ici, à la Préfecture de Police, que la France renaît.

Sur le plan militaire, la « PP » comme on l’appelait déjà, devient la base arrière de la reconquête de la capitale.

Depuis ses murs que des policiers dépourvus de moyens ont défendus contre les chars et canons dépêchés par le commandement de la Wehrmacht, des groupes sont déjà partis pour occuper et libérer l’Hôtel de Ville de Paris, les Mairies d’arrondissement, les ministères et l’ensemble des lieux stratégiques de la capitale.

Depuis ses murs, les policiers de Paris organisent alors la relève participant à l’installation de plus de 600 barricades à partir desquelles, plusieurs jours durant, Forces Françaises de l’Intérieur, policiers, et peuple de Paris, vont faire corps pour faire face aux troupes allemandes.

En attendant LECLERC, qui, avec DE GAULLE a obtenu des généraux américains que la 2ème DB soit dirigée vers Paris.

La bataille fait rage.

Les combats sont âpres.

L’occupant nazi défend ses positions pied à pied.

En quatre jours, 500 civils, 1000 soldats de la France combattante et donc 167 policiers périssent.

Ils ne verront jamais cette ère nouvelle qu’ils ont pourtant contribué à faire naître.

La délivrance survient le 25 août, avec l’arrivée des alliés que Leclerc a déjà précédé. Les troupes allemandes sont partout bousculées. Et en début d’après-midi, ici-même, à la Préfecture de Police, dans le bureau que nous avons vu tout à l’heure, le général VON CHOLTITZ accepte de remettre au colonel ROL-TANGUY et au général LECLERC, l’acte de capitulation des troupes allemandes.

« Paris est libéré ! » comme le dira le jour-même le Général DE GAULLE s’adressant, depuis le balcon de l’Hôtel de Ville, aux parisiens, aux Français.

Paris est libéré… et pour une bonne part grâce au courage de ses policiers, à qui le Général rend un hommage solennel en se rendant ici-même dès après son discours à l’Hôtel de Ville, en remettant quelques semaines plus tard (le 12 octobre) au Préfet Charles LUIZET cette fourragère rouge de l’ordre de la légion d’honneur qui, depuis cette date, orne la tenue de vos uniformes.

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes 73 ans après ces évènements.

Et pourtant, nos commémorations gardent toujours un sens profond. Oui, nous devons nous souvenir.

Car comme l’a écrit Winston CHURCHILL « un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre »

Notre passé, c’est celui d’un continent qu’avait embrasé l’Allemagne nazie. On sait comment Hitler et son parti s’étaient emparés du pouvoir, développant chaque jour un peu plus leur emprise sur une société où la grande crise économique avait frappé plus que partout ailleurs.

Oui plus que partout ailleurs en Allemagne, il y avait cet immense cortège de chômeurs, de déclassés, qui pouvaient se laisser séduire par une rhétorique guerrière.

De cette situation-là, allait naître un monstre qui devait plonger le monde entier dans l’abîme.

Avec une guerre où l’humanité atteignit le sommet de l’horreur : 60 millions de morts, l’élimination dans les camps de 6 millions de juifs dont 1,5 million d’enfants.

Hitler et les nazis disaient alors agir au nom de la pureté de la race.

Certains aujourd’hui commettent les pires crimes au nom d’une religion, mais d’une religion qu’ ils dévoient.

C’est la même barbarie qui est à l’œuvre.

C’est la même volonté d’imposer sa loi par la terreur et le sang.

On vit ce que fut aux débuts du prétendu État Islamique, le massacre des Chrétiens d’orient et des Yezedi, de tous ceux qui n’acceptaient pas l’ordre sinistre de Daesh.

On vit les exécutions d’otage mises en scène comme au temps de l’Allemagne Nazie.

Nous connaissons maintenant des attentats aveugles qui endeuillent tous les continents et qui ont si lourdement touchés les pays d’Europe : 29 attentats ayant fait 605 morts, depuis l’attentat de Madrid en 2004.

Avec la semaine dernière ces deux attaques de Barcelone et de Cambrils, dont nous avons tous encore les images à l’esprit.

Avec en France le 20 avril dernier la mort de votre collègue Xavier JUGELE.

Oui, désormais la menace est permanente.

Mais comme nous avons, par le passé, vaincu le totalitarisme nazi, nous viendrons à bout de cette nouvelle menace.

Comme alors, le combat sera rude, il sera long.

Il se mène sur les fronts où combattent nos soldats.

Il se mène sur notre sol où il convient de donner à nos forces de sécurité tous les moyens d’agir.

C’est le projet que je porterai dans quelques semaines devant l’Assemblée nationale pour renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Un projet de loi qui n’est pas, comme on a pu l’entendre parfois, une loi liberticide, mais une loi qui au contraire protège nos libertés, liberté d’assister sans crainte à nos grandes manifestations culturelles ou sportives, liberté de se déplacer en sécurité, liberté de vivre tout simplement.

C’est aussi ce que nous permettrons en libérant nos forces de sécurité des tâches indues, en portant une réforme de la procédure pénale qui réduira les tâches administratives, ces rapports sans fin où il faut tout consigner mais que finalement jamais personne ne lit dans leur intégralité.

Les policiers pourront dès lors revenir à ce qui constitue leur mission profonde, cette police de sécurité du quotidien qui n’est pas comme je l’ai lu quelquefois, une police de proximité à vocation socio-culturelle, mais qui marque la volonté de protéger mieux nos concitoyens, d’être d’avantage présent sur le territoire, en luttant mieux contre la grande comme la petite délinquance, en allant chercher cette information de terrain qui permet de déceler les signaux faibles, ceux d’une radicalisation susceptible d’amener les individus à passer à l’acte.

Oui, nous serons sans faiblesse pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

Mais évidemment, tout cela serait vain si nous n’étions pas capables de donner de nouvelles perspectives à notre pays, comme le firent à leur époque les membres du Conseil National de la Résistance.

Si nous n’étions pas capables de refonder notre école, pour qu’elle redevienne une école de la réussite et de la promotion sociale.

Si nous n’étions pas capables de recréer massivement des emplois en modernisant notre appareil de production, de lutter contre des fractures sociales qui marquent notre pays, et qui sont avant tout – et les policiers de la Préfecture de Police le savent bien – de véritables fractures spatiales ancrées dans nos territoires.

Reconstruire une société où chacun puisse avoir à nouveau la chance de se rencontrer, en finir avec des quartiers, des communes entières, qui se paupérisent, qui se ghettoïsent, c’est comme cela que l’on reconstruira une société apaisée.

Il n’est pas possible en effet de vivre ensemble, là où n’existe pas un certain équilibre.

Mesdames et Messieurs, c’est parce que j’ai cette volonté là que j’ai accepté cette fonction à la tête du Ministère.

Pour la mener à bien, je sais pouvoir compter sur chacune et chacun d’entre vous.

Mais vous pourrez aussi, chacune et chacun, compter sur moi pour être à tout instant à vos côtés.

Car comme les policiers d’août 1944, vous êtes en première ligne.

Car comme les policiers d’août 1944, vous êtes les vrais défenseurs de notre Liberté.

Vive la Préfecture de Police de Paris !

Vive la République !

Vive la France !

Je vous remercie.