Dîner de rupture du jeûne à la Grande Mosquée de Lyon

Dîner de rupture du jeûne à la Grande Mosquée de Lyon
16 juin 2017

Discours de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, à l'occasion du dîner de rupture du jeûne à la Grand Mosquée de Lyon, le 15 juin 2017 à 22h.


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Cher Kamel KABTANE,

Monsieur le Préfet de la Région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les membres du corps consulaire de Lyon,

Mesdames et Messieurs les Élus,

Mesdames et Messieurs les représentants des Autorités judiciaires,

Monsieur le Cardinal, Archevêque de Lyon, Primat des Gaules,

Monsieur le Grand Rabbin de Lyon,

Messieurs les représentants des Autorités religieuses,

Mesdames et Messieurs les représentants des Universités,

Mesdames et Messieurs les représentants des associations,

Mesdames et Messieurs,

C’est une joie profonde d’être parmi vous ce soir, dans cette Grande Mosquée de Lyon, où nous avons partagé tant de moments, où nous avons vécu tant d’instants communs.

Vous le savez, comme Maire de Lyon, j’ai toujours honoré ce rendez-vous de la rupture du jeûne.

Parce que je sais combien celui-ci est important pour vous.

Parce que je crois que l’un des rôles des responsables politiques est d’accompagner chaque communauté dans les temps forts qui jalonnent l’année.

Je tenais donc à passer mon premier Iftar en tant que Ministre de l’Intérieur avec vous, parmi vous. J’allais dire parmi les miens.

Je veux bien sûr remercier mon ami Kamel KABTANE, Recteur de la Grand Mosquée de Lyon, d’avoir permis la tenue de cette rencontre.

Je veux vous remercier tous de m’accueillir si chaleureusement.

Depuis Lyon, je souhaite également adresser à tous les musulmans de France, le salut fraternel de la Nation en ce mois de Ramadan.

Cette période est pour tous les musulmans, un temps de fête, de convivialité.

C’est aussi un moment d’introspection et de prise de recul.

Vous me permettrez donc de saisir l’occasion qui m’est offerte ce soir pour vous délivrer quelques messages.

En vous disant d’abord que, Ministre de l’Intérieur, je ferai tout pour permettre aux musulmans de France d’exercer leur culte dans de bonnes conditions.

Ceux qui me connaissent le savent, je suis sur ce sujet un disciple  d’Aristide Briand, qui, rapporteur de la loi de 1905 sur la laïcité, soulignait devant l’Assemblée Nationale que son texte devait – je cite - « permettre à toutes les croyances de s’exprimer librement ».

Oui, la laïcité française est une laïcité de liberté.

Ce qui signifie que chacun a le droit de croire ou de ne pas croire.

Mais aussi qu’il incombe à l’État d’assurer à chaque citoyen, la possibilité d’exercer son culte sans autre restriction que le respect de l’ordre républicain.

Une telle mission suppose d’abord d’assurer la sécurité de l’ensemble des lieux de culte.

Et en ces temps où la menace terroriste s’établit à un niveau élevé, je veux avoir une pensée pour les policiers, les gendarmes, les militaires, qui sont mobilisés pour protéger les mosquées comme d’ailleurs l’ensemble des édifices religieux.

Garantir la liberté de culte, c’est aussi agir pour en améliorer les conditions matérielles.

Vous savez que, Maire de Lyon, j’ai toujours été aux côtés des différentes communautés religieuses de la ville sur ce sujet.

Ministre de l’Intérieur, je continuerai à favoriser toutes les initiatives permettant à l’ensemble des cultes, et en particulier aux musulmans, de prendre une juste place dans notre société.

Enfin – et c’est une thématique pour laquelle Kamel KABTANE s’est montré précurseur – je suis convaincu que la puissance publique doit susciter le développement de formations d’imams sur le sol français.

Il ne s’agit évidemment pas de s’immiscer dans les questions théologiques, ce qui n’est pas le rôle d’un État laïc.

Mais de favoriser toutes les initiatives pour faire en sorte que les imams qui prêchent dans les mosquées françaises, prêchent un Islam en tout point compatible avec la République.

Mesdames et Messieurs,

Vous l’aurez compris, vous trouverez donc toujours en moi un défenseur inlassable de la liberté d’exercer votre culte.

L’ambition que je veux porter comme Ministre de l’Intérieur est toutefois plus grande encore.

Car mon rôle n’est pas simplement de permettre à chaque Français de vivre sa croyance.

Il est aussi de rassembler, dans leur diversité, ceux qui croient comme ceux qui ne croient pas.

Il est de lutter contre les divisions qui marquent ce pays, pour construire enfin une société plus apaisée.

Cela suppose d’abord un partage de vues régulier entre les différentes communautés religieuses.

Et sur ce sujet, l’instance de dialogue que nous avons initiée à Lyon, Concorde et Solidarité, est - je le crois - un modèle à suivre.

Elle permet toute l’année d’entretenir le lien entre nous tous, de prévenir d’éventuelles incompréhensions.

Elle permet aussi de parler d’une voix forte et unie quand des circonstances tragiques l’exigent. Et nous étions ensemble après les attentats du 13 novembre.

Construire une société apaisée, c’est également lutter contre amalgames qui marquent notre société.

Car il faut regarder la réalité en face.

Aujourd’hui, en France, les musulmans restent victimes de trop de caricatures.

Aujourd’hui, en France, on assimile trop souvent encore l’Islam à la haine de ceux qui, bafouant cette religion, commettent le pire.

Pour combattre un tel phénomène, il faut lutter énergiquement contre l’Islam radical.

C’est l’affaire du gouvernement, qui prend en la matière des mesures fortes avec la possibilité de fermer des lieux de culte, de dissoudre des associations, où seraient employés des propos haineux.

C’est l’affaire de la communauté musulmane, qui, comme vous le faites ici à Lyon, se mobilise de plus en plus sur ce sujet.

C’est l’affaire de toutes les communautés religieuses, mais plus largement de tous les Français.

Enfin, nous avons, Mes chers amis, à mener une bataille de plus long terme, une bataille culturelle.

Chacun de vous connaît cette belle phrase du grand philosophe arabe Averroès qui écrit que « l’ignorance mène à la peur, que la peur mène à la haine et que la haine conduit à la violence »

Ma conviction profonde est qu’apaiser notre société passe précisément par une action pour la connaissance, et notamment pour donner à voir à aux Français toute la diversité et toute la richesse de la civilisation musulmane.

On sait par exemple trop peu, dans notre pays, combien les philosophes, les mathématiciens, les artistes et les médecins arabes, ont, au fil de l’Histoire, contribué à la richesse de notre civilisation, dans un échange permanent entre culture arabe et culture occidentale, dont certains trésors architecturaux français sont sans doute le plus beau témoignage.

On sait trop peu aussi que les intellectuels musulmans ont été les passeurs d’une grande partie de la pensée hellénique en Occident, et  qu’en traduisant de nombreux auteurs du grec vers l’arabe, puis de l’arabe vers le latin, ils ont participé de l’émergence à la pensée occidentale moderne.

Au fond, en France, on méconnaît sans doute trop l’Islam.

Et c’est cette méconnaissance qui se trouve être le terreau des caricatures et des amalgames.

Mesdames et Messieurs,

C’est parce que nous avons depuis longtemps une conscience aigüe de cette situation qu’avec Kamel KABTANE, nous avons porté la création d’un Institut Français de Civilisation Musulmane.

Il nous a été présenté tout à l’heure, et la qualité du projet est incontestablement au rendez-vous.

Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il permettra aux Lyonnais et à tous les Français, de prendre conscience de l’apport majeur de la civilisation musulmane à la culture européenne, à la culture française.

Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il contribuera à créer une société de concorde et de sérénité retrouvées.

Mesdames et Messieurs,

À vous, à tous les musulmans de France, je veux dire ma profonde estime.

Les défis que nous avons devant nous sont nombreux.

Nous saurons j’en suis sûr les relever ensemble, avec le soutien de toute la Nation.

Je vous remercie.