Congrès du Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure

Congrès du Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure
21 septembre 2018

Allocution de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’Intérieur, à l’occasion du Congrès du Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure (SCSI) à Vannes (56), le vendredi 21 septembre 2018


- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Préfet, Directeur général de la Police nationale,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Directeur Départemental de la Sécurité Publique,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Il y a quelques mois, je vous avais promis que je m’exprimerai devant votre congrès.

Je ne pensais pas forcement que les circonstances seraient celles d’aujourd’hui. Mais j’ai au moins une qualité, celle de tenir mes engagements. Et je suis donc aujourd’hui avec vous. J’ai noté, Monsieur le Secrétaire Général, les différentes mesures catégorielles que vous m’avez présentées sur le niveau de recrutement des officiers, la nomenclature du corps de commandement, le galonnage ou encore le temps de travail.

Nous sommes en période d’avant élections professionnelles, et vous êtes la seule organisation syndicale à laquelle je m’adresserai publiquement avant ces échéances.

Je veux donc si vous me le permettez respecter une forme de neutralité.

Car le débat qui va s’ouvrir en cette rentrée permettra, comme vous venez de le faire, à chacun des syndicats, de présenter ses propositions. Je tiens toutefois, parce que cette mesure fait consensus, à souligner que, comme je l’ai fait l’année dernière, je me mobiliserai pleinement pour que le ratio d’avancement pour 2019 s’établisse à un niveau qui respecte les engagements pris par le passé – je rappelle qu’il se situe aujourd’hui à 15%.

Mesdames et Messieurs,

Si vous me permettez, je porterai donc ce matin une vision plus large de mes réflexions et de l’action après 16 mois à la tête de ce Ministère.
Je tiens à vous réaffirmer que je suis un réformateur et même, je le confirme, un réformateur compulsif.

Et je crois qu’aujourd’hui, si toutes les réformes ne sont pas encore entrées en vigueur, certaines à se traduire dans les faits. Il y a sept mois, le 8 février dernier, je lançais la Police de Sécurité du Quotidien et les Quartiers de Reconquête Républicaine.

Police de Sécurité du Quotidien. La doctrine adoptée l’a été, vous le savez, après une large consultation des forces de l’ordre et je rappelle qu’à l’époque nous avons eu 70 000 réponses au questionnaire envoyé. Cela donne une vision assez juste de ce que pense la base.

Pour moi, cette Police de Sécurité du Quotidien, devait être une police du sur-mesure, adaptée à la réalité du terrain car la réalité de la délinquance n’est pas la même dans tous les territoires. Elle devait aussi prendre en compte la nécessaire   coopération avec tous ceux qui concourent à la sécurité publique – élus locaux, polices municipales, et même désormais sociétés de sécurité privée. Sur ce dernier point d’ailleurs, j’avais demandé un rapport aux députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, qui m’ont remis récemment des propositions. Nous les expertisons. Ils concluent à la nécessité d’une telle co-production et indique les conditions dans lesquelles elle sera possible : notamment le renforcement de la professionnalisation des sociétés de sécurité privée.

Cette Police de Sécurité du Quotidien, c’était donc d’abord un changement de méthode.

Et j’ai eu l’occasion de le voir au cours des derniers mois, dans tous mes déplacements, elle est en train de se concrétiser dans tous les territoires urbains comme ruraux, des grandes villes comme des villes moyennes.

Et je veux voir dans l’amélioration d’un certain nombre d’indicateurs sur les 8 premiers mois de l’année les premiers effets de ce que nous avons mis en place.

Dans ces statistiques, on mesure combien sont nombreuses et graves les violences faites aux femmes. Sans doute parce qu’après l’affaire Weinstein, la parole s’est libérée. Qu’on ose davantage franchir la porte d’un commissariat. Mais aussi parce que nous avons multiplié le nombre des lieux où peuvent être accueillies les victimes en toute confidentialité avec des psychologies et des intervenants sociaux. Le mois prochain, nous ouvrirons la plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes qui lèvera encore les dernières réticences à s’exprimer et permettra de prendre un rendez-vous au commissariat sans avoir à attendre au guichet.

Je viens de vous décrire ce que serait la Police de Sécurité du Quotidien. Je voudrais vous dire quelques mots de ce que seront les Quartiers de Reconquête Républicaine.

J’avais en effet indiqué que nous prendrions en compte de manière plus spécifique un certain nombre de territoires où la situation était particulièrement dégradée. Nous avons tenu cette promesse. Je m’étais engagé à ce que 30 quartiers  bénéficient de renforts policiers, d’une priorisation dans le domaine des équipements, du numérique – smartphones, tablettes, caméras piétons. Aujourd’hui, cela devient réalité. D’ici le début de l’année 2019, il y aura bien 30 quartiers de Reconquête Républicaine renforcés de 10 à 30 policiers suivant la taille des quartiers. 600 personnes supplémentaires au total. Depuis le début de la semaine, je suis allé à Corbeil-Essonnes, à Aulnay-sous-Bois et Sevran, m’assurer que la politique lancée se traduisait bien sur le terrain. Dans ces communes, vous le savez, les élus qu’ils soient Maires ou députés, sont de toutes les sensibilités politiques. Certains même avaient exprimé des doutes sur ces quartiers de reconquête républicaine. Chacun a pu reconnaître qu’un effort inédit était réalisé, y compris en matière d’immobilier.

Avec les préfets et les procureurs, nous sommes en train d’installer des cellules de lutte contre les trafics ayant pour ambition, par une action entre forces de police et magistrats, de démanteler des réseaux de trafics de stupéfiants qui cause la mort de tant de femmes et d’hommes parmi les consommateurs mais qui amène à une montée des violences inouïe, où l’on se bat aujourd’hui à la kalachnikov pour la conquête des territoires.

Dans les prochaines semaines, j’irai dans chacun des 30 quartiers, à Lille et Tourcoing, à Montpellier, à Marseille, à Pau, à Bordeaux. Bref, dans chacun de ces quartiers, pour m’assurer que partout effectifs et matériel sont bien en place.

Pour pouvoir tenir cet engagement, il fallait des budgets adaptés. Et dans la période de rareté de l’argent public, nous avons obtenu des financements extrêmement importants. +350 millions par rapport à 2018, qui était lui-même un budget en augmentation significative par rapport à 2017.

Croyez-moi, il fallait se battre pour emporter les arbitrages. Et cela demandait de ne pas avoir la tête ailleurs.

Il fallait par ailleurs montrer au Ministère de l’Action et des Comptes Publics que nous étions en train de nous réformer nous-mêmes.

J’ai découvert, au cours des mois passés, que nul n’avait une vision consolidée des budgets du Ministère et que nous travaillions en silos totalement étanches, ce qui n’est jamais gage d’efficacité. J’ai donc œuvré pour que le Secrétariat Général puisse avoir une vision globale des budgets de l’ensemble des directions, ce qui aujourd’hui permet d’avoir un tableau de bord mensuel de l’exécution des dépenses et donc de savoir où nous en sommes, tant pour le fonctionnement que pour l’investissement.

Des économies étaient à réaliser. Par la mutualisation, par la substitution de personnels administratifs aux effectifs policiers de manière à permettre à ceux-ci d’être davantage sur le terrain, cela se met progressivement en œuvre.

J’ai par ailleurs pu constater que, par le passé, nous démultiplions souvent les mêmes projets dans les différentes maisons, que le numérique était éclaté en plusieurs services, que sur les achats nous pourrions réaliser des économies fortes en travaillant ensemble dans une même direction. Cela aussi va se mettre en œuvre. Pour moi la réforme, ce n’est pas le coup de rabot qui se traduit fatalement par la dégradation de travail des personnels, ou par la diminution du service public, mais c’est la capacité à adapter sans cesse nos structures à l’évolution de la société et donc aux demandes de nos concitoyens et de profiter toujours plus des nouvelles technologies.

Réformer, c’est aussi travailler main dans la main avec le Ministère de la Justice, ce qui, on me l’accordera, est une nouveauté, pour prendre en compte un certain nombre de revendications qui étaient celles des forces depuis des années. Et dans la loi que présentera dans quelques semaines la Garde des Sceaux, ma collègue Nicole Belloubet, quelques-unes de vos grandes attentes seront satisfaites

  • suppression de l’obligation de présentation des personnes gardées à vue après 24 heures
  • allongement de la durée de l’enquête de flagrance, pour tous les délits et crimes passibles d’une peine d’au moins trois ans,
  • mise en place de l’habilitation unique pour les officiers de police judiciaire,
  • habilitation des médecins légistes à placer sous scellés, ce qui pourra dispenser les OPJ d’assister aux autopsies,
  • rétablissement de la possibilité de pénétration forcée dans un lieu privée pour y interpeller un mis en cause,
  • possibilité pour les agents de police judiciaire de procéder à des contrôles d’alcoolémie ou d’usage de stupéfiants,
  • possibilité accrue de mener des enquêtes sous pseudonyme
  • et bien sûr forfaitisation de certaines infractions.

Oui, cela va changer les choses dans la réalité du travail des forces de sécurité et de vous-mêmes, officiers de police.

Et nous n’en sommes qu’au début puisque nous sommes en train de travailler sur la procédure pénale numérique, qui s’appuiera sur une signature électronique des échanges sécurisés entre policiers et magistrats.

Autre sujet évidemment au cœur de mes préoccupations parce qu’elle est partagée par tous les Français : la menace terroriste.

Pour y faire face, j’ai là aussi voulu que nous augmentions les effectifs tant de la DGSI que du renseignement territorial. 2000 recrutements sur le quinquennat. Sur le plan technologique, nous avons engagé une montée en gamme sans précédent : budget en augmentation de +18%. Nous avons pris les dispositions législatives pour pouvoir sortir d’un état d’urgence dans lequel la France était depuis 23 mois sans pour autant abaisser le niveau de protection. Ce fut l’objet de la loi SILT. C’est elle qui aujourd’hui, nous permet par exemple d’organiser tous nos grands événements.

Par ailleurs, dans la droite ligne de l’initiative prise par le Président de la République en marge d’une réunion de l’ONU, j’ai personnellement porté auprès du Commissaire Julian King la volonté d’aboutir à un retrait en ligne des contenus à caractère terroriste. La Commission a élaboré un projet de directive qui sera présenté devant le Parlement avant la fin de la mandature.

***

Mesdames et Messieurs,

Cette énergie que je consacre à défendre depuis seize mois à défendre le Ministère de l’Intérieur, elle – croyez-moi – la même dans les prochains mois.

On me dit que, parce que j’ai annoncé qu’après les élections européennes, je serai candidat dans ma ville, j’aurais la tête ailleurs. Pour ce qui me concerne, même si cela peut créer quelques tumultes, je préfère toujours la transparence.

J’annonce toujours ce que je vais faire et je fais toujours ce que j’ai dit. C’est comme cela que je conçois l’engagement politique.

On a pu parler, à cette occasion, de Ministre intérimaire. Permettez-moi de vous dire, que, par définition, tous les Ministres intérimaires.

Pour ma part, j’ai simplement souhaité clarifier les choses. Parce que ce qui moi me paraîtrait choquant, c’est d’utiliser jusqu’au bout mes fonctions pour faire campagne dans ma ville. Je ne pratique pas le mélange des genres.

Sachez simplement que ma détermination, ma volonté sont toujours aussi grandes pour faire bouger ce Ministère et plus largement pour qu’ensemble, au Gouvernement, nous prenions les bonnes décisions, pour changer la vie de nos concitoyens.

Il m’arrive même de défendre des positions assez proches de celles de la CFDT. Vous le savez, la volonté réformiste peut être parfois difficile à porter face à tous les conservatismes et à toutes les démagogies.

Mais elle m’est toujours apparue, tout au long de mon parcours, comme le seul moyen de transformer réellement la vie quotidienne de nos concitoyens.

Merci, cher Jean-Marc Bailleul, de m’avoir accueilli.

Et je suis sûr que dans les prochains mois, nous continuerons d’avoir, sur tous les sujets, un dialogue constructif.

Je vous remercie.