Cérémonie de naturalisation au Panthéon

Cérémonie de naturalisation au Panthéon
10 novembre 2017

Allocution de M. Gérard COLLOMB, Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur, à l'occasion de la cérémonie de naturalisation qui s'est déroulée au Panthéon le 9 novembre 2017.

- Seul le prononcé fait foi -

Monsieur le Préfet de Police,

Monsieur le Représentant de la Maire de Paris, Conseiller municipal du 5 e arrondissement, M. Alexandre BAETCHE

Monsieur l’Administrateur du Panthéon au sein du Centre des monuments nationaux, M. David MADEC

Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur d’être parmi vous ce matin ici, en haut de la montagne Sainte Geneviève, dans ce sanctuaire de la mémoire collective française qu’est le Panthéon.

Des cérémonies de naturalisation, il s’en organise chaque année des dizaines dans nos préfectures et sous-préfectures, pour fêter l’entrée dans la communauté nationale des personnes qui font le choix de devenir Français.

Mais le fait que celle-ci se déroule dans ce monument confère évidemment à ces instants une solennité particulière.

Car ici, souffle l’esprit de ceux qui ont façonné l’Histoire de notre pays.

Ici, souffle l’esprit de ceux qui ont fait que la France est une nation à part.

Ici souffle l’esprit de grandes femmes, de grands hommes, dont le parcours, l’engagement, font qu’aujourd’hui vous pouvez être fiers de devenir Français.

Acquérir la nationalité dans ce lieu unique est donc de ces moments que, dans une existence, on n’oublie pas.

Aussi, je mesure pleinement l’émotion qui est la vôtre en cet instant.

Cette émotion, je la partage avec vous, avec l’ensemble de vos proches ici présents.

Car pour le ministre de la République que je suis, accueillir de nouveaux compatriotes dans la communauté nationale constitue également un moment très fort.

***

Mesdames et Messieurs,

Vous êtes aujourd’hui plus de 200.

200 femmes et hommes aux origines, aux parcours, aux horizons divers.

Vous venez du Canada, des Philippines, de Tunisie, du Togo, d’Algérie, d’Australie, du Pérou, vous venez des quatre coins du monde.

Vous vous appelez Sarah, Maribel, Mourad, Anna-Maria, Béatrice, Mohamed, Alice, John.

Vous avez 30, 59, 28, 37, 74, 29, 38, 33 ans, car il n’y a pas d’âge pour choisir la France.

Notre pays, certains parmi vous l’ont rejoint initialement pour des considérations professionnelles.

D’autres, persécutés dans leur nation originelle, y ont trouvé refuge, et c’est la grandeur de la France que de les avoir accueillis.

D’autres encore se trouvent sur notre sol pour des raisons plus personnelles, souvent parce que vous avez rencontré ici l’être cher.

Mais tous, alors même que vous auriez pu continuer à vivre ici sous le statut de résident étranger, vous avez fait le beau, le noble choix, de devenir Français.

Cette décision, sachez que le gouvernement l’accueille avec joie et bienveillance.

Nous savons en effet que si la France est un grand pays, c’est parce que, dans son Histoire, elle n’a cessé de s’enrichir de l’apport d’individus qui n’étaient pas nés sur son sol.

Les exemples sont nombreux de personnalités qui, de Guillaume APOLINNAIRE à Milan KUNDERA dans le champ littéraire, de Joséphine BAKER à Charles AZNAVOUR dans le champ musical, ont contribué à faire briller la France alors même qu’ils n’y étaient pas nés.

Comment ne pas évoquer également ces millions d’anonymes qui, au moment de la révolution industrielle, à la suite de deux guerres mondiales, se sont engagés dans nos usines, contribuant à façonner la prospérité du pays ?

Mais ici, au Panthéon, je tiens à mentionner une femme, qui, née polonaise, naturalisée française à la suite de son mariage avec Pierre, fut l’une des plus grandes scientifiques du XXème siècle.

Je veux évidemment évoquer Marie CURIE, qui rejoignit la France par amour de la science, parce que, pensait-elle, c’était à la Sorbonne qu’on pouvait l’étudier le mieux.

Durant l’ensemble de son parcours jalonné par de grandes découvertes, par deux Prix Nobel, par de nombreux voyages pour diffuser son savoir à l’étranger étranger, Marie CURIE ne renonça jamais à ses origines polonaises.

Et pourtant, elle se révéla absolument patriote, passionnément française.

Oui, patriote.

Au point de s’engager au péril de sa vie, durant la Première Guerre mondiale, pour ouvrir un centre de radiographie où furent opérés tant de soldats blessés de sa patrie d’adoption.

Marie CURIE était patriote, et c’est en reconnaissance de ses engagements multiples pour notre pays qu’elle devint la première femme à entrer, ici, au Panthéon.

Voilà, Mesdames et Messieurs, la grande histoire dans laquelle vous vous inscrivez aujourd’hui.

Celle de femmes et d’hommes qui n’ont jamais renié leur identité, leur culture, leurs origines.

Mais qui ont mis tout leur talent, leurs savoir-faire, et finalement leur vie, au service de la France.

***

Il est d’usage, à l’occasion de telles cérémonies, de rappeler les droits et les devoirs vous incombant en tant que citoyens français.

Les devoirs, le parcours que vous avez suivi dans le cadre des contrats républicains d’intégration vous a permis de les intégrer.

Il y a bien sûr le respect des lois.

Dans notre République, elles seront toujours supérieures aux règles particulières des communautés.

Le respect des lois, mais aussi, pour reprendre une formule chère à un des grands auteurs des Lumières, MONTESQUIEU, de l’esprit des lois.

Car au fondement de notre droit il y a ces valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité aussi, qu’en tant que citoyen français, vous avez désormais le devoir de pratiquer et de défendre.

Devoir également que la maîtrise de notre langue, cette belle langue française dont Albert CAMUS écrivait qu’elle était « sa patrie ».

Elle constitue depuis 1539 et l’ordonnance de Villers-Cotterêts, le ciment qui unit les Français.

Elle est la clé, votre clé pour vous ouvrir aux autres, pour nouer des liens, pour faire pleinement partie de notre communauté nationale.

Elle est aussi une fenêtre vers cette culture incomparable qu’est la culture française.

Une culture riche, foisonnante, rayonnante, une culture qui contribue à faire de notre pays une nation aimée et respectée partout dans le monde.

Vous avez donc des devoirs.

Mais la nationalité française vous octroie aussi des droits.

À commencer par le droit de vote, traduction concrète de ce suffrage universel que notre pays fut, par le passé, le premier à introduire.

C’est l’exercice de ce droit qui vous permettra de prendre toute votre part à notre destin collectif, aux grands choix d’avenir de notre pays.

Quant aux autres droits que vous acquerrez aujourd’hui, ils se résument en ce beau et grand concept des « droits de l’Homme » que, là encore, notre Nation a offert à tous les peuples du monde, elle qui dès 1789 promulgua la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, elle qui en 1848 fut la première à abolir l’esclavage, elle qui en 1946 fut à la pointe de la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Devenir Français, c’est donc réaffirmer sans cesse ces devoirs et ces droits, qui sont au fondement de notre Nation.

Ernest RENAN écrit : « la Nation est un plébiscite de tous les jours. » Et c’est vrai : la nation est faite de l’adhésion sans cesse renouvelée de tous les citoyens.

Mais, RENAN écrit aussi que la Nation est « une âme, un principe spirituel », que ce qui nous lie à elle, c’est « d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. »

Et c’est vrai : la nation française, ne se limite pas à la stricte application de droits et de devoirs.

La France, c’est bien plus que cela.

La France c’est un projet.

La France c’est une volonté.

La France c’est un mouvement.

La France au fond, c’est une aspiration permanente au progrès, à l’universel, une aspiration qui, dans l’Histoire, a conduit notre peuple à concourir à l’émancipation de l’humanité tout entière.

C’est pourquoi, en choisissant d’être Français, c’est aussi cette grande cause du progrès que vous embrassez.

Ainsi vous inscrivez-vous dans les pas d’un Jean-Jacques ROUSSEAU, dont la présence dans ce Panthéon nous rappelle qu’être Français, c’est se reconnaître dans la République sociale, qui organise la solidarité entre les citoyens, qui fait en sorte de ne laisser personne au bord du chemin.

Ainsi rejoignez-vous les combats d’un Victor HUGO. Combat pour l’abolition de la peine de mort, dès les années 1830. Combat pour l’école laïque et obligatoire. Combat inlassable pour la liberté et l’émancipation humaine.

Vous suivez également la voie tracée par un Jean MONNET qui, sur les cendres de la Première Guerre mondiale, posa les bases du multilatéralisme et, sur celles de la Seconde Guerre mondiale, contribua à unir les peuples du continent dans la construction européenne. Son œuvre de paix constitue notre héritage à tous.

Vous vous inclinez devant l’esprit de Résistance d’un Jean MOULIN qui, alors que tout semblait perdu, choisit au nom d’idéaux auxquels il ne renonça jamais - pas même sous la torture - de rejoindre à Londres le Général de Gaulle, parce qu’il pensait que même battue, la France devait continuer à vivre.

Vous embrassez enfin les causes défendues par Simone VEIL, qui rejoindra dans les mois à venir ces hommes illustres que je viens de citer.

Simone VEIL, et son engagement ininterrompu pour les droits des femmes, pour l’égalité des sexes.

Simone VEIL et son inlassable lutte pour construire, comme Jean MONNET auparavant, une Europe de la Paix.

Mesdames et Messieurs,

C’est tout cela être Français !

Et si j’évoque en ce jour ces grandes femmes, ces grands hommes, c’est pour que vous n’oubliez jamais le sens profond de votre choix.

Oui, n’oubliez jamais qu’être Français c’est reconnaître ces figures qui nous entourent ici au Panthéon comme des héros. (« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », pour reprendre la formule consacrée.)

N’oubliez jamais qu’être Français, c’est savoir dépasser son intérêt particulier pour accéder à l’universel.

N’oubliez jamais qu’être Français, c’est éprouver un attachement viscéral à la grande idée de progrès.

Mesdames et Messieurs,

À nouveau, je vous souhaite la bienvenue dans notre belle nation.

Puissiez-vous, au cours de votre existence, porter haut les idéaux de notre République.

Puissiez-vous contribuer à faire vivre les valeurs de votre nouveau pays, la France.

Je vous remercie.