Discours de Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, du 7 juin 2016 à Lognes
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Préfet de Police,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Directeur central de la Sécurité publique,
Monsieur le Directeur central de la Police aux Frontières,
Madame la Directrice des Ressources et des Compétences de la Police nationale,
Monsieur le Directeur de la Coopération internationale,
Mon Général (Sous-directeur Défense, Ordre public, Protection – DGGN),
Monsieur le Président d’Euro 2016 SA,
Madame et Messieurs les représentants de la Fédération française de Football,
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes maintenant à la veille du début de l’Euro 2016 – le premier match aura lieu dans trois jours –, et tout a été fait pour que cet événement d’ampleur internationale, cette grande fête populaire, puisse se dérouler dans des conditions optimales de sécurité, aussi bien dans les stades que dans les « fan zones » et dans les infrastructures de transports.
Je rappelle que cette 15e édition rassemblera pas moins de 2,5 millions de spectateurs dans les stades, dans dix villes de France, du Nord au Midi. Plus de 8 millions de supporters sont attendus, dont 2 millions d’étrangers.
C’est donc là un événement exceptionnel, lequel se tiendra dans un contexte lui aussi exceptionnel, puisque la menace terroriste à laquelle nous sommes confrontés demeure toujours à un niveau très élevé.
Néanmoins, malgré cela, il est très important que l’Euro 2016 ait lieu, car personne ne saurait nous empêcher de vivre normalement, comme nous l’entendons, ni de célébrer les belles valeurs de la fraternité humaine qui sont aussi celles du sport.
La France doit rester la France, et c’est la raison pour laquelle l’Euro 2016 se tiendra. Nous devons montrer ce que nous sommes : un peuple fort, solide dans l’épreuve, un peuple résilient et fier de lui-même.
Plus que jamais, nous devons montrer que nous avons confiance dans les valeurs qui sont les nôtres, les valeurs de la République et celles de la démocratie. Dans les temps troublés que nous traversons, nous devons rester unis, et non pas nous diviser dans de médiocres polémiques politiciennes en instrumentalisant les peurs des Français en cédant à la menace des terroristes. Le devoir de celles et ceux qui assument la charge du gouvernement de la France, comme de ceux qui aspirent à l’exercer, consiste à créer les conditions de l’unité nationale, de l’apaisement et de la solidarité. J’en appelle ainsi au sens de l’Etat chez toutes celles et ceux qui exercent des responsabilités de nature politique, quelles qu’elles soient.
A cet égard, je veux rappeler qu’entre 2007 et 2012, des engagements ont été pris par le gouvernement de notre pays pour que la France accueille l’Euro 2016. Ces engagements, ils ont eu raison de les prendre, et ces engagements, nous allons les tenir, avec toute la force de la République. De la République rassemblée autour de la volonté de réussir un grand évènement de portée mondiale. Comme nous nous sommes rassemblés pour réussir la COP 21 à laquelle certains nous invitaient à renoncer.
Ayons confiance en nous. Soyons à la hauteur de nous-mêmes. Prouvons que nous sommes capables d’organiser sur notre sol, en dépit du contexte de menaces que chacun connaît, un événement aussi important que l’Euro 2016. Et, après l’Euro, il y aura le Tour de France, et, peut-être, les Jeux olympiques en 2024 et l’Exposition universelle en 2025. Nous ne pouvons pas nous arrêter de vivre en peuple libre. Nous ne pouvons pas renoncer à être nous-mêmes, fiers de ce que nous sommes, des valeurs que porte le message séculaire de la France face aux peuples du monde.
Voilà pourquoi, le Président de la République a voulu que se tienne l’Euro 2016.
Et voilà pourquoi, aussi, nous mettons les moyens nécessaires pour que cette grande compétition sportive se déroule dans les meilleures conditions qui soient.
A la menace terroriste, s’ajoute également le risque que représentent les éventuelles violences provoquées par les hooligans. Face à cela, je rappelle que le travail préventif de contrôle aux frontières, par les agents de la Police aux Frontières et les autres forces de sécurité, est déterminant. Depuis le 13 novembre dernier, un peu plus de 35 millions de personnes ont été contrôlées, à l’entrée et à la sortie du territoire national, sur l’ensemble de nos frontières terrestres, aériennes et maritimes. Plus de 18 000 individus ont été refoulés à l’entrée du territoire. Ce travail, très utile pour éviter l’entrée d’individus potentiellement dangereux, va bien évidemment se poursuivre, en lien étroit avec nos partenaires européens, eux aussi mobilisés à nos côtés.
L’Euro 2016 bénéficie donc d’un dispositif de sécurité exceptionnel. La mobilisation des services de l’Etat est totale, aux côtés des villes-hôtes et des organisateurs, dans un esprit de coopération et de responsabilité partagée. La sécurité de l’Euro 2016 est en effet une véritable coproduction entre ces trois partenaires.
Comme je l’ai annoncé le 25 mai dernier, plus de 77 000 personnels du ministère de l’Intérieur seront mobilisés : 42 000 policiers – dont 25 000 de la Sécurité publique, 5 000 de la Police aux frontières, 2 000 CRS et 10 000 policiers de la Préfecture de Police –, ainsi que 30 000 gendarmes, 5 200 personnels de la sécurité civile, dont 2 500 sapeurs-pompiers et 300 démineurs. De surcroît, une partie des 10 000 militaires de l’opération Sentinelle seront spécifiquement affectés à la sécurisation de l’Euro, notamment dans les principales infrastructures de transports.
Par ailleurs, je rappelle que les forces d’intervention spécialisées de la Police et de la Gendarmerie nationales, le RAID et le GIGN, seront à pied d’œuvre dans les stades comme aux abords immédiats de chaque « fan zone » pour intervenir sans délai à la moindre menace.
Comme vous le savez, les agents de l’Etat ne seront pas les seuls à être mobilisés. Ainsi, 13 000 agents de sécurité privée seront déployés pendant toute la durée de la compétition, au côté des 1 000 bénévoles des associations de secourisme. Les maires des villes-hôtes pourront par ailleurs mobiliser, s’ils le souhaitent, les effectifs de police municipale et les agents de surveillance de la voie publique de leur commune pour compléter le dispositif.
Au total, ce sont donc plus de 90 000 personnes, agents de l’Etat, des collectivités locales, personnels de sécurité privée et bénévoles, qui assureront ensemble la sécurité de l’Euro 2016. C’est là un effort sans précédent.
Aujourd’hui, je vous annonce que celui-ci est complété par la mise en œuvre d’un dispositif spécifique en matière de coopération européenne et internationale.
Ce dispositif repose sur deux piliers complémentaires.
Tout d’abord, nous inaugurons aujourd’hui un Centre de Coopération policière internationale (CCPI), qui assumera, à l’échelon central, une fonction opérationnelle de commandement et de transmission de l’information durant toute la durée de la compétition. Ensuite, 180 policiers originaires des pays participant à la compétition sont venus, depuis hier, renforcer les effectifs de la Sécurité publique. Je veux leur souhaiter la bienvenue et les remercier très chaleureusement pour l’aide importante qu’ils nous apportent.
Parmi eux, une cinquantaine d’officiers de liaison – deux par délégation – sont affectés au Centre de Coopération policière internationale (CCPI), jusqu’au 10 juillet, date de la fin de l’Euro. Spécialistes de la gestion des grands événements européens et internationaux, ils auront pour principale mission de nous transmettre toute information utile liée au déplacement des supporters étrangers sur notre territoire. Bénéficiant d’une connaissance précise des violences liées à leurs supporters respectifs, ils pourront nous aider à anticiper et à prévenir les troubles éventuels que ces derniers seraient susceptibles de provoquer à l’occasion de l’Euro. Les diagnostics de sécurité qu’ils produiront seront bien entendu transmis aux autorités centrales comme aux autorités locales en charge des services d’ordre.
Ces officiers disposeront d’une liste parfaitement à jour de leurs ressortissants interdits de stade et pouvant être à l’origine de troubles à l’ordre public. Ils seront en relation permanente avec leur administration d’origine, qui leur transmettra toute information nécessaire et à qui ils rendront compte régulièrement du déroulement des opérations et des événements. Ils travailleront également en étroite liaison avec les membres de leur délégation déployés dans les villes-hôtes.
En outre, ils veilleront, dans le respect de leur législation nationale, à répondre, dans les meilleurs délais, à toute demande d’information complémentaire de notre part, dès lors que celle-ci concerne l’un de leurs ressortissants interpellé par nos services et faisant l’objet de poursuites judiciaires.
J’ajoute qu’en plus des officiers de liaison européens, le Centre de Coopération policière internationale (CCPI) accueillera des effectifs de la Gendarmerie nationale, de la Préfecture de police de Paris, ainsi que des organisations internationales de police telles qu’Interpol et Europol. Ces deux dernières institutions disposent en effet d’une expertise reconnue et particulièrement précieuse en matière d’analyse criminelle et de soutien opérationnel lors de grands événements sportifs de dimension internationale. C’est la raison pour laquelle elles nous prêteront leur concours à l’occasion de cet Euro 2016.
Par ailleurs, parmi les 180 policiers européens qui sont arrivés hier, 130 seront déployés dans l’ensemble des villes-hôtes, en renfort de nos propres effectifs. Egalement spécialisés dans la gestion des supporters et l’identification des individus à risques, ils constitueront des équipes mobiles, lesquelles seront chacune composées de 6 fonctionnaires de police. Ces dernières auront pour mission de suivre leurs supporters respectifs, le temps que durera le parcours de leur sélection nationale dans la compétition.
Placés sous l’autorité du Centre de Coopération policière internationale et mis à la disposition des Directions départementales de la Sécurité publique, ces effectifs seront armés et patrouilleront en uniforme dans l’enceinte des stades et à leurs abords – ils auront notamment accès aux tribunes –, mais aussi dans les « fan zones », ainsi que dans les aéroports et les gares, en fonction des besoins opérationnels.
Ils seront en permanence accompagnés par les correspondants territoriaux de la Division nationale de Lutte contre le hooliganisme, lesquels seront leurs interlocuteurs privilégiés si une difficulté d’ordre pratique venait à se présenter.
Ces policiers apporteront une aide à la décision auprès des autorités territorialement compétentes, ainsi qu’une assistance dans la gestion des supporters étrangers présents sur le ressort de la DDSP. Ils seront en effet en mesure d’identifier les supporters à risques et par conséquent d’alerter les autorités locales de leur présence. Ne disposant certes d’aucune prérogative judiciaire, ils apporteront néanmoins une aide technique aux enquêteurs en cas d’interpellation.
Pour compléter cette action, le Gouvernement a pris plusieurs mesures administratives d’opposition à l’entrée en France visant des supporters violents interdits de stade dans leur propre pays. A ce jour, pas moins de 2.355 fiches d’interdiction du territoire ont été inscrites dans le fichier des personnes recherchées. En outre, 24 interdictions administratives du territoire ont d’ores et déjà été délivrées contre des hooligans considérés comme particulièrement dangereux. Combinées à l’intervention des policiers européens, ces décisions contribueront à limiter nettement le risque d’affrontements entre supporters.
Je veux à présent profiter de l’occasion qui nous réunit pour redire un mot à propos des « fan zones ». Des objections ont en effet été formulées par celles et ceux qui considèrent qu’elles auraient dû être abandonnées. Je les entends, et je souhaite leur répondre.
Si nous avons fait le choix, avec les municipalités concernées, de mettre en place des « fan zones » dans les villes qui le souhaitaient, c’est précisément pour renforcer la sécurité des supporters en évitant qu’ils ne se dispersent sans protection dans des lieux ouverts et non contrôlés.
A l’inverse, comme je l’ai dit à plusieurs reprises au cours de ces dernières semaines, l’enceinte des « fan zones » sera, elle, parfaitement close, tandis que la vidéo-protection y a été particulièrement renforcée. Leurs accès seront très étroitement contrôlés, de telle sorte que tout spectateur cherchant à y pénétrer fera l’objet de palpations de sécurité et d’une inspection visuelle des sacs et autres effets transportés.
Je rappelle également que l’ensemble des personnels travaillant dans les « fan zones » comme dans les stades, ou bien y exerçant une activité de service, aura été criblé avant toute accréditation. Par ailleurs, des effectifs de police et de gendarmerie seront pré-positionnés aussi bien aux abords des stades qu’à la périphérie des « fan zones » pour y assurer l’ordre public et être en mesure d’intervenir immédiatement en cas de besoin.
Par conséquent, sauf événement ou menace circonstanciée, nous maintiendrons les « fan zones », selon un protocole de sécurité particulièrement strict.
C’est cette même exigence de sécurité qui m’a conduit à décider qu’en dehors des « fan zones », et notamment dans les agglomérations qui n’accueillent pas la compétition, la retransmission éventuelle des matchs se déroule dans des espaces clos dont l’accès pourra être contrôlé, tels que des stades, des salles omnisports, des salles de spectacles ou bien des parcs d’exposition. J’ai ainsi demandé aux préfets de se montrer particulièrement attentifs aux initiatives locales et d’interdire toutes celles qui ne respecteraient pas les prescriptions de sécurité.
Nous prenons donc les mesures qui s’imposent pour assurer la sécurité de l’Euro 2016, de même que nous nous préparons à répondre à toute menace susceptible d’advenir. Je rappelle ainsi qu’au cours des deux derniers mois, près de 30 exercices de simulation se sont déroulés sur le territoire national pour préparer les policiers, les forces d’intervention et les secours à faire face à tout type d’attaque terroriste.
Même si le risque zéro n’existe pas, nous prenons un maximum de précautions pour assurer la protection des Français et des supporters étrangers qui viendront assister à l’Euro.
Lors de la COP 21, la France a montré qu’elle était capable, en dépit du contexte, d’organiser et d’accueillir un événement de portée internationale, dans des conditions maximales de sécurité. A l’occasion de l’Euro 2016, nous voulons le démontrer à nouveau, avec l’aide de nos amis et partenaires européens. Je veux à nouveau remercier les 180 policiers ressortissants des pays participant à la compétition, ainsi que leurs Gouvernements respectifs qui ont accepté de nous apporter leur précieux concours pour relever ce défi.
C’est ensemble, main dans la main – Etat, villes-hôtes, organisateurs, partenaires européens –, que nous parviendrons à atteindre notre objectif commun : que l’EURO 2016 soit une parfaite réussite en termes de sécurité, et par là même un grand succès sportif et populaire. Bref, la grand-messe du football qu’il est évidemment et qu’il doit rester, envers et contre tout.
Je vous remercie.