Discours de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, lors de la Cérémonie de sortie de la 236e promotion d’élèves gardiens de la paix - Ecoles nationales de Police de Nîmes, Oissel, Périgueux, Saint-Malo, Roubaix, Sens et Reims Oissel – 2 juin 2016
- Seul le prononcé fait foi -
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Directeur général de la Police nationale,
Mesdames et Messieurs les directeurs et chefs de services de la Police nationale,
Monsieur le Directeur de l’Ecole nationale de Police de Oissel,
Mesdames et Messieurs,
L’entrée de jeunes policiers dans la carrière constitue par définition un événement important pour la Police nationale, pour l’Etat et pour la République. La cérémonie à laquelle vous participez aujourd’hui marque solennellement la fin de votre scolarité à l’Ecole nationale de Police, avant que chacun d’entre vous ne rejoigne très bientôt sa toute première affectation.
Le moment qui nous rassemble revêt une forte dimension symbolique pour vous, bien sûr, mais aussi pour moi. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis que je suis à la tête du ministère de l’Intérieur, je fais en sorte d’assister à de telles cérémonies de sortie de promotion, aussi souvent que les obligations liées à ma fonction m’en laissent la possibilité. Car, Mesdames et Messieurs, vous êtes la police de demain.
C’est donc une étape cruciale de votre vie que vous accomplissez aujourd’hui, en présence de vos familles et des plus hautes autorités de la Police nationale. Vous entrez enfin dans la vie professionnelle, après des mois d’une solide formation, mais, ce faisant, vous faites plus que choisir une carrière : vous embrassez une vocation. En effet, vous vous engagez à servir l’Etat de droit. Vous faites le serment de défendre jusqu’au bout les lois de la République, celles-là mêmes que le peuple français, dans le plein exercice de sa souveraineté, s’est données à lui-même. Vous serez ainsi les gardiens vigilants de la sécurité de nos concitoyens. Et par là même, vous serez les fermes garants du respect de leurs libertés. Comme les magistrats, les policiers et les gendarmes jouent un rôle indispensable au bon fonctionnement de notre société.
Aussi, soyez fiers du choix que vous faites. Désormais, Mesdames et Messieurs, vous êtes, vous aussi, des policiers.
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Cependant, vous entrez dans la carrière à un moment particulier de l’histoire de notre pays.
La France est en effet confrontée à une menace terroriste d’une gravité sans précédent sur notre sol. Face à cette menace, les forces de l’ordre se trouvent en première ligne. L’année dernière, lors des attentats qui nous ont frappés, des policiers et des gendarmes ont pris tous les risques pour accomplir leur mission, neutraliser les terroristes et protéger les Français. Certains d’entre eux y ont laissé la vie. Ils sont tombés en héros de la République, et leur sacrifice restera à jamais gravé dans la mémoire des Français.
De tels événements doivent nous conduire à réfléchir sur la signification profonde de votre engagement. Car, en dépit des risques consubstantiels à la vie de policier ou bien de gendarme, vous avez choisi, en conscience, de rejoindre les rangs de la Police nationale. Nombreux sont les jeunes gens et les jeunes femmes à avoir souscrit le même engagement que le vôtre. A la menace, vous avez choisi d’opposer votre détermination et votre amour de la République.
Elèves gardiens de la paix de la 236e promotion, cette décision vous honore. Elle témoigne du patriotisme et du sens de l’intérêt général qui vous animent.
Etre policier, est-ce un métier comme les autres ? Je ne le crois pas.
Etre policier, c’est défendre les valeurs de la République et s’engager au service des principes fondamentaux de liberté, d’égalité et de fraternité, qui font de nous un seul peuple.
Les Français d’ailleurs le savent bien, qui soutiennent les forces de l’ordre et les placent au premier rang des services publics auxquels ils accordent leur confiance. C’est là une source de fierté, bien sûr, mais c’est aussi une lourde responsabilité dont vous devrez vous montrer dignes en toutes circonstances, y compris dans les situations les plus difficiles.
Car être policier, c’est aussi s’engager à respecter scrupuleusement les lois de la République et les règles de l’éthique et de la déontologie. Le métier de policier est l’un des plus exigeants qui soient. Rien ne vous sera pardonné. Vous représentez la loi, vous incarnez la République : aussi, de votre part, nos concitoyens n’admettront aucun écart, nul manquement aux règles de droit. Dans l’exercice de vos fonctions, vous ne devrez jamais oublier que, du moindre de vos actes, l’institution tout entière sera jugée comptable.
Etre policier, c’est faire en sorte que nos concitoyens puissent vivre en toute sécurité et en toute tranquillité, et en particulier celles et ceux qui sont les premières victimes de la délinquance et qui, par là même, ont le plus besoin de cette protection.
Aussi, sachez que, en tant que policier, vous serez souvent, pour nos concitoyens, celui auquel on s’adresse en dernier recours, en désespoir de cause, face aux drames inévitables de la vie.
Etre policier, c’est donc également cela : intervenir quand d’autres seraient tentés de ne rien faire ; faire face quand d’autres seraient tentés de se cacher ; écouter et comprendre quand certains préfèrent détourner les yeux et passer leur chemin. Vous serez les sentinelles de la République. Vous serez ceux grâce auxquels, contrairement à ce qui s’écrit parfois paresseusement, il n’existe pas en France de zones de non-droit.
C’est également se trouver confronté aux misères et aux noirceurs inhérentes à toute société. C’est percevoir l’envers des choses humaines et la distance qu’il peut y avoir entre les apparences sociales et les réalités qu’elles cachent parfois. Comme le disait CAMUS, un policier est « au centre des choses ».
Enfin, être policier, comme je l’ai dit, c’est accepter le risque et la possibilité du sacrifice. Rares sont, en réalité, les professions dont ceux qui les embrassent savent qu’ils exposeront leur vie pour le bien commun. Les militaires, les sapeurs-pompiers et bien évidemment les policiers et les gendarmes, appartiennent à cette aristocratie républicaine du courage. Le Premier ministre l’a rappelé il y a quelques semaines : « les policiers sont aux avant-postes de la République. 24 heures sur 24, 365 jours par an, ils exposent leur vie au quotidien ».
Car, oui, ce risque ne s’éprouve pas seulement dans les situations de crise. Il est une réalité de chaque jour. Le sacrifice du lieutenant Noam BOULANGER, dont votre promotion porte le nom et qui comme vous avait fait ses classes au sein de l’Ecole nationale de Police de Oissel, nous le rappelle. En effet, à l’aube de ses trente-six ans, ce policier a trouvé la mort en service. Il était alors en fonction depuis onze mois à la CRS autoroutière Sud francilienne quand il a été appelé, dans la nuit du 26 juillet 2014, à intervenir sur l’autoroute A6 en raison de la présence d’une voiture abandonnée sur la voie. Malgré leur très grande vigilance, lui et son collègue, alors qu’ils étaient en train d’installer les dispositifs de signalisation, furent violemment renversés par un camion.
Aujourd’hui, devant vous, je souhaite exprimer à nouveau à sa famille, à ses deux enfants, Alyssa et Styvan, toute ma compassion. Que votre promotion garde en mémoire le sacrifice du lieutenant Noam BOULANGER, mort en policier, au service des autres, pour protéger d’autres vies.
Sachez que je mesure pleinement les exigences qui s’attachent à votre métier.
C’est la raison pour laquelle je n’accepterai jamais que quiconque puisse remettre en cause, sans raison aucune, votre engagement, celui de femmes et d’hommes tels que vous, qui, pour nous protéger, s’exposent eux-mêmes au danger. Ils ont droit à notre estime, à notre profonde gratitude et à notre admiration.
Et c’est aussi la raison pour laquelle les violences commises à leur encontre ne doivent jamais rester impunies. La justice doit ainsi passer avec la plus grande sévérité. Tous ceux qui s’en prennent aux représentants de la loi et de l’ordre, tous ceux qui défient l’autorité légitime de l’Etat, doivent savoir que la République sera intraitable avec eux et qu’elle les rattrapera.
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Je l’ai dit : vous embrassez la carrière de policier alors que notre pays est confronté à de nouvelles menaces et à des violences d’origines multiples. La mondialisation entraîne aussi l’apparition de nouvelles criminalités, ou bien la transformation de celles auxquelles nous étions jusqu’à présent habitués.
J’ai déjà évoqué le terrorisme djihadiste, dont nous savons désormais qu’il recrute certains de ses activistes au sein même de notre société et qu’il recourt, depuis les attentats de l’année dernière, à des modes opératoires jusqu’alors inédits sur notre sol. Les assassinats isolées par arme de poing ou arme blanche ont fait place à des attentats de masse, commis à l'arme de guerre, que les réseaux de la criminalité organisée n'hésitent d'ailleurs plus, eux-mêmes, à utiliser. En outre, le 13 novembre dernier, pour la toute première fois sur notre sol, des attentats ont été perpétrés au moyen de ceintures d'explosifs.
Mais il y a aussi bien sûr, toujours, la lutte contre les formes plus quotidiennes de délinquance et de criminalité. D’abord parce que les violences contre les personnes et les atteintes contre les biens constituent une source d’inquiétude, et parfois d’angoisse très vive, pour nombre de nos concitoyens. Nous devons apporter à ceux qui risquent de subir cette délinquance, sans pouvoir s’y soustraire, la protection de l’Etat.
Ensuite parce que cette délinquance « ordinaire » est elle-même en pleine évolution. Qu’il s’agisse de trafic de stupéfiants, de trafic d’armes, de réseaux de prostitution et d’immigration irrégulière, ou même de cambriolages ou de vols de véhicules, elle revêt de plus en plus souvent une dimension internationale, qui accroit sa dangerosité et rend sa répression plus complexe.
Dans le contexte troublé que nous connaissons, tous les Français, où qu’ils vivent, ont tous droit à la sécurité et à la tranquillité. Et ma responsabilité consiste précisément à vous donner, comme à l’ensemble des forces de sécurité, les moyens d’accomplir votre mission dans les meilleures conditions d’efficacité et de sécurité possibles.
C’est la raison pour laquelle, depuis 2012, nous avons relancé la politique de création d’emplois au sein de la Police et de la Gendarmerie nationales, avant d’initier, l’année dernière, trois grands plans supplémentaires de recrutement. D’ici la fin du quinquennat, ce sont donc 9 000 policiers et gendarmes en plus qui viendront renforcer les services et les unités de sécurité intérieure. Chaque année, en 2016 et en 2017, plus de 4 600 gardiens de la paix sortiront des écoles de police, alors qu'ils n’étaient que 488 en 2012. C’est là un effort sans précédent, et nous l’accomplissons en parallèle pour la gendarmerie.
A cet égard, le succès que rencontre le concours de recrutement exceptionnel de gardiens de la paix, actuellement en cours, témoigne des magnifiques réserves de courage et de patriotisme que possède le peuple français. Plus de 35 000 jeunes de toutes les régions se sont inscrits, comme vous l’avez fait, pour servir la France et la République. Un tel chiffre n'avait jamais été atteint jusqu’à présent.
Je tiens à en féliciter également la directrice des ressources et des compétences de la police nationale, Michèle KIRRY, qui a réussi un véritable exploit en organisant ces recrutements exceptionnels. Je compte sur elle pour contribuer également à la réussite de la grande réforme de la formation de la police nationale que j’évoquerai dans quelques instants.
La reprise des recrutements et des incorporations, indispensables pour remettre les services à niveau n’étaient bien sûr pas suffisants pour faire face aux nombreux défis qui sont devant nous. C’est pourquoi le gouvernement a donné les moyens juridiques aux services d’agir en faisant voter les lois de 2012, 2014 et 2015 sur le renforcement de la lutte anti-terroriste et le renseignement.
C’est aussi la raison pour laquelle, dans le cadre des différents plans que nous avons lancés, nous allons consacrer, cette année, plus de 264 millions d’euros au renforcement et à la modernisation des moyens et des matériels dont disposent les forces de l’ordre pour accomplir leurs missions.
C’est la raison pour laquelle, depuis le mois d’octobre dernier, nous mettons en œuvre le « Plan BAC-PSIG 2016 » sur l’ensemble du territoire national, un plan inédit et ambitieux de renforcement des capacités et des équipements des BAC dans les commissariats de police et des Pelotons de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie (PSIG) de type « Sabre ».
Enfin, c’est la raison pour laquelle, dans le cadre de l’accord historique signé, le 11 avril dernier, avec les instances représentatives des personnels de la Police et de Gendarmerie, nous consacrons 865 millions d’euros à la valorisation des conditions de travail, des compétences et des carrières des policiers et des gendarmes, tout en tenant mieux compte des sujétions qui s’attachent à leur métier.
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Dans ce contexte, j’ai décidé d'engager une importante réforme de la formation de la police nationale.
Le nombre des policiers de tous grades que l’Etat doit recruter, mais aussi l’évolution constante du métier de policier et des compétences qui sont nécessaires pour bien l’exercer, rendent aujourd’hui cette réforme indispensable à mes yeux.
Si l’on scrute le passé, on constate que c’est la République qui a veillé pour la première fois à la formation des policiers. Pour des raisons techniques, parce qu’il fallait déjà à l’époque s’adapter aux évolutions de la criminalité et aux débuts de la police scientifique et technique. Mais aussi pour des raisons politiques, parce que mes prédécesseurs du XIXème siècle pensaient qu’une police républicaine ne devait pas ressembler aux polices des régimes autoritaires. Et parce qu’ils se faisaient une haute idée des missions et des responsabilités des policiers.
Le préfet de Police Célestin HENNION, proche collaborateur de CLEMENCEAU, auquel nous devons la création de l’Ecole pratique des professionnelle des services actifs de la Préfecture de Police, en 1914, justifiait ainsi son projet : «L’intérêt bien compris d’une démocratie commande d’élever le niveau de la police et non de l’abaisser. L’homme qui peut tenir dans sa main la liberté, la réputation, la fortune d’un autre homme n’aura jamais l’âme trop haute, ni la conscience trop soucieuse d’équité. C’est à l’école de police que les fonctionnaires apprendront à penser par eux-mêmes, à comprendre l’importance de leurs fonctions et les services qu’elle peut rendre à la collectivité. »
Un siècle plus tard, les policiers français d’aujourd’hui doivent, à leur tour, être solidement formés aux questions de déontologie, instruits dans le respect des valeurs de l’institution qu’ils rejoignent. Ils doivent aussi être amenés à réfléchir sur les expériences douloureuses du passé, et en particulier sur les errements qui ont conduit une partie de la police de Vichy à prêter son concours aux projets criminels de l’occupant. C’est pourquoi, les stages ou les visites qu’effectuent par exemple, au cours de leur formation, les gardiens de la paix de la Préfecture de Police de Paris au Mémorial de la Shoah me semblent extrêmement utiles. D’autres partenariats mériteraient ainsi d’être noués, ailleurs en France, avec des institutions telles que Camp des Milles à Aix-en-Provence, ou les « Anneaux de la Mémoire » à Nantes, afin de réfléchir sur les valeurs qui doivent guider l’action de la police.
Les principes qui fondent une police authentiquement républicaine ne changent pas. Il convient donc avant tout de nous assurer de leur bonne transmission et compréhension.
Dans d’autres domaines, au contraire, l’évolution de la société, des techniques, de la législation en vigueur, doit nous amener à faire évoluer régulièrement les contenus de la formation des policiers. Cela vaut bien entendu pour la formation initiale et pour des matières « classiques » touchant à la procédure pénale ou à l’usage des armes. Cela vaut également pour des disciplines nouvelles, qui prennent une importance croissante avec les évolutions de la délinquance : les techniques informatiques indispensables à la surveillance des réseaux sociaux et à la lutte contre le cyber-crime ; la formation à la collecte du renseignement en milieu ouvert, compte tenu de l’évolution vers des formes plus diffuses de terrorisme ; ou encore l’apprentissage des langues vivantes qui tendra naturellement à se développer chez les policiers à mesure que la criminalité s’internationalise.
La police nationale, que vous venez de rejoindre, est donc une institution au sein de laquelle chaque agent doit être de plus en plus qualifié pour faire face à la diversité des enjeux sécuritaires auxquels les policiers sont désormais confrontés: délinquance, violences urbaines, troubles à l'ordre public, mais aussi terrorisme, cybercriminalité, trafic des êtres humains, violences intrafamiliales, violences faites aux femmes, racisme et antisémitisme...
Cette exigence vaut également, bien entendu, pour la formation continue. Les évolutions techniques et tactiques impliquent l'acquisition par les policiers de nouvelles compétences et le renforcement des formations qui leur sont offertes. Ainsi, la dotation des BAC en moyens de protection balistique supplémentaires et en fusils d'assaut HK G36, dans le cadre du plan BAC que j'ai mis en place, impose un effort systématique de formation des policiers de ces unités. De même, le schéma national d'intervention annoncé en avril, qui confie un rôle essentiel aux forces de deuxième niveau lors d'interventions dangereuses, nous oblige à mettre l'accent sur la formation de tous les policiers concernés. Autre exemple, la loi réformant la procédure pénale, que le Parlement a récemment adoptée, ajoute un nouveau cas particulier d'excuse pénale pour état de nécessité, afin de permettre aux forces de l'ordre de faire usage de leurs armes en cas de « périple meurtrier », lorsque des terroristes viennent de commettre un attentat, sont en cavale et sont susceptibles de tuer à nouveau des passants ou des otages. Les policiers et les gendarmes devront être précisément instruits de ce nouveau cas de figure, qui s’ajoute aux règles qui leur ont été enseignées en matière de légitime défense.
Plus généralement, songez enfin qu’un jeune gardien de la paix qui, comme vous, sort aujourd’hui de son école de police à l’âge de 20 ans pourra être encore en service actif dans les années 2050. Qui peut se faire une idée de ce que sera le métier de policier, votre métier, à cet horizon ? Il aura bien fallu que le jeune policier que vous êtes aujourd’hui se forme tout au long de sa carrière, pour répondre en 2050 à des menaces, pour utiliser des armes et pour maîtriser des techniques d’enquête dont nous ignorons tout.
C’est pour prendre en compte cet ensemble d’enjeux, dont vont directement dépendre l’efficacité de notre police et la sécurité des Français au cours des années et des décennies à venir, que j’ai voulu lancer ce grand chantier de la formation des policiers.
J’ai donc commandé à l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN) une étude sur ce sujet. Elle a d’abord fait le constat que la suppression de l’ancienne direction de la formation de la police nationale, décidée en 2010 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, avait favorisé un émiettement des structures de formation et avait amoindri considérablement notre capacité à concevoir, animer et coordonner une stratégie nationale de formation des policiers.
Sous l'égide de l'IGPN, des groupes de travail rassemblant des représentants des directions et de tous les acteurs de la formation de la police ont formulé des propositions de réforme que le directeur général de la police nationale m'a soumises. C'est à partir de cette contribution que j'ai décidé qu’il fallait absolument renforcer la cohérence et l’ambition de la formation initiale et continue des policiers. Et c’est pourquoi j’ai demandé au directeur général de la police nationale de préparer la création d'une nouvelle direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale.
Cette Direction unique permettra d’abord d’améliorer la cohérence de l’offre de formation qui est actuellement partagée entre de trop nombreuses structures. Elle aura donc les moyens de piloter la formation de tous les agents de la police nationale, du cadet de la République à l'inspecteur général. Elle exercera pleinement son autorité sur l'ensemble du réseau du recrutement et de la formation y compris sur le ressort de la préfecture de police, ainsi que sa tutelle sur l'ENSP. En effet, seule une approche globale de la formation destinée aux policiers garantira l'unité de la police, la qualité des enseignements dispensés, la compétence des agents et finalement la qualité du service rendu à la population.
Dirigée par un haut fonctionnaire de la police nationale, elle deviendra une direction de la police nationale au même titre que la sécurité publique, la police judiciaire, la police aux frontières. Par ailleurs, un comité de pilotage élargi devrait être mis en place afin de définir, au niveau du ministère, la stratégie de formation et la réponse à apporter aux questions qui peuvent se poser de façon ponctuelle.
Je confierai à cette direction la mission d’élaborer un « référentiel métier » qui détaille l'ensemble des missions confiées à un policier au sein de chaque spécialité (investigation, renseignement, ordre public) et dont puissent se déduire les besoins de formation de chacun. Ces « référentiels » n'existent en effet aujourd'hui que pour les officiers et les commissaires de police. Ils devront être définis pour les gardiens de la paix, afin de décrire très précisément les contours des missions qu’ils exercent aujourd'hui. En découleront des programmes de formation renouvelés et en adéquation avec les besoins que nous aurons identifiés.
Au-delà, je souhaite que l'ensemble des méthodes aujourd’hui utilisées en matière de formation des agents soient également évaluées, et modernisées en cas de besoin, y compris en ayant recours à des compétences pédagogiques extérieures à la police nationale.
Ainsi, si l'alternance entre l’école et l’exercice du métier sur le terrain demeure une méthode éprouvée, notre système de formation doit aussi mêler formation commune et parcours plus individualisés pour tenir compte des acquis de l’expérience, notamment pour les élèves issus des recrutements internes. Un adjoint de sécurité qui devient gardien de la paix pourrait, par exemple, bénéficier d’une formation initiale plus courte. Par ailleurs, la formation à distance (e-formation) doit être très fortement développée. Enfin, je souhaite également que les formations mutualisées, mêlant gardiens de la paix, officiers et commissaires, soient développées à l’avenir. Elles garantissent des enseignements identiques mais préparent surtout les différents corps à travailler ensemble, par exemple dans le cadre de missions de maintien de l’ordre.
Je tiens à rappeler à ce sujet que les missions de maintien de l’ordre, si nécessaires dans une démocratie, ne s’improvisent pas et doivent être confiés à des professionnels bien entraînés, maîtrisant ses techniques et instruits des principes déontologiques rigoureux qui sont ceux de la police comme de la gendarmerie. C’est grâce à leur professionnalisme et à leur courage que, dans un contexte social tendu et en dépit de la violence extrême manifestée à leur encontre par les groupes de « casseurs », le droit de manifester est aujourd’hui assuré en France. Je rappelle que plus de 500 policiers et gendarmes ont été blessés, parfois très grièvement, depuis le début des manifestations contre la loi travail et je veux leur rendre devant vous un hommage solennel.
Plus généralement, comme je l’ai dit, il est nécessaire de permettre aux agents, et en particulier aux gardiens de la paix, d'accéder dès le début de leur carrière, puis tout au long de celle-ci, à des actions de formation continue adaptées à leurs besoins. Les policiers doivent pouvoir se former à l'ensemble des évolutions techniques, juridiques voire sociétales qui conditionnent l’exercice de leur mission. Cette formation continue doit également tenir compte des retours d’expérience pour répondre aux besoins du terrain.
Or la formation continue n'est aujourd’hui réellement obligatoire que dans certains cas bien précis : pour obtenir une qualification obligatoire, comme celle de motocycliste, ou pour remplir des obligations statutaires, comme la pratique du tir par exemple. Ce caractère obligatoire devrait être renforcé pour mettre à jour les connaissances, maintenir un niveau d'expertise, tenir compte des spécificités des postes occupés. Il me semble que cette obligation, qui doit être perçue comme une chance par l’agent et par son service, pourrait prendre la forme de jours obligatoires de formation à prendre chaque année. Elle devra également accompagner les changements de grade ou de spécialité.
Enfin, la réforme de la formation des policiers passe sans doute également sur une plus grande ouverture de la police nationale vers l’extérieur. Aujourd’hui, comme le savez, la plupart des formateurs des policiers sont eux-mêmes des policiers. A l’avenir, il me semble que nous devrions non seulement avoir recours à des policiers issus du terrain et assurant des missions de formation temporaires, mais aussi créer des équipes pédagogiques mixtes afin de bénéficier du concours de formateurs venus de l’université ou de la société civile.
Cependant, si je juge nécessaire cette ouverture vers des savoirs et des pratiques pédagogiques extérieures à la police nationale, je crois aussi aux vertus de l’exemple et de la transmission des aînés vers les plus jeunes. Bernard DELEPLACE, qui fut longtemps une figure du syndicalisme policier, racontait que lorsqu’il avait rejoint la Préfecture de Police de Paris, chaque jeune gardien de la paix était placé pendant un an, jusqu’à sa titularisation, sous la supervision d’un ancien. « Sur le fond, racontait-il après coup, cette école était irremplaçable. L’ancien qui nous prenait en charge nous enseignait les tours de main, toutes ces ficelles et ces astuces qui font la vraie qualité du métier. C’était l’école du bon sens, celles des vieux soldats, des vieux grognards qui à l’époque formaient l’encadrement de la « tenue » parisienne. »
Il y a encore aujourd’hui, j’en suis convaincu, des trésors d’expérience au sein de la police qui méritent d’être valorisés. C’est pourquoi je crois également au développement du tutorat des jeunes policiers, dès lors que les tuteurs sont eux-mêmes formés à ce rôle et traités comme tels. Après une première expérimentation, le système du tutorat a été généralisé au sein de la sécurité publique en septembre 2015. Il me semble que ce système pourrait être étendu à tous les services.
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Elèves-gardiens de la paix de la 236ème promotion, encore une fois, je veux que vous soyez fiers du choix que vous avez fait, celui de servir la République et de servir la France.
Par votre action, vous saurez contribuer à la sécurité et à la liberté des Français.
A chacun et chacune d’entre vous, je souhaite une très belle carrière !
Vive la Police nationale !
Vive la République !
Vive la France !