La gendarmerie sur tous les fronts

La gendarmerie sur tous les fronts
8 août 2018

La Gendarmerie nationale est compétente sur 16 des 17 communes du département. Un contexte opérationnel de haute intensité dans un territoire offrant de nombreux challenges.


« Mayotte, c’est un département en ébullition permanente. En 2017, il y a eu seulement 20 jours de paix sociale ! » Le colonel Philippe Leclercq, commandant de groupement de la gendarmerie de Mayotte, mentionne une activité opérationnelle intense et unique : « On évolue dans un contexte à nul autre pareil ». Pour relever le défi, la gendarmerie dispose d’un peloton de sécurité et d’intervention (PSIG), une gendarmerie des transports aériens (GTA), une brigade nautique, une antenne GIGN, une section de recherche, une section aérienne (le seul hélicoptère de Mayotte), et les cinq brigades de gendarmerie départementale basées à Pamandzi à Petite-Terre, et Mamoudzou, Sada, Mzouazia et Mstamboro à Grande-Terre, le long de l’unique route littorale et des deux diagonales qui traversent l’île. Des unités de gendarmes mobiles sont également très sollicitées et se relèvent tous les trois mois, avec la possibilité d’être renforcées en période de crise.

« Pendant les sept semaines de conflits en mars et pour permettre le bon déroulement des élections législatives partielles, nous avons reçu deux pelotons de gendarmerie mobile de La Réunion, deux de Guadeloupe et deux escadrons SERVAL* », précise le colonel Leclercq. Les escadrons SERVAL sont en posture d’alerte en vue de déploiement non-planifiés en outre-mer.

Au quotidien, c’est la lutte contre l’insécurité qui occupe les gendarmes. « Au sud de l’île, la population est victime de vols et d’agression notamment sur la plage de N’Gouja prisée pour sa colonie de tortues à demeure sur le site », souligne le major Polpré, commandant de la brigade de Mzouazia. Et, comme sur le reste de l’île, les vols avec violence ont des répercussions aggravées par la détention de chumbo (machette), ou par la consommation de la « chimique », drogue de synthèse sous forme de tabac à rouler, aux effets comparables à ceux du crack.

Les unités de gendarmerie se déploient également autour des établissements et dans les transports scolaires pour assurer la sécurité des 100 000 élèves du département.

En matière de lutte contre les filières d’aide à l’immigration clandestine, la gendarmerie procède à des investigations, contrôles et interpellations. Les phénomènes de « décasage », qui consistent, de la part de la population mahoraise, à détruire les habitats illégaux pour obliger les gens à quitter le territoire, engendrent également de véritables problématiques d’ordre public. Des dispositifs de gendarmerie limitent les dégâts et protègent le cas échéant les décasés des violences commises à leur encontre. Et malgré cette protection, les gendarmes sont parfois pris pour cible : fin juin, deux militaires de l'antenne GIGN ont été très gravement blessés à la tête par des jets de pierres lors d'une interpellation.

Éloignement et insularité obligent, la gendarmerie mahoraise est caractérisée par un commandement autonome et une collaboration très étroite au quotidien entre tous les services de l’État présents sur l’île : la sécurité publique, la police aux frontières, les sapeurs-pompiers, la Légion étrangère, la Marine nationale, etc. 

Gendarmes mobiles sur le barrage de Chirongui

Lever les barrages, sans violence

Au plus fort de la crise, 19 barrages constitués de taules, de pneus et de végétaux bloquaient tous les axes de circulation de l’île, empêchant la population de se rendre sur les lieux de travail, dans les établissements scolaires, et ralentissant les  transports d’urgence sanitaire.

L’intersyndicale et les collectifs de citoyens appelaient finalement, après six semaines de conflit, à la libération de plusieurs axes, et la préfecture avait recours aux forces de l’ordre pour lever le barrage du port de Longoni au nord, qui empêchait tout ravitaillement du département.

Lundi 9 avril, les pénuries en alimentation, eau, essence, ou encore médicaments rendant le quotidien invivable pour la population, la préfecture prend la décision d’envoyer la gendarmerie mobile sur les deux barrages récalcitrants : Tsararano au centre, et Chirongui au sud. Dans cette opération de maintien de l’ordre, le commandant de la gendarmerie de Mayotte est accompagné d’un officier de police judiciaire territorialement compétent (ici de la brigade de Mzaouzia) pour procéder aux sommations et veiller à la légalité des modes d’action, et du lieutenant-colonel Bernard Rouchouse qui commande le groupement tactique gendarmerie (GTG). « Lors d’une opération sur de violents affrontements entre bandes en 2017, mon précédent adjoint avait été très grièvement blessé par des jets de pierres. Depuis, un officier de gendarmerie mobile avec son état-major est toujours présent pour commander les unités de gendarmerie mobile déplacées », indique le colonel Leclercq.

Ainsi, à trois heures du matin, un immense convoi composé de deux escadrons avec huit camions TRM 2000 (le Renault TRM 2000 est un véhicule militaire français toutes roues motrices, conçu pour les missions de soutien en terrain difficile), et un peloton blindé de deux véhicules blindés à roues (VBRG), descend le littoral avec une ligne de conduite : préférer la négociation à l’emploi de la force. Stratégie facilitée par un rapport de force favorable aux gendarmes, bien qu’elle se heurte aux pratiques locales traditionnelles : « Hier soir, 200 personnes participaient à un chengué à Chirongui, explique le colonel Leclercq. C’est un rassemblement religieux avec des poèmes et des prières, régulièrement utilisé en soutien des revendications. » Au niveau du barrage de Chirongui, quelques manifestants sont installés dans une ambiance musicale, bien loin des foules revendicatives du début de la crise. Une bouéni (femme en shimaoré. Les femmes mahoraises sont traditionnellement leadeurs, et soutiennent en particuliers les mouvements de collectifs) accueille le colonel Leclercq dans un mélange de français et de shimaoré. Mais consciente que les mouvements des barragistes s’essoufflent et à court d’argument, la bouéni obtempère rapidement  et les véhicules blindés peuvent repousser pneus, arbres et carcasses de véhicules, pour une mission accomplie.