Le numérique au service de l’opérationnel

17 mai 2018

Le numérique et ses nouveaux usages font dorénavant partie intégrante du quotidien des gendarmes, des policiers et des sapeurs-pompiers. Utilisation de smartphones et tablettes pour accéder directement aux fichiers de recherches, modélisation de scènes de crimes, stand de tir virtuel, gestion RH, cartographie opérationnelle, etc. Le point sur les applications et les outils récemment déployés dans les services.


La donnée : une mine d’or pour la sécurité

La diversité des métiers au sein du ministère de l’Intérieur, couvrant à la fois les champs de la protection, du secours et de l’administration, représente une véritable mine d’or pour un data-scientist, expert dans la gestion, l’analyse et l’exploitation des données.

Au sein de la mission de gouvernance ministérielle des systèmes d’information et de communication (MGMSIC), placée sous l’autorité directe du secrétaire général, le bureau de coordination et d’appui à la valorisation de la donnée œuvre à placer la vision analytique au centre de la décision. En clair, « la vision analytique des activités avec des données précises peut permettre de changer d’orientation stratégique », explique Fabien Antoine, data-scientist à la MGMSIC. Par exemple, en terme de sécurité routière, le croisement des données de l’accidentalité avec celles de la verbalisation a permis aux cent circonscriptions de sécurité publique d’être dotées d’un outil de cartographie pour les aider à mieux orienter leurs contrôles en fonction des accidents survenus.

« Notre mission est de dire  qu’il faut aller plus loin que la simple statistique et d’aller fouiller la donnée, pour comprendre l’activité d’un service et en tirer des usages,  démontrer qu’on peut mieux accomplir l’activité publique en ayant compris l’activité opérationnelle. » Ces experts de la donnée travaillent actuellement avec le service départemental d’incendie et de secours de l’Essonne (SDIS 91) pour un travail de prédiction des effectifs de secours ou encore à la mise en place d’une start-up d’État pour lutter contre la fraude à l’examen du code de la route.

SARISE : l’œil à 360° des CRS

SARISE

SARISE ou « système autonome de retransmission d’images pour la sécurisation d’événements » est un outil devenu incontournable dans la gestion démocratique des foules et de grands événements par les compagnies républicaines de sécurité (CRS), comme lors des sommets du G8, du G20, de la braderie de Lille ou encore dans les fan-zones de l’Euro 2016. Selon la nature et l’importance de l’événement, des techniciens CRS spécialement formés placent de 5 à 16 caméras à des endroits stratégiques.

« Nous installons ce système projetable dans des délais très restreints, commente Max Adanalian, commandant divisionnaire et chef du bureau des méthodes et techniques d’appui opérationnel à la DCCRS. Nous plaçons les caméras sur des lampadaires, des toits d’immeubles, des terrasses d’appartements..., nous créons grâce à des antennes relais un réseau radio complet permettant de centraliser l’ensemble des images sur un point de recueil, avec la possibilité de les transmettre vers la salle de commandement de la sécurité publique, à la préfecture ou à la CIC Beauvau. » Ces caméras de haute-définition de type dôme permettent une vision à 360° en temps réel et apportent un avantage certain à l’aide à la décision, permettant ainsi de manœuvrer les hommes en cas de nécessité, de mieux organiser et sécuriser le service et d’offrir un regard sur l’ensemble du tracé d’une manifestation ou sur les points névralgiques. « Cette technologie fait dorénavant partie du quotidien des CRS. L’apport est indéniable, surtout en terme de sécurité. »

115 000 tablettes Néo d’ici 2019

Tablette Néo

Gérard Collomb l’a souligné en octobre dernier : « La police de sécurité du quotidien sera plus connectée. Car bien des difficultés qui se posent aujourd’hui peuvent  être résolues grâce au digital. » Aux oubliettes les appels radio répétés vers les commissariats ou les brigades par les policiers et les gendarmes de terrain pour des demandes de consultation de fichiers, désormais aux tablettes et smartphones connectés ! De septembre à décembre 2017, pas moins de 67 000 terminaux Néo gend (gendarmerie) et 25 000 terminaux Néo (police) ont été déployés sur tout le territoire. « Oui, la transition numérique, ce sera du temps gagné, une efficacité accrue et un lien de confiance rétabli, selon le ministre. C’est pourquoi d’ici 2019, 115 000 tablettes Néo seront déployées dans la police et la gendarmerie. »

Les possibilités et les développements de cet outil sont infinis pour une police et une gendarmerie désormais « 3.0 », avec plus d’une dizaine d’applications déjà disponibles sur les terminaux mobiles : accès aux bases de données et aux différents fichiers, réalisation d’actes opérationnels (suivi de l’opération Tranquillité vacances, prise de notes opérationnelles, partage des informations sur un cloud sécurisé...), documentation, etc. D’autres applications sont actuellement en cours de développement, telles la géolocalisation des interventions ou encore les remontées anthropométriques. C’est l’équipe du bureau de la mobilité et de la proximité numérique du service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieures. (STSI2 ) qui a développé la solution technique au profit de la Police et de la Gendarmerie nationales avec ses partenaires, dont l’autorité nationale de la sécurité des systèmes d’informations (ANSSI). Le service central des réseaux et tchnologies avancées (SCRTA) gère pour sa part la configuration initiale et la maintenance des terminaux.

PAF : La technologie au service de la mobilité

Laboratoire mobile d'analyse documentaire

Depuis près d’un an, la police aux frontières (PAF) vit une véritable révolution dans son approche des contrôles documentaires, avec le déploiement de quatorze laboratoires mobiles d’analyse documentaire (LMAD), deux par zone de défense et deux rattachés au service central de Lognes.

Le LMAD est un véhicule modifié et adapté pour recevoir les équipements spécifiques à un examen technique approfondi d’un titre : vidéo comparateur spectral, lecteur de document, microscope USB, souris vidéo, scanner... « Alors qu’auparavant nos spécialistes n’étaient munis lors de leurs contrôles que de la loupe et de leur expertise technique, ils peuvent désormais effectuer sur le terrain une analyse complète d’un document et rédiger dans la foulée leur rapport d’expertise qu’ils remettront à l’OPJ », commente Jean-Michel Brevet, chef de la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité de la PAF.

Cet outil de pointe ne pouvant néanmoins être acheminé sur tous les points de contrôle de la PAF, une autre technologie a donc été développée dans le même temps : « Nous avons déployé des mallettes techniques d’analyse documentaire, continue Jean-Michel Brevet. Cette mallette vise à constituer le chaînon manquant entre les terminaux Néo et les LMAD. Ces outils nous sont indispensables car ils offrent des capacités de contrôle accrues, une réactivité et une expertise directement sur le terrain. Nous souhaiterions à terme faire évoluer la tablette Néo en véritable outil de contrôle transfrontalier mobile avec l’intégration d’un lecteur d’empreintes et un lecteur documentaire. Un véritable poste frontière mobile en quelque sorte ».

EVA, l’entraînement au tir vidéo assisté

Entraînement au tir vidéo assisté

Moniteur de tir depuis quinze ans à la préfecture de Police, le major Pascal Tran a souhaité faire évoluer les séances traditionnelles d’entraînement au tir, « car il y avait un manque au niveau du travail du discernement face à une agression armée et sur l’analyse du cadre juridique. On entraîne les policiers depuis des dizaines d’années à tirer sur des cibles inertes, figées, qui ne préparent pas suffisamment au réalisme d’un éventuel tir ».

Dès 2014, de sa propre initiative, le major Tran imagine, construit et conçoit son projet. Après deux ans de travail, EVA se déploie à la préfecture de Police. Il s’appuie sur l’utilisation de la vidéo-projection dans un stand de tir afin d’augmenter le réalisme des environnements et des situations de tirs. EVA repose sur des scénarios préenregistrés, avec des dialogues qui génèrent une réponse du policier, qui s’appuie sur les techniques d’intervention qui lui ont été enseignées.

Le policier s’adapte alors au comportement de l’individu auquel il se confronte et doit surmonter les difficultés dissimulées dans le film. « C’est en quelque sorte une révolution dans le domaine car il offre l’avantage d’autoriser le tir à balles réelles, la perception de notions essentielles comme la légitime défense, la mise en place de stratégie de tir par les policiers, ou encore de souligner les conséquences des dommages collatéraux en cas de tir imprécis. De plus, l’outil intègre une pédagogie complète, permettant de concevoir des environnements et des scénarios personnalisables selon les services : sécurité publique, police judiciaire, services spécialisés... »

Capter une scène de crime sous tous les angles

Laser scanner FARO

Le laser scanner FARO

D’une portée d’environ 80 mètres, le laser scanner FARO est utilisé par la PTS depuis octobre 2017 pour traiter aussi bien des crimes que des accidents. Cet appareil réalise une numérisation d’un site en générant un nuage de points, permettant sa reproduction la plus précise en trois dimensions. « Ce qui offre une véritable perception de l’espace, de lier entre elles les prises de vues sur le terrain pour ensuite se déplacer dans la scène de crime, comme dans un jeu vidéo. C’est l’outil qui manquait à la PTS pour reconstituer les scènes de crimes, car on peut ainsi analyser les angles et les trajectoires de tirs ou encore développer la morphoanalyse des traces de sang. Cet instrument est au cœur de la technologie au service de l’opérationnel. » Seul le SCPTS d’Ecully est doté de cette technologie au sein de la Police nationale. « Dans le cadre de notre unité nationale d’intervention nous pouvons donc nous déplacer sur l’ensemble du territoire au profit de tout service de police qui en exprimerait le besoin pour une enquête judiciaire. »

Le capteur d’images SPHERON

Utilisé depuis 2013, SPHERON est un système de capture d’images qui permet une reconstitution panoramique d’une scène de crime. L’appareil, monté sur une rotule motorisée, tourne seul sur lui-même et capture par rotation 960 images d’une très haute définition, de 52 millions de pixels. « Une fois que l’on obtient le rendu de la scène à l’écran, on positionnera alors les traces et indices que l’on aura récupérés pour rendre un dossier le plus complet possible en amenant un maximum d’éléments avec des photos prises sur place. Quand on parle de modélisation de scène de crime, on parle de fixation des lieux. L’objectif est de devenir les yeux du directeur d’enquête ou du magistrat. Ce genre de technologie nous permet d’être d’une précision chirurgicale. » Par exemple, le directeur d’enquête ou le magistrat peut mesurer directement sur la reproduction numérique la distance entre un étui percuté et une arme retrouvée sur une scène de crime.

L’application Crim’in

Déployée en novembre 2017 sur tout le territoire à destination des spécialistes PTS, l’application Crim’in permet de saisir les données recueillies sur tous types de scènes d’infraction directement sur une tablette Néo. « Ce qui permet d’abandonner le bloc-notes et le stylo pour passer à une saisie numérique de tous les éléments importants : plan des lieux à l’échelle grâce à un télémètre connecté à la tablette en Bluetooth, coordonnées de la victime, contexte de l’affaire, type de missions réalisées. L’objectif est de générer leur rapport d’intervention directement sur le terrain. Cela facilite la tâche, permet de gagner en efficacité et en temps, et évite les erreurs lors de la saisie informatique. Une technologie qui révolutionne nos pratiques professionnelles. Le centre de formation de la police technique et scientifique a revu ses formations pour les adapter à ce genre de nouveaux outils. » Crim’in permet entre autres de dématérialiser les éléments et d’améliorer la traçabilité des éléments sur une scène de crime car l’expert enregistrera directement sur les lieux un prélèvement ADN sur sa tablette via un code-barres.

Le drone en PTS

Parmi les services de police technique et scientifique, seul le SCPTS est doté de drones. L’unité nationale d’intervention peut néanmoins les utiliser au profit de services enquêteurs. « Le drone apporte un point de vue inédit dans la reconstitution de scènes de crimesou d’accidents. Dans certaines situations, comme lors d’un attentat, d’une scène de crime d’une très grande superficie, ou lors d’incendie d’entrepôt, la vue aérienne apporte des éléments et des angles novateurs aux experts. Nous l’avons notamment utilisé pour des reconstitutions judiciaires comme sur l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier en 2015, l’affaire Troadec en 2017, ou plus récemment dans l’incendie accidentel d’un entrepôt. »