« Le feu a dépassé les dix hectares, il se propage violemment dans une forêt très dense et inaccessible par les troupes au sol. Des maisons sont menacées .»
C’est le genre de message que peuvent recevoir les pilotes de Canadair lorsqu’ils sont envoyés sur un feu. Les bombardiers d’eau décollent alors, toujours par deux pour que les norias soient efficaces. Ils écopent sur le point d’eau le plus proche : 6,3 tonnes sont avalées en une douzaine de secondes, et c’est le ventre plein que les « pélicans » (indicatif de ces avions) mettent le cap sur le feu. Pierre C. est pilote de Canadair et chef du secteur Canadair à la base avion de sécurité civile à Nîmes : « En arrivant sur le feu, nous devons survoler les flammes avec une trajectoire et une vitesse précises, et éviter de passer dans les fumées ! Puis il faut juger rapidement des actions à faire. »
Il partage sa vision aérienne de l’incendie avec le commandant des opérations de secours au sol, qui fait évacuer son personnel de la zone et donne l’autorisation de largage. Les six tonnes d’eau tombent alors d’une trentaine de mètres de hauteur pour écraser une zone d’environ 200 mètres de long sur 50 de large. L’avion amphibie, soudain vidé de sa cargaison, n’est pas de tout repos à manier, « le largage, ça remue !, reconnaît l’aéronaute, il doit être contré par une action de pilotage ».
Les flammes sont étouffées par l’effet de masse, du souffle, et de l’eau elle-même. Et les avions se succèdent : « Il ne tombe pas la même densité d’eau partout, donc il faut recouper les largages et ne pas laisser d’espace sec sinon le feu passe à travers », précise Pierre C. Pendant qu’un pélican part se rassasier, le second largue, et ainsi de suite jusqu’à 60 largages par jour pour un équipage, jusqu’à extinction... Les Tracker et Dash quant à eux seront utilisés, selon la stratégie de lutte, pour larguer du produit retardant sur la végétation en amont du feu, très efficace pour ralentir, canaliser, ou arrêter les flammes.
Floriane Boillot
La vitesse de propagation du feu correspond à 3 % de la vitesse du vent. En 15 minutes par exemple, avec un vent à 80 km/h, le feu avancera de 600 mètres. Le feu part toujours en cône et a tendance à s’ouvrir. Pour mettre en place une stratégie de lutte précise et protéger routes et habitations, les sapeurs-sauveteurs ou pompiers utilisent une réglette avec des indications de vitesse et d’angle, qu’ils posent sur la carte de la zone touchée, pour dessiner le cône que formera le feu et son avancement.
Dans le Var, l’association départementale de protection civile, agréée par le préfet depuis 2010, regroupe les 140 communes comptant un comité communal feux de forêt (CCFF) ou une réserve communale de sécurité civile (RCSC), et réunit quelque 5 500 bénévoles sur tout le territoire varois. Ces derniers sont chargés de la protection de la forêt et sont amenés à intervenir sur les inondations depuis 2010. Ils sont les yeux des pompiers, mais aussi des vigies, des guides et des déclencheurs d’alerte. Placés sur des points hauts, ils effectuent des patrouilles dans la forêt pour repérer d’éventuels départs de feux et pour sensibiliser la population à ce risque. L’association a également en charge un indispensable volet logistique. Face aux flammes, le pompier boit en moyenne un litre d’eau par heure, il faut donc savoir où chercher et trouver l’eau nécessaire, l’association sensibilise donc toutes les communes du département avant la saison des feux pour stocker au minimum une palette d’eau. Lors des feux de forêt, leur mission est de baliser la zone de départ de feu pour éviter que les indices ne soient dégradés. De juin à septembre 2017, les bénévoles de l’association ont réalisé 4 812 patrouilles et 577 vigies dans le département. Ils ont déclenché l’alerte de départs de feux de forêt à 242 reprises !
Basé à Marseille, le centre zonal opérationnel de crise (CEZOC) Sud permet, depuis janvier 2017, d’apporter des moyens supplémentaires interdépartementaux, zonaux, voire nationaux, à un département touché par une crise majeure, dont les feux de forêt. Le CEZOC réunit dans une même structure tous les services zonaux de gestion de crise : l’état-major interministériel de zone (EMIZ), le centre opérationnel de zone (COZ), le secrétariat général pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI) Sud, la délégation de la protection de la forêt et de la Méditerranée (DPFM), les forces de l’ordre et de secours. La zone de défense et de sécurité Sud concerne trois régions (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Corse), près de 5 888 communes, 112 804 km2, plus de dix millions d’habitants et regroupe près de 20 000 policiers, 16 000 gendarmes, 10 000 sapeurs-pompiers professionnels et 35 500 sapeurs-pompiers volontaires. Le CEZOC est devenu un outil majeur dans la coordination des moyens, par exemple pour la gestion de la flotte des canadairs, répartis sur toute la zone et déterminants dans la lutte face aux feux de forêt. Regroupant sur un même site, militaires de la sécurité civile, policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, le CEZOC permet un partage permanent des expériences et des informations entre acteurs.
Richard Wawrzyniak