En Corse, durant toute la campagne feux de forêt, des sapeurs-sauveteurs de la sécurité civile (UIISC 1, 5 et 7) sont à la disposition des services d’incendie et de secours de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, pour un maillage territorial rigoureux et une force de frappe supplémentaire.
À Ajaccio, Propriano, Solenzara, Île-Rousse, Calenzana et Saint-Florent, des sections d’intervention feux de forêt des UIISC (unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile, qui constituent les formations militaires de la sécurité civile ou ForMISC) sont prépositionnées, couvrant ainsi l’ensemble du territoire de mi-juin à fin septembre selon les conditions climatiques.
Chaque jour, les experts de la sécurité civile et de Météo France produisent une carte avec des codes couleur allant de risque « modéré » à « extrême ». Les sapeurs-sauveteurs se répartissent alors sur les secteurs identifiés à risque, prêts à intervenir avec leurs camions d’attaque de feux, leur camion-citerne et leur véhicule pionnier contenant tout le matériel de forestage, des tuyaux supplémentaires, des motopompes, etc. « Ce maillage territorial permet une surveillance active des zones et une forte réactivité : en cas d’alerte, dans les 10 minutes il y a un moyen de départ sapeur-pompier ou ForMISC sur le feu », précise le lieutenant-colonel Laurent C., chef de corps de l’UIISC5 à Corte et commandant le dispositif GOLFF Corse (groupement organique de lutte contre les feux de forêt) *.
La plus-value des sections ForMISC, c’est leur présence en nombre avec des effectifs pouvant être engagés 48 heures d’affilée, mais aussi leurs véhicules hydrauliques de grande capacité. Ils disposent en effet de camions d’attaque contenant de 4 000 à 9 000 litres d’eau et d’un camion ravitailleur de 14 500 litres qui assure la permanence de l’eau. « Sur un feu, nous apportons une importante force de frappe, mais les sapeurs-pompiers et les ForMISC travaillent ensemble », souligne le lieutenant-colonel C. Un travail d’autant plus collectif que pendant la campagne feux de forêt en Corse, les moyens nationaux des UIISC sont majoritairement départementalisés, c’est-à- dire sous le commandement direct du CODIS (centre opérationnel départemental d’incendie et de secours), au même titre que les sapeurs-pompiers.
À peine un départ de feu décelé, le CODIS est alerté et déclenche les engins sapeurs-pompiers et/ou ForMISC selon le lieu et l’ampleur du sinistre.
« Le premier arrivé prend le COS (commandement des opérations de secours), il procède à une reconnaissance, et en fonction de l’image qu’il s’est faite du feu, il définit une stratégie d’attaque et donne des ordres de manœuvre à ses engins », explique le capitaine Jean-Baptiste, de l’UIISC5. Les moyens engagés peuvent intervenir à partir des ZAL, zones d’appui à la lutte, aménagées sur le territoire. Ce sont des secteurs pyrorésistants, grâce à une végétation entretenue et clairsemée, dans laquelle le feu perdra de son intensité, avec des pistes d’accès pour placer les véhicules incendies. Les procédés de lutte au sol contre le feu sont variés.
La « percée de flanc » par exemple est une manœuvre offensive, dans laquelle il faut traverser le feu pour l’attaquer de l’intérieur. Le « jalonnement » consiste à traiter les lisières sur les flancs droit et gauche du feu, afin de le contenir et d’en rétrécir peu à peu la tête. En termes de manœuvres défensives, l’un des procédés est de former une ligne d’appui pour attendre le feu en vue de l’attaquer de manière massive et coordonnée au moment opportun.
La protection des points sensibles est essentielle à la lutte. « Selon les conditions météo, le relief et la végétation, on peut anticiper l’évolution du feu, explique le capitaine Jean-Baptiste. Si l’on sait que des habitations sont menacées dans 30 minutes, par exemple, leur protection devient une priorité : nous refroidissons les façades, nous nous plaçons de part et d’autre de la maison, et nous attendons le dernier moment pour ouvrir les lances et faire baisser l’intensité et le rayonnement, tout en faisant en sorte que le feu s’écarte des habitations. » Dévier le feu ainsi, comme tout procédé de lutte, est loin d’être sans danger. Des manœuvres de protection existent en cas de grande difficulté et en dernier recours : « On va chercher à se regrouper et créer une bulle d’eau autour de nous avec les canons », décrit Jean-Baptiste. Les moyens aériens peuvent également effectuer des largages de sécurité sur les pompiers.
Un détachement d’intervention spécialisé, composé de sapeurs-sauveteurs ayant suivi une préparation opérationnelle spécifique, peut intervenir sur les sites les plus difficiles d’accès, en montagne ou dans le maquis. Ils réalisent des établissements de tuyaux de grande longueur en lisière d’un feu, et traitent les points chauds en les noyant, pour terminer l’extinction finale du feu et éviter toute reprise. Ils sont munis de claies de portage (sorte de gros sacs à dos rigides) qui contiennent tout le matériel nécessaire, dont des motopompes, des tuyaux et des bâches « relais » indispensables pour pallier la chute de pression : « Au bout d’une certaine longueur de tuyau déroulé, il n’y a plus de pression, explique le capitaine Jean-Baptiste. Nous remplissons donc une bâche d’eau, à laquelle on branche une motopompe portative. »
Un détachement d’intervention héliporté, armé par des sapeurs-sauveteurs des UIISC7 et 1, renforcé de trois hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), une gazelle et deux Puma, est prépositionné à Brignoles. Il est employé sur des feux virulents dans des lieux inaccessibles, pour effectuer des norias de bâches de 1 000 litres d’eau. Enfin, des moyens aériens de la sécurité civile sont présents en Corse durant toute la campagne feux de forêt avec deux Canadair à Ajaccio et deux Tracker à Solenzara. Si le commandant des opérations de secours juge nécessaire le renfort aérien, il envoie un message d’alerte rouge au CODIS qui le transmet au niveau zonal, lequel va déclencher les avions. Les pilotes sont alors en relation par radio avec le commandant des opérations de secours au sol. Les services d’incendie et de secours corses louent également un hélicoptère bombardier d’eau comme moyen supplémentaire de lutte.
Quand le feu prend de l’ampleur et que l’engagement des moyens augmente, l’installation d’un poste de commandement s’avère indispensable. « Il est placé à un endroit stratégique et en sécurité, où un hélicoptère peut se poser. On peut y recevoir le directeur des opérations de secours (DOS) ou encore accueillir la presse », poursuit le capitaine Jean-Baptiste. Généralement, c’est le maire de la commune touchée qui devient directeur des opérations de secours, il met les moyens municipaux à disposition des pompiers et connaît les spécificités de son territoire. Contrairement au commandant des opérations de secours qui est le responsable de la lutte, le « directeur » aiguille et décide des enjeux. Si plusieurs communes sont affectées, le préfet du département concerné prend ce rôle de DOS. Il coordonne tous les services (ONF, eau, électricité) et peut faire des choix quand les moyens de lutte doivent s’orienter vers telle ou telle commune.
Floriane Boillot
* Sur le continent, les dispositifs GOLFF Provence et GOLFF Languedoc sont constitués avec des moyens spécialisés de renforts nationaux.