Un vieil immeuble qui menace de s’effondrer, une salle de spectacle en pleine réhabilitation ou une tour de 41 étages qui s’apprête à accueillir un palais de justice flambant neuf, tous ont reçu la visite des architectes de la préfecture de Police, chargés d’assurer la sécurité des personnes dans les 100 000 immeubles d’habitation et établissements recevant du public de la capitale. Visite guidée.
Texte : Jacques Prévot
Photos : Bruno Chapion
Créé le 1er juillet 1800, le corps des architectes de sécurité de la préfecture de Police est unique en France. De l’instruction des permis de construire à l’édiction de mesures d’urgence sur un immeuble effondré en pleine nuit, en passant par les suivis de chantiers et les indispensables commissions de sécurité, ses 46 fonctionnaires maîtrisent toutes les facettes d’un métier dédié à la sécurité des Parisiens.
Voilà 217 ans qu’ils veillent sur la sécurité des personnes dans tous les bâtiments publics et privés de la capitale. Ils sont aujourd’hui 46 architectes diplômés à se partager les vingt arrondissements parisiens [Les architectes de sécurité de la préfecture de Police sont répartis territorialement par binômes sur chaque arrondissement, avec une rotation tous les trois ans environ. Les vingt arrondissements sont eux-mêmes regroupés en 5 secteurs. Un chef est désigné pour chaque secteur, et l’ensemble du service est placé sous la responsabilité de l’architecte de sécurité en chef, Denis Thélot, et de ses deux adjoints, Françoise Folacci et Jean-Yves Dorosz] , avec un seul crédo, celui du préfet de Police : « La protection des personnes et des biens ». Aucune grande réalisation qui dessine le visage du Paris de demain ne pourrait se faire sans le concours et l’imprimatur de ces architectes de sécurité, recrutés à l’issue d’un concours extrêmement sélectif, qui exige de connaître une réglementation très complexe et en perpétuelle évolution.
Ces architectes ont une double casquette : « Nous sommes à la fois fonctionnaires – nous devons 75 % du temps de travail hebdomadaire au préfet de Police - mais nous exerçons également en libéral, pour la plupart d’entre-nous en agence ou en cabinet, ce qui nous permet de garder un lien étroit avec les préoccupations et les difficultés du métier au quotidien, explique l’architecte Denis Thélot, chef du service. Dans le cadre de notre mission de service public, cela nous permet certainement de rendre les conseils les plus avisés. Et puis, compte-tenu des obligations de réserve, d’impartialité et de transparence qui caractérisent cette mission, le statut de fonctionnaire est assez bien adapté ».
Une des conséquences de ce statut atypique, c’est que les architectes de la préfecture de Police ne disposent pas de bureaux au sein de l’institution parisienne. Pour autant, ils entretiennent une très ancienne tradition qui assure un lien continu avec la préfecture de Police : celle des réunions du mardi. « Ce jour-là, le matin, nous participons à la délégation permanente de la commission de sécurité, instance technique qui traite chaque semaine, sous l’autorité du préfet de Police, de la sécurité des établissements parisiens recevant du public (ERP) », explique Denis Thélot. L’après-midi, les 46 architectes de sécurité investissent une grande salle polyvalente du quai de Gesvres, transformée, avec ses grandes tables modulables, en véritable atelier, pour échanger et discuter des dossiers en cours. « Enfin, à 16 heures, nous ouvrons les portes de la salle au public : là, tout un chacun peut alors venir soumettre un projet, demander un conseil ou solliciter un avis. La notion de service public prend ici tout son sens », souligne Denis Thélot qui se réjouit du succès de ces rencontres qui attirent jusqu’à 13 000 Parisiens chaque année.
Un deuxième aspect du métier est bien sûr celui de l’instruction des quelque 14 000 dossiers papiers annuels... « Cela va du simple permis de construire pour un petit immeuble, aux grands dossiers d’aménagement urbain, en passant par les manifestations festives ou culturelles, les grands monuments parisiens comme la tour Eiffel ou encore les péniches », s’enthousiasme le chef de service qui insiste sur la diversité des domaines pour lesquels les architectes sont impliqués.
Outre la question des périls d’immeubles, pour lesquels ils sont mobilisables à tout moment (voir page 11), les architectes de sécurité de la préfecture de Police sont aussi compétents, au premier chef, pour participer aux commissions de sécurité et pour effectuer les visites de contrôle périodiques des établissements recevant du public. « C’est un travail qui se fait en étroite collaboration avec la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et le laboratoire central de la PP », explique Denis Thélot, soulignant l’importance de cette mission qui garantit la sécurité des personnes qui fréquentent des bâtiments souvent anciens ou à caractère historique.
Sur cet aspect, force est de reconnaître que la capitale n’est pas une ville comme les autres, eu égard à un patrimoine architectural unique par sa qualité et par son importance. « Comment mettre aux normes incendie un monument classé qui, si l’on suivait à la lettre le règlement de sécurité, devrait être détruit, s’interroge le chef de service ? À charge pour nous d’inventer des solutions aussi pragmatiques qu’innovantes, adaptées à des bâtiments souvent admirables ».
Pour ce faire, le service peut compter sur les profils très variés et complémentaires de ses hommes de l’art : l’un est spécialiste des hôpitaux, un autre des écoles, un troisième des immeubles de grande hauteur, une dizaine d’entre eux sont experts auprès de la cour d’appel, d’autres sont enseignants... « Chacun apporte des compétences qui permettent de nourrir les débats de nos réunions hebdomadaires. Dans le foisonnement des projets architecturaux, publics ou privés, qui se développent dans la capitale, il nous faut sans cesse trouver des solutions imaginatives. A Paris, il n’est pas possible de ne s’en tenir qu’à des solutions réglementaires toutes faites, même s’il faut les connaître sur le bout des doigts et les appliquer avec finesse, exhaustivité et discernement. Mais il faut aussi toujours inventer un petit peu plus ! ».
Dès lors, les architectes de sécurité savent sans cesse remettre sur le métier leur ouvrage : « Nous organisons ou participons à des formations, à des conférences, nous suivons ce qui se fait dans les autres pays, nous visitons d’autres chantiers. Certains de nos architectes assurent une veille réglementaire, d’autres une veille technique et bâtimentaire, explique Denis Thélot. Par exemple, le récent drame de l’incendie de la tour Grenfell à Londres doit nous interpeller : que peut-on faire dans les immeubles d’habitation de 28 à 50 étages ? Nous pouvons trouver des solutions, nous avons des idées. Même chose s’agissant des réflexions qui sont actuellement menées sur la question de l’exploitation des surfaces : à Paris, il n’y a plus de place, on ne peut construire qu’au-dessus ou qu’en-dessous !... Et c’est à nous d’y réfléchir. Notre mission, c’est donc aussi de proposer ces solutions aux pouvoirs publics à travers les référentiels que nous produisons sur les questions de sécurité liées à l’usage des bâtiments et des besoins d’aujourd’hui ».
Les architectes de la préfecture de Police doivent aussi intégrer les nouvelles contraintes liées au contexte sécuritaire du moment.
« Sur l’aspect sûreté, il y a, compte-tenu des risques importants d’actes terroristes, une lecture bâtimentaire qui rentre parfois en contradiction avec la réglementation sur la sécurité incendie ou l’accessibilité, explique quant à elle Françoise Folacci, adjointe au chef du service.
Nous avons donc mis en place un petit groupe de travail pour tenter d’apporter des réponses pertinentes à tous les cas de figures qui peuvent se présenter. A la préfecture de Police, la proximité de services travaillant sur de telles contraintes antagonistes est, ici encore, un avantage : il y a un réel dialogue, et ces échanges permettent souvent de bousculer des certitudes et de faire avancer les choses ».
Ce travail d’équipe, Denis Thélot le revendique et en fait même un principe essentiel du fonctionnement du service des architectes de sécurité : « Dans nos activités libérales, notre travail est généralement plutôt solitaire.
Mais ici, à la préfecture de Police, c’est avant tout un travail solidaire ! On s’appelle, on se sollicite, on échange... J’en veux pour preuve : les avis que nous rendons le sont toujours au nom du service, et non au nom de l’architecte qui a instruit le dossier ».
Les architectes de sécurité de la préfecture de Police sont répartis territorialement par binômes sur chaque arrondissement, avec une rotation tous les trois ans environ. Les vingt arrondissements sont eux-mêmes regroupés en 5 secteurs. Un chef est désigné pour chaque secteur, et l’ensemble du service est placé sous la responsabilité de l’architecte de sécurité en chef, Denis Thélot, et de ses deux adjoints, Françoise Folacci et Jean-Yves Dorosz.
De la simple fissure qui balafre une façade, à l’effondrement partiel ou total d’un immeuble, les architectes de sécurité de la préfecture de Police sont dépêchés aux quatre coins de la capitale pour évaluer tout péril qui pourrait mettre en danger habitants, riverains ou simples passants.
Les missions du service des architectes de sécurité de la préfecture de Police, service sans équivalent au sein du ministère de l’Intérieur, relèvent de la compétence de la direction des transports et de la protection du public, et plus particulièrement de la sous-direction de la sécurité du public. Trois questions à Christophe Aumonier, à la tête de cette sous-direction atypique et de haut niveau technique, chargée de la sécurité et de l’accessibilité du bâti parisien.