Le fin limier de la gendarmerie

Le fin limier de la gendarmerie
24 août 2017

Parmi les nombreuses technicités cynophiles, le pistage est la discipline considérée comme la plus difficile mais aussi la plus gratifiante. Au sein de la Gendarmerie nationale, le saint-hubert, chien possédant le sens de l’odorat le plus développé et le flair le plus acéré, est un expert pour remonter la piste de personnes disparues.


Non, ce n’est pas parce que Walt Disney s’est servi de ses traits pour créer son personnage de Pluto, le fidèle ami de Mickey Mouse, que le saint-hubert est mondialement connu et réputé, mais plutôt pour l’exceptionnelle truffe dont il est pourvu…

Connu pour ses qualités de chien de chasse au gros gibier (cerf, chevreuil, sanglier…), c’est dans les États-Unis du XVIIe siècle que le saint-hubert s’est forgé sa réputation de fin limier, utilisé alors pour retrouver les esclaves noirs en fuite, avant d’intégrer les pénitenciers américains pour y traquer les prisonniers évadés. Les identifications réalisées par son flair, perçu comme infaillible outre-Atlantique, sont considérées comme des preuves par les tribunaux américains.

C’est en 2008 que la Gendarmerie nationale se dote de quatre saint-hubert pour le pistage de personnes disparues. « Là où l’homme compte environ 5 millions de capteurs olfactifs, explique un officier cynophile de la gendarmerie, un berger malinois en aura 200 millions et le saint-hubert 280 millions. Cela lui permet d’identifier et de mémoriser dix odeurs différentes quand un autre chien en retiendra deux voire trois tout au plus. »

Des spécificités physiques incroyables qui lui permettent de discriminer et d’écarter toutes les odeurs pouvant le perturber et de se concentrer uniquement sur l’odeur de l’homme, qui devient ainsi « son gibier ». Il ne trouvera alors satisfaction qu’en retrouvant la source de l’odeur recherchée. « Dès qu’on lui met une odeur ou une trace odorante dans le nez, il ne cessera de la pister. Notre priorité pour débuter des recherches sera donc de retrouver des effets personnels appartenant à l’individu disparu ou des éléments portant son odeur. » L’odeur humaine étant unique, elle varie d’un individu à l’autre selon de nombreux paramètres qui permettent à l’animal de l’identifier : niveau et rythme d’hygiène, produits hygiéniques utilisés, l’alimentation, le type de vêtements portés, la sensibilité à transpirer…

Courses effrénées...

Les quatre saint-hubert sont sollicités par des unités de gendarmerie, pour les épauler dans la recherche de personnes disparues, « essentiellement pour des enfants, des personnes âgées et des délinquants, continue le maître-chien. Mais généralement ce n’est jamais bon signe. 80% de nos interventions concernent des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer qui se perdent ».

Le saint-hubert est capable de travailler depuis un mégot de cigarette, un crachat, sur des pistes remontant à plusieurs jours (48 heures en ville et beaucoup plus en campagne), sur des distances et des durées incroyables (record de sept jours de pistage consécutifs).

Mais attention, le maître doit obligatoirement suivre le rythme de pistage imposé par le chien : « Si je freine ou si je tire la laisse alors qu’il est en plein travail, il va le prendre comme un interdit et penser que je lui donne l’ordre d’arrêter la recherche. J’ai ainsi réalisé un pistage de huit heures d’affilée en courant sans aucun arrêt. Nous avons au final retrouvé la personne vivante. J’ai ressenti un véritable soulagement mais aussi une grande fierté du travail réalisé par mon chien. »

Bien qu’expert dans l’art du pistage, le saint-hubert est motivé, comme tous les chiens, par l’amour de son maître, par son fidèle jouet à mordiller et par le morceau de pâté de foie pour récompense du travail accompli.

Richard Wawrzyniak