La chapelle Sixtine de la préhistoire

La chapelle Sixtine de la préhistoire
7 mars 2017

La grotte de Lascaux, vieille de près de 20 000 ans, est la grotte ornée la plus connue au monde. L’État s’engage fortement en faveur de la conservation de la grotte originelle, l’étude de ses chefs d’œuvre, ainsi que de la promotion de l’art pariétal. Le 10 décembre dernier, François Hollande a inauguré le Centre international de l’art pariétal, Lascaux IV, un haut lieu touristique pour le département.


La grotte de Lascaux choyée par l’État

Le 12 septembre 1940, quatre adolescents découvrent par hasard ce qui deviendra l’un des sites les plus prestigieux et renommés de la préhistoire : la grotte de Lascaux. Huit ans plus tard, elle est ouverte au public.

Mais l’afflux touristique et les installations qui en découlent déstabilisent l’écosystème de cet environnement vulnérable, des micro-organismes se développent et des taches apparaissent sur les parois. La conservation des peintures de la grotte étant largement menacée, André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, décide sa fermeture en 1963. Depuis 1979, la grotte de Lascaux est classée au patrimoine mondial par l’UNESCO.

La réalisation d’un fac-similé de la grotte en 1983 à 300 mètres de la grotte originelle, Lascaux II, permet de perpétuer la découverte de ces œuvres paléolithiques et attire 250 000 visiteurs par an. Cependant, la fréquentation humaine sur la colline continue de présenter des dangers pour l’équilibre sanitaire de la grotte originelle. « En 2001 nous faisons face à l’apparition d’un champignon sur les parois, le fusarium solani, indique Muriel Mauriac, conservatrice régionale adjointe des monuments historiques et conservatrice de la grotte de Lascaux. Il est alors urgent d’éloigner les activités humaines de la grotte, et notamment d’interdire l’accès automobile sur la colline de Lascaux ».

L’État, la région et le département s’accordent pour mettre en place une politique de sanctuarisation de la colline de Lascaux et ainsi préserver la grotte originelle, en construisant un nouveau fac-similé à une distance plus raisonnable : Lascaux IV, et en fermant la route du Regourdou qui passe à proximité. Un comité de suivi sous l’égide du sous-préfet de Sarlat est constitué à ce sujet, afin de coordonner l’ensemble des acteurs. « L’idée est de limiter et d’empêcher tout ce qui peut polluer la colline. Des navettes électriques vont par exemple être mises en place entre le bas et le haut de la colline », explique Muriel Mauriac.

La conservation de la grotte de Lascaux constitue un défi majeur pour l’État, son propriétaire depuis 1972, en lien étroit avec la collectivité départementale. Responsable de la conservation de la grotte, l’État en supporte les dépenses qui s’élèvent à 500 000 € par an. Des efforts qui portent leurs fruits puisqu’aujourd’hui, le niveau général de contamination s’est stabilisé, et selon la conservatrice, « la grotte retrouve son équilibre climatique ».

L’art pariétal à portée de tous

À 200 mètres de Lascaux II, et à plus de 500 mètres de la grotte originelle, non loin de la ville de Montignac, un immense bâtiment apparaît au pied de la colline comme une grande faille en béton.

Trois ans de travaux ont été nécessaires à la réalisation du Centre international d’art pariétal, inauguré le 10 décembre dernier par le président de la République.

Plus qu’un nouveau fac-similé de la grotte de Lascaux, le centre se veut un équipement grand public de vulgarisation des connaissances dans le domaine de la préhistoire, et de réflexion sur les origines de l’homme. « Nous avions la volonté d’offrir au public un projet plus grand, plus ambitieux et plus complet, mais aussi un accompagnement autour de l’art pariétal », souligne la conservatrice de Lascaux, Muriel Mauriac.

Ainsi, plus de 8 000 m 2 sont divisés en plusieurs zones s’ajoutant à la réplique de la grotte : une partie « contemplation » de panneaux représentant des peintures préhistoriques ; une salle racontant l’étude de l’art pariétal ; une salle de cinéma avec une projection de la grotte en 3D ; un espace consacré à l’art pariétal et l’art contemporain - comment les artistes contemporains s’inspirent de l’art pariétal ; et un espace dédié à la création, accueillant actuellement une exposition de peinture de l’artiste Gérard Gasiorowski, qui se revendique de « l’art de Lascaux ».

Le fac-similé a été réalisé par les ateliers FSP (fac-similé du Périgord) et l’entreprise AAB (atelier artistique du béton), avec les techniques du « voile de papier » et du « béton projeté ». Sa localisation, au pied de la colline de Lascaux, permet de « sortir du système karstique, relief particulier associé aux plateaux calcaires, et ainsi préserver la fragilité de la colline », selon Muriel Mauriac.

L’enjeu touristique pour le département est considérable, le centre prévoyant d’accueillir 400 000 visiteurs par an. D’importantes retombées économiques sont ainsi attendues. De son côté, Lascaux II a toujours sa place dans la visite et permettra de désengorger Lascaux IV en haute saison. Le projet du Centre international d’art pariétal a couté 50 millions d’euros, financés par l’État (4 millions d’euros), l’Europe, la région, le département et du mécénat.

Lascaux

Et Lascaux III ?

Entre le premier fac-similé Lascaux II, et le nouveau Centre d‘art pariétal Lascaux IV, Lascaux III existe bel et bien ! En 2007, l’État a autorisé le département à reproduire les images de la grotte pour créer un fac-similé mobile, destiné à des expositions internationales et itinérantes, dans le but de promouvoir l’art préhistorique et attirer les visiteurs en Dordogne. C’est à Chicago en 2013 que le périple des « tableaux » de Lascaux commence, puis Houston en 2014, Montréal, Paris et Genève en 2015, et la Corée en 2016. Pour la conservatrice de la grotte Muriel Mauriac, « Lascaux III est un véritable outil de médiation et de promotion du territoire aquitain et périgourdin ».

Floriane Boillot