Nicole Klein : « La fusion des régions prend tout son sens en Normandie »

Nicole Klein : « La fusion des régions prend tout son sens en Normandie »
28 octobre 2016

Entretien avec Nicole Klein, préfète de la région Normandie et de la Seine-Maritime.


Civique : Madame la préfète, les régions de Basse et Haute-Normandie ont fusionné le 1er janvier dernier. Considérez-vous que cette réorganisation allait de soi pour ce territoire ?

Nicole Klein : Oui elle allait de soi, beaucoup disent même que la Normandie n’a jamais cessé d’exister. Les deux régions partageaient une même identité, une même culture, un même héritage. Beaucoup d’élus et de citoyens souhaitaient cette Normandie unique. Il n’y a d’ailleurs eu aucune interrogation ni débat sur son nom. Cette idée d’une région unique était très présente ici, avant même la mise en place de la réforme territoriale. On peut dire que l’État a joué son rôle en répondant à une attente largement partagée. Cette fusion prend tout son sens ici en Normandie, même s’il perdure des différences géographiques, économiques et culturelles, mais aussi dans les administrations qui ne géraient pas les choses exactement de la même manière.

Civique : Vous étiez auparavant préfète de la région Picardie, région qui a disparu.

Nicole Klein : En effet, je passe d’une région préfigurée à une nouvelle région. Cela me permet d’ailleurs de bien comprendre le point de vue d’une région qui disparaît. Même si c’est un peu plus compliqué pour le Calvados ici en Normandie que pour la Somme en Picardie, territoire de 550 000 habitants qui est retourné beaucoup plus facilement à son statut de département. J’ai donc vécu la préfiguration sur mon ancien poste et le mariage de deux régions sur l’actuel.
On peut estimer que le poids entre la Haute et la Basse-Normandie représente un ratio de 55-45, tandis qu’en Picardie nous étions plutôt à un tiers-deux tiers avec le Nord-Pas-de-Calais.

Civique : Considérez-vous que le rôle de préfet de région a évolué avec cette réforme ?

Nicole Klein : Il est d’abord plus lourd avec des distances plus grandes à prendre en compte et un plus grand nombre de personnels à gérer. Dans le regard de toutes les institutions partenaires, le préfet de région a encore plus de champs d’action, il y a une reconnaissance des compétences des préfets de région, ce qui n’enlève rien aux préfets de département. J’entretiens d’ailleurs des relations très étroites avec les quatre préfets de département, même sur des dossiers qui ne sont pas exclusivement régionaux, comme l’ordre public par exemple. Je dois avoir une vision synthétique de l’ordre public dans ma région, qui est une responsabilité de préfet de département. Le préfet de région apporte alors une vision globale et collégiale de son territoire sur des problématiques spécifiques. Le Gouvernement m’a mise en position d’être la première à exercer cette responsabilité dans le périmètre de la nouvelle région normande. C’est pour moi un enjeu fondamental : celui de créer du lien, de fédérer les énergies des services de l’État, des opérateurs, des collectivités territoriales et plus généralement des acteurs du monde économique et social afin que la réforme porte ses fruits et qu’elle soit profitable à tous.

Civique : Quel est le rôle du secrétaire général pour les affaires régionales ?

Nicole Klein : Je considère avoir deux bras droit : le secrétaire général au niveau départemental et le SGAR au niveau régional. Dans cette configuration, il est important de pouvoir compter sur un SGAR disposant d’une connaissance approfondie du territoire, de ses spécificités, de ses enjeux. Le SGAR, Nicolas Hesse, et son équipe jouent pleinement ce rôle. Le SGAR est une administration de mission, peu nombreuse par ses effectifs, mais qui réalise des missions essentielles d’anticipation, de prospective et de réflexion stratégique. Il m’appuie dans mes fonctions de représentation de l’État en région et de coordination des politiques publiques. Il coordonne également les démarches de modernisation et de mutualisation des services de l’État.

Civique : Quelles sont selon vous les plus-values et les difficultés de cette réorganisation ?

Nicole Klein : La Normandie, dans le périmètre qui est le sien depuis le 1er  janvier 2016, est une région de taille raisonnable et bien adaptée pour répondre à l’objectif de la réforme territoriale qui, je le rappelle, est de doter les régions métropolitaines d’une taille et de compétences leur permettant de répondre aux enjeux économiques et sociaux. Ainsi, l’organisation mise en œuvre répond à l’exigence de modernisation et de mise en cohérence de l’action de l’État sur le territoire, par la création de directions régionales uniques, et le renforcement de la proximité par le maintien des différents sites. Si elle se passe bien en Normandie, cette fusion impose néanmoins des ajustements dans les modalités de fonctionnement des services de l’État et des directions régionales en particulier. Mais les directeurs régionaux sont à la manœuvre au sein de chacun de leurs services et mettent tout en œuvre pour aplanir les difficultés inhérentes à ce type d’exercice, telles que l’harmonisation des procédures, la mise en place de règlements intérieurs uniques, etc. Et la réorganisation des services de l’État s’est faite dans le souci constant de l’équilibre des territoires.

Civique : Quel regard portez-vous sur l’évolution du rôle du préfet, et notamment du préfet de région ?

Nicole Klein : Le Gouvernement a souhaité que la réforme des services territoriaux soit l’occasion de moderniser l’action publique et d’ajuster la répartition des missions dans le sens d’une plus grande complémentarité entre les échelons territoriaux de l’État. C’est tout le sens des réflexions conduites au cours des derniers mois. Les directions régionales sont recentrées sur leurs missions d’animation métiers : pilotage stratégique des politiques de l’État, missions d’expertise et de connaissance du territoire, missions opérationnelles attribuées par les textes. Les services départementaux et infra-départementaux, sous l’autorité des préfets de département, prennent quant à eux toute leur place dans la mise en œuvre des politiques publiques. Les préfets de département ont notamment conduit l’élaboration de projets territoriaux départementaux destinés à adapter les organisations au regard des enjeux particuliers de chacun des territoires. Le temps du préfet de type Haussman, qui redessinait Paris, supprimait des faubourgs, détruisait des maisons, est révolu. Le temps du préfet du type Delouvrier qui survolait la région parisienne avec le général de Gaulle et qui décidait de créer des villes nouvelles à Marne-la-Vallée ou Créteil, c’est bien fini. Le préfet procède aujourd’hui autrement. Les politiques sont partenariales, d’autant plus au niveau régional. On ne peut plus imposer une politique : elle est forcément discutée. On est plus que jamais dans l’échange, la coordination et la communication.

Civique : Où en est-on du calendrier de la réforme et quelles sont les prochaines étapes ?

Nicole Klein : Nous avons trois ans pour conduire la réforme à son terme, autrement dit pour aboutir au sein de chacune des directions régionales concernées à l’organigramme cible qui a été présenté en 2015. Il apparaît cependant qu’en plusieurs endroits, par le jeu des départs naturels et des mutations, la spécialisation des sites se met en place plus rapidement que prévu et que certains services des directions régionales sont déjà regroupés là où ils doivent l’être. Seul le SGAR, qui conserve un statut un peu particulier avec le regroupement de l’ensemble des services à Rouen, est en place depuis le premier semestre 2016. Après une année 2015 dédiée à la préfiguration des nouvelles directions, aux prises de contacts et aux premiers échanges entre les agents et les services des anciennes régions, 2016 a été consacrée à la mise en œuvre opérationnelle de ces nouveaux services fusionnés. Il est important aujourd’hui de mettre du lien et de s’assurer que les équipes agissent bien ensemble et dans le même sens. Cela appelle une gouvernance structurée, à même de veiller à la complémentarité des échelons territoriaux et à la cohérence d’action des services et établissements de l’État présents en Normandie. C’est pour répondre à ce besoin que l’élaboration d’un projet d’administration et d’une stratégie de l’État en région a été lancée durant le premier semestre 2016. Ces deux documents ont donné lieu à une démarche concertée associant l’ensemble des services membres du comité d’administration régionale.

Propos recueillis par
Richard Wawrzyniak

Un rôle renforcé pour le développement économique

Pour Nicole Klein : « La loi NOTRe (pour Nouvelle Organisation Territoriale de la République) est un acte essentiel dans la recomposition du territoire institutionnel français voulue par le gouvernement. Elle vient confirmer la modernisation de l’organisation des compétences au sein des collectivités pour que la réforme territoriale, que nous connaissons bien en Normandie avec la fusion des Basse et Haute-Normandie, trouve toute son efficacité.
En particulier, elle place la collectivité régionale en chef de file du développement économique et de l’accompagnement des entreprises parmi les collectivités. C’est une grande avancée pour la clarté et l’efficacité de l’action publique. Dans ce contexte, l’État, avec ses opérateurs, travaille à parfaitement articuler son action avec celle du conseil régional et de son agence, au service du tissu économique normand et du développement de l’emploi. C’est ainsi que les services techniques de l’État et de la région travaillent sur les cas d’entreprises en difficulté ou en investissement, sur la structuration des filières régionales d’excellence, avec toujours comme objectif que la vie des entreprises soit facilitée et que leurs interlocuteurs, stables, soient identifiés et outillés. »