« Un centre froid pour gérer une situation chaude »

« Un centre froid pour gérer une situation chaude »
9 novembre 2016

Dans les sous-sols de l’hôtel de Beauvau, la cellule interministérielle de crise se met en place dès 22 heures (CIC).


Cette instance coordonatrice rassemble les plus hautes autorités de l’État pour des décisions au sommet, et s’appuie sur les retours d’expérience des événements de l’année 2015.

Plus de 80 décisions formelles sont prises en CIC entre le vendredi 13 novembre à 22 heures et le jeudi 26 après-midi, impulsées par les services de l’Intérieur et les ministères impactés.

« On est sur des situations très tendues, mais ici règne une sérénité, livre Yann Drouet, coordinateur de la CIC. Chacun sait ce qu’il a à faire et déroule sa partition. Les dernières activations de la CIC (Charlie Hebdo, German Wings) et les exercices aident à roder le fonctionnement interne. Même si l’événement est complexe et dramatique, chacun est préparé à agir ». Dans le premier temps de l’urgence et une fois la CIC armée, trois priorités s’imposent :

« D’abord comprendre ce qu’il se passe et où on en est de la situation, ensuite récupérer un premier bilan du nombre de décédés et blessés, puis proposer à l’autorité politique des décisions et les mettre en œuvre », explique Yann Drouet. Dès minuit, l’état d’urgence est décrété.

Si la réaction est aussi rapide, c’est grâce au plan d’action « Le jour même ». Ce plan de réponse « multi attentats » a été porté par le SGDSN (secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale) à la suite des attentats de Charlie Hebdo et validé en juillet 2015. Il propose un certain nombre de décisions à prendre immédiatement dans ce type de situation.

Quatre cellules forment la CIC

« La cellule situation, ce sont les yeux vers l’extérieur », indique Yann Drouet. Les représentants des ministères en lien avec les centres opérationnels et le terrain effectuent des synthèses et permettent de rendre compréhensible la situation. « Dans la cellule anticipation, on relève la tête et on prend du recul » : son rôle est d’élaborer des scénario sur l’évolution de la situation et proposer des modes d’actions. Les agents composant cette cellule évaluent les répliques possibles des attentats, dans l’immédiat et à plus long terme, ainsi que les impacts sur le secteur scolaire et les établissements recevant du public notamment.

Des propositions sont faites rapidement pour la reconfiguration et la sécurisation du dispositif COP 21 (déminage supplémentaire, filtrages renforcés, etc.). La cellule communication coordonne une stratégie de communication pour que l’ensemble des forces publiques parlent sans dissonance. Enfin, en cellule décision sont présentés les travaux des autres cellules au président de la CIC, président de la République, ou au Premier ministre, qui décident des actions. « La première nuit, la CIC décision était réunie toutes les heures et demi ! », ajoute Yann Drouet.

De la CIC aux territoires

Des échanges par visioconférence sont organisés tous les jours entre les autorités de la CIC et les préfets de zone de défense. Ceux-ci transmettent les instructions aux préfets de département, échelon de base de la gestion de crise en France. Outre les comptes-rendus écrits sortant des réunions « décision », ces conversations en direct permettent d’expliquer les mesures liées à l’état d’urgence à appliquer et à adapter aux difficultés des territoires, ainsi que leurs conditions de mises en œuvre. « Dans ce type de crise, ajoute Yann Drouet, on sent toujours une mobilisation très forte de l’échelon territorial ».

Après l’urgence

La gestion de crise ne s’arrête pas au moment de l’urgence. La seconde phase consiste à assurer le suivi de la coordination de l’ensemble des ministères, pour que les mesures soient mises en œuvre de façon cohérente. Tous les impacts directs et indirects, y compris sur les secteurs du commerce ou tourisme, sont pris en compte.

Qui est présent en CIC ?

Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, est désigné par le Premier ministre pour assurer la direction opérationnelle de la crise. Les services du ministère de l’Intérieur présents sont la DGPN (désignée comme force « menante » pour l’occasion) la PP, la DGGN, la DGSI, la DGSCGC, la DICOM et la DSIC. Les autres  ministères représentés en CIC sont la Défense, la Santé, l’Écologie, le Développement durable et l’Énergie, la Justice, les Affaires étrangères, la Jeunesse et les sports, l’Économie et les Finances et l’Éducation nationale. Les services du Premier ministre sont également représentés : le SGDSN (secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SIG et l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information).