Marc, démineur au laboratoire central de la préfecture de police

Marc, démineur au laboratoire central de la préfecture de police
9 novembre 2016

"Dans le cadre habituel du dispositif stade de France, je suis ce soir-là positionné aux abords de l’enceinte avec un autre démineur, afin d’intervenir si besoin pour des levées de doute sur des colis abandonnés dans et autour du stade. Le travail habituel pour nous.

À 21h20, nous entendons une déflagration qui ne nous alarme pas, tant elle paraît lointaine. La salle de commandement nous contacte et nous annonce qu’une explosion d’origine indéterminée s’est produite au niveau de la porte H, faisant deux morts et plusieurs blessés. Nous nous rendons immédiatement sur place où des forces de police sont déjà déployées.

L’une des premières choses que nous découvrons au sol, ce sont des écrous ensanglantés. Pour nous, cela ne fait aucun doute : il s’agit d’un attentat commis par un kamikaze, d’autant plus que l’un des deux morts est complètement démembré. Notre première mission consiste à sécuriser la zone, c’est à dire identifier tout colis suspect, et la tenir.

Entre-temps, une deuxième explosion se fait entendre à la porte D. Mon collègue se rend immédiatement sur place pour sécuriser cette seconde zone. Une demi-heure plus tard, a lieu une troisième explosion au niveau du fast-food. Nous recommençons la même procédure de sécurisation et faisons tenir la zone par les forces de police qui arrivent en renfort. Nous appelons notre hiérarchie qui met en alerte les spécialistes chargés de l’enquête technique. Nous ne savons pas à ce moment-là si d’autres explosions vont se produire, nous appelons donc une équipe de démineurs en renfort pour nous épauler, d’autant plus que tout véhicule ou tout sac se trouvant aux abords du stade devient suspect, nous obligeant à tourner en permanence pour des levées de doute.

Reste un problème de taille : la gestion de la sortie des 80 000 spectateurs. Il a fallu avec les forces de l’ordre sécuriser les sorties et isoler les zones critiques pour que les gens ne voient pas les corps et les éléments au sol qui auraient pu créer un mouvement de panique.

Heureusement, tout s’est déroulé dans le calme. Nous restons sur place jusqu’à 4h00 pour des levées de doute sur des véhicules ou des bagages abandonnés. Nous intervenons même sur les véhicules mis à la disposition de l’équipe d’Allemagne qui ne souhaite plus utiliser son bus officiel.

Nous nous rendons ensuite sur Paris où, avec deux autres équipes, nous tournons toute la nuit pour effectuer des levées de doute dans les bars où se sont déroulées les attaques. La possibilité d’un sur-attentat est toujours envisagée. Une équipe est ainsi intervenue longuement sur le véhicule des terroristes retrouvé devant le Bataclan.

Dans la semaine qui suit, l’ensemble des démineurs est mobilisé en permanence pour de multiples interventions, dont l’assaut de Saint-Denis. Il faut préciser que nous avons pu compter pendant cet épisode sur le dévouement incroyable de tous les personnels du laboratoire central qui, de leur propre chef, sont revenus au service pour travailler. C’est appréciable pour les gens sur le terrain de se sentir soutenus de la sorte."