Pour ce France-Allemagne au Stade de France, la présence du président de la République nous avait été annoncée, le dispositif de sécurité, notamment le déminage, a donc été renforcé en conséquence.
Je l’accueille, en tenue de préfet, peu avant le coup d’envoi, puis m’installe dans la tribune présidentielle aux côtés de Jean-François Carenco, préfet d’Ile-de-France, et lui dis : « Tu vois Jean-François, ici au Stade de France, il ne se passe jamais rien, tout est tenu, les procédures sont réglées ». À peine cette phrase terminée, un énorme bruit retentit.
Ça ne ressemble pas du tout aux pétards qu’on entend habituellement dans les stades. Je quitte immédiatement le préfet Carenco pour monter au PC sécurité du stade. À peine arrivé, l’un des officiers présent me montre les images vidéo d’un individu se faisant exploser à la Porte H, soit la deuxième explosion.
J’ai immédiatement compris la gravité de la situation. Il fallait prendre très vite des dispositions en gelant les entrées et les sorties du stade. Le président me rejoint rapidement au PC de sécurité et je lui explique la situation avec les quelques informations en ma possession. Avec le commissaire Simonin, chef du dispositif de la DOPC sur place, nous faisons l’analyse suivante au président : « les 75 000 spectateurs sont plus en sécurité à l’intérieur qu’à l’extérieur, car tout le monde a été fouillé et contrôlé. Evitons un mouvement de panique et profitons des 70 minutes restant à disputer pour s’organiser, permettre une évacuation sécurisée et jalonner les deux principales sorties permettant d’accéder au RER et au métro. » Nous avons ensuite préparé les messages pour expliquer la manœuvre aux spectateurs, au travers des panneaux électroniques du stade.
Nous savons aujourd’hui qu’outre les terroristes, la seule victime était un chauffeur de bus qui s’est trouvé juste à côté du premier kamikaze. Nous étions assez étonnés de l’endroit où il s’est fait exploser, entre une porte de restaurant et un bar provisoire installé dans la rue, dans un espace d’à peine 1,5 mètre. Les barmans et serveurs n’ont pas été sérieusement blessés, hormis des troubles auditifs, des éclats. Les deux corps étaient totalement déchiquetés alors que des personnes à cinq mètres n’avaient que des blessures légères par rapport à ce qui aurait pu se produire.
Le deuxième terroriste s’est fait exploser seul. Il se présente face aux vigiles présents aux portes d’entrée, il s’éloigne. C’est quand il a vu s’approcher une colonne d’intervention en camionnette qu’il a dû se dire « c’est pour moi », puisque le premier s’était déjà fait sauter. Il se plie en deux et déclenche sa ceinture, sans aucun blessé autour alors qu’il y avait un groupe de vigiles à proximité. A-t-il eu un remord ?
La troisième explosion s’est produite non loin du cheminement d’accès au RER. Le troisième terroriste s’est fait exploser en s’éloignant d’un fast-food alors qu’il était absolument bondé de clients, principalement de personnels RATP et SNCF qui ont l’habitude de manger là-bas, le temps de la rencontre, en attendant de reprendre le service. Il ne s’est pas approché du jalonnement mis en place.
La bombe a été plus efficace avec une demi-douzaine de blessés graves et des impacts d’écrous retrouvés jusqu’à 7-8 mètres de hauteur.
La catastrophe aurait réellement été un mouvement de foule, de panique. Les trois explosions ont eu un impact relativement limité et les blessés ont été pris en charge immédiatement par les secours présents sur place pour le match.
« Je tiens à remercier les personnels du ministère de l’Intérieur pour leurs compétences, leur efficacité et leur courage. Je me souviens de l’équipe de démineurs au Stade de France, qui après avoir sécurisé le stade, sont restés jusqu’à 2h du matin pour gérer l’équipe d’Allemagne et vérifier leur bus. Cinq membres de la police sont également venus renforcer le service de sécurité de la FFF. Et ils étaient encore là, à 6h du matin, pour escorter la délégation allemande jusqu’à l’aéroport de Roissy.
La décision de faire poursuivre le match fut la bonne. Cela s’est passé à la mi-temps dans la salle de crise, à proximité du PC sécurité du Stade de France, avec le président de la République, le ministre de l’Intérieur, qui nous avait rejoints entre temps, et le préfet de Seine-Saint-Denis.
Nous avons ensuite simplement informé le représentant de la fédération et le ministre des affaires étrangères allemands. A la fin du match, j’ai informé les joueurs des deux équipes. Aussitôt après, je suis allé voir les médias en salle de presse pour leur expliquer la situation, les informer et que les gens au stade de France et leur famille en dehors soient rassurés. Au Stade de France, l’organisation a été exemplaire. Les services de l’État, les forces de l’ordre, les stadiers ont parfaitement assuré la sécurité. Merci à tous ! »