La lutte contre la radicalisation est l’une des politiques mises en œuvre par la préfecture du Val-de-Marne. Les services préfectoraux, la police, la justice, ou encore des associations compétentes s’unissent au sein de la cellule de suivi de prévention de la radicalisation, pour engager une réponse au niveau départemental.
« Un suivi attentif, policier et social, », c’est avec ces mots que Thierry Leleu évoque tout l’enjeu du processus de déradicalisation mis en place dans son département. « Le Val-de-Marne est très concerné par le sujet de la déradicalisation, comme le sont nos voisins de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine. Nous travaillons d’ailleurs étroitement ensemble et avec nos collègues de la grande couronne, autour du préfet de Police, sur ce sujet sensible ».
En mai 2014, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, la préfecture met en place la cellule de suivi départemental de prévention de la radicalisation. Son objectif est de recueillir des signalements par le biais du numéro vert national et des correspondants locaux, de les examiner et de faire prendre en charge les individus concernés en fonction des cas : personnes majeures ou mineures, degré de radicalisation ... La cellule, présidée par le préfet et le procureur de la République, réunit régulièrement tous les services concernés de l’État et de la collectivité départementale : services de la protection judiciaire de la jeunesse, Éducation nationale, services de police et de renseignement, parquet, ainsi que des associations compétentes en la matière comme SOFI-AD-FI 94 (voir encadré) ou le CIDFF (centre national d’information sur les droits des femmes et des familles).
« C’est un dispositif parfaitement opérationnel, coordonné par le directeur de cabinet Pierre Marchand-Lacour, en liaison la plus étroite possible avec nos correspondants du Parquet », ajoute Thierry Leleu.
Les personnes dont la radicalisation est avérée sont suivies par les services de renseignement et la police judiciaire. Les cas des mineurs signalés sont transmis à la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) du conseil départemental du Val-de-Marne, pour évaluation. La CRIP saisit, le cas échéant, le parquet ou le Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam. Les familles ayant effectué un signalement concernant une personne majeure et souhaitant bénéficier d’un accompagnement, sont orientées vers les associations qui leurs proposent alors des mesures de soutien adaptées : entretiens individuels, participation à des groupes de parole, orientation vers des professionnels (psychologues, pédopsychiatres...), conseils juridiques (mesures d’interdiction ou d’opposition à la sortie du territoire).
Au 17 février 2016, le bilan depuis l’entrée en vigueur du dispositif est de 33 dossiers confiés à l’association SOFI-ADFI 94, 9 au CIDFF et 61 à la CRIP.
L’association SOFI-ADFI 94 est membre de l’UNADFI, Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu, victimes de sectes (reconnue d’utilité publique). Elle offre une aide et un accompagnement aux familles et victimes de manipulation mentale et d’escroquerie sectaire, et participe à la prévention citoyenne de la radicalisation violente.
Fin 2014, la cellule de suivi de la préfecture propose à l’association d’être incluse dans leur dispositif et de participer aux réunions. Sept bénévoles sont ainsi formés à la problématique de prévention de la radicalisation par le CIPD (Comité interministériel de prévention de la délinquance).
Michèle Cherpillod, présidente de SOFI-ADFI 94, témoigne :
« Le préfet nous informe d’un signalement d’une famille dont un proche majeur serait radicalisé. Nous recevons la famille en entretien privé. On essaie de comprendre s’il y a eu une radicalisation violente, parfois on se rend compte que ce n’est pas une radicalisation pure mais juste une conversion à l’islam. Les familles ont besoin de parler. Quand elles ont fait le numéro vert, elles ont le sentiment d’avoir dénoncé leur enfant. Notre travail est de réussir à les déculpabiliser. Nous les accompagnons même quand la préfecture n’a plus la nécessité de suivre leur dossier, simplement pour ne pas qu’elles se sentent isolées. Les proches ont souvent peur des rechutes. Une fois par mois, nous organisons un groupe de parole. Les familles échangent leurs expériences, leurs solutions et voient qu’elles ne sont pas les seules. Parfois les familles nous contactent directement sans passer par la préfecture. On leur conseille alors vivement d’appeler le numéro vert et on se réserve le droit en temps que citoyen de signaler un cas ».
Floriane Boillot