Derrière les murs de la prison de Fresnes

Derrière les murs de la prison de Fresnes
14 juin 2016

Mise en service en 1898 au cœur du Val-de-Marne, la prison de Fresnes est un établissement important dans le paysage pénitentiaire français. Les services du ministère de l’Intérieur et de la préfecture du Val-de-Marne en sont des partenaires incontournables tant pour sa sécurisation que pour la prise en charge des personnes détenues.


Deuxième établissement de France avec 2980 personnes détenues et écrouées et près de 1000 fonctionnaires pénitentiaires, le centre pénitentiaire de Fresnes dépend du ministère de la Justice mais, selon son directeur depuis 4 ans, Stéphane Scotto, « les occasions de travailler en partenariat avec l’autorité préfectorale et le ministère de l’Intérieur sont multiples et très importantes pour nous ».

Des échanges réguliers avec la préfecture

« Comme dans tous les départements où il y a une prison importante, la préfecture est nécessairement très attentive aux sujets de sécurité publique, d’ordre public, et plus généralement aux questions sociétales de l’établissement, explique Thierry Leleu, préfet du Val-de-Marne. Je préside, avec le procureur de la République, le conseil d’évaluation, soit l’instance de contrôle, de l’activité du centre pénitentiaire. Le directeur de la prison est très étroitement associé à la vie des services de l’État, et nous nous rencontrons tous les quinze jours, à date fixe, sans compter les échanges quasi-journaliers avec le cabinet du préfet dès qu’un problème spécifique doit être évoqué. Cela me paraît tout à fait approprié à la situation. »

La préfecture est également concernée par la prise en charge des publics pour lesquels un maintien en détention n’est pas envisageable au regard de leur état de santé et qui sont placés au sein de l’Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), sur le site du groupe hospitalier Paul Guiraud à Villejuif. Les détenus y sont accueillis avec leur consentement ou sur décision du représentant de l’État, au vu d’un certificat médical circonstancié. Dans le second cas, c’est le préfet du département, dans lequel se trouve l’établissement pénitentiaire de départ de la personne détenue, qui décide de son hospitalisation. « Ces décisions sont suivies par l’unité territoriale de l’ARS, en liaison avec mon cabinet, continue le préfet du Val-de- Marne. Ceci représente un certain nombre de dossiers à examiner avec attention : en 2015 par exemple, nous avons eu 136 admissions à l’UHSA sur décision du représentant de l’État. »

« Un groupe prison » au commissariat de l’Hay-les-Roses

Au sein du commissariat de l’Hay-les-Roses, un « groupe prison », intégré au bureau d’enquêtes et des initiatives (BEI), travaille au quotidien sur des affaires spécifiques à la prison de Fresnes.

« Nous sommes directement impactés sur le plan de l’activité judiciaire, explique Alain Marciano, commissaire central de l’Hay-les-Roses. Nous traitons les pièces « Parquet », liées à des faits commis pendant la détention sur d’autres circonscriptions. Cela concerne notamment des violences entre détenus et des violences sur des agents pénitentiaires, ce qui nécessite une forte réactivité de notre part. Le bon traitement judiciaire de ces affaires durant la détention participe au bon ordre public au sein de la maison d’arrêt. Cette activité est suffisamment forte pour nécessiter un traitement dédié et spécifique. »

Les services de police de l’Hay-les-Roses traitent également des affaires dans le cadre du flagrant délit pour introduction illicite de produits stupéfiants par des visiteurs, pour des parloirs sauvages, avec des personnes qui se tiennent à l’extérieur des murs et tentent de communiquer avec des détenus, voire même leur projettent des objets.

Prison de Fresnes

Les détenus devant se faire hospitaliser sont acheminés vers les centres hospitaliers du Kremlin-Bicêtre et de l’Hay-les-Roses, relevant du district du commissaire Marciano. « Nous faisons beaucoup de gardes d’hôpital, explique-t-il. Les détenus sont amenés par la pénitentiaire à l’hôpital et la police les garde le temps de leur hospitalisation. C’est une mission lourde pour mes effectifs car pour un détenu hospitalisé, deux policiers sont mobilisés. »

Les transfèrements de détenus par la gendarmerie

Les forces de gendarmerie sont sollicitées pour réaliser les transfèrements judiciaires de détenus vers les juridictions de jugement et d’instruction. Une structure spécifique, la section d’appui judiciaire de la région de gendarmerie d’Ile-de-France, est dédiée à cette mission. Le commandant de cette unité regroupant près de 300 gendarmes, le colonel Jean-François Doublier, explique : « Nous utilisons des véhicules dédiés transportant 4 à 10 détenus « ordinaires » simultanément, mobilisant généralement 4 à 5 gendarmes. Pour les détenus particulièrement signalés, l’escorte est renforcée et peut aller de 6 à 20 militaires, renforcés par des motards ouvrant la route et un armement plus conséquent. Certains détenus signalés savent que leur sort est joué et ont pour seule volonté de retrouver la liberté. Ce qui requiert une vigilance de tous les instants ».

En 2015, 6925 détenus de la prison de Fresnes ont ainsi été transférés par les gendarmes, soit 30% de l’activité de l’unité (la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en représentant 51%). Une réforme est actuellement en cours à ce sujet. Ainsi, dès novembre 2017, les transferts de détenus des maisons d’arrêt de Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis seront intégralement pris en charge par les personnels pénitentiaires, puis en novembre 2018 pour celles de l’Essonne (Fleury-Mérogis) et du Val-de-Marne (Fresnes). Par ailleurs, le groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) est compétent dès qu’une prise d’otages en milieu carcéral est en cours, quelle que soit la zone d’implantation de l’établissement pénitentiaire.

Le directeur du centre pénitentiaire conclut : « Fresnes, c’est une logistique qui ne s’arrête jamais, qui fonctionne 24h/24, 7jours/7 et ne peut supporter la moindre interruption. C’est cependant une administration qui pâtit d’un déficit d’image parce que derrière les murs de la prison, notre société détourne dans bien des cas le regard et manifeste plus de sympathie pour les personnes détenues que pour celles qui au nom de la société s’efforcent de maintenir à l’intérieur de ces murs les personnes détenues. Au cinéma ou dans les livres, le héros est plutôt le Comte de Monte-Cristo que son geôlier ».

Richard Wawrzyniak