L'IJ sur une scène de crime

L'IJ sur une scène de crime
27 décembre 2016

Tour d’horizon d’un service de police pas tout à fait comme les autres, à travers une enquête – fictive - qui a mobilisé tous les savoir-faire du SRIJ de Toulouse...


Les 14 membres du SRIJ de Toulouse sont amenés à intervenir sur des scènes de crimes, d’homicides ou d’infractions de moyenne ou de grande délinquance. Relevés de traces, d’indices, prélèvements d’empreintes papillaires ou d’ADN, chaque détail a son importance pour la suite de l’enquête...

Le téléphone de service sonne. Éric, chef du groupe intervention du SRIJ de Toulouse, et son adjoint, Pierre-Alain, savent à quoi s’attendre. Ils sont là pour ça.

Au bout du fil, un officier de police judiciaire leur demande de se rendre dans les plus brefs délais à une adresse précise d’une commune voisine de Toulouse, où le corps d’une femme vient d’être découvert à son domicile par un voisin. Toutes affaires cessantes, ils plongent dans le « mobilab », ce véhicule qu’ils ont imaginé et conçu eux-mêmes avec les agents techniques du SGAMI et qui permet de transporter tout le matériel nécessaire : appareil photo, pinceau, poudre magnétique, poudre noire, écouvillons, appareils reproduisant différentes lumières, et surtout l’indispensable équipement évitant toute pollution du site à passer au crible.

Le véhicule à peine garé, les deux collègues se transforment en quelques minutes en cosmonautes pour pouvoir pénétrer sur les lieux. Après un topo exhaustif du primo-intervenant qui leur livre les éléments de situations qu’il a pu amasser, ils entament leurs investigations. « À partir du moment où nous avons été appelés, plus personne n’est entré dans la maison, rien n’a été bougé. Le périmètre a été bouclé. » Éric le sait très bien, seuls les spécialistes peuvent évoluer dans de telles conditions. « J’en ai vu à mes débuts des magistrats, des journalistes ou des fonctionnaires de divers services saturer les lieux de traces parasites, au risque d’effacer les traces déterminantes pour l’enquête. » 25 ans d’expérience sur des scènes de crimes ont forgé notre homme, qui ne s’en laisse plus conter.

À l’intérieur, les deux « ijistes » examinent tout minutieusement, placent des cavaliers (les célèbres plots jaunes numérotés) près des éléments importants (tâches de sang, douilles, indices...), de manière réfléchie et organisée : « Il faut comprendre la situation avant d’y intervenir. Nous décidons d’un cheminement précis en balayant la scène de façon à trouver un maximum d’éléments pour nous aider, nous aiguiller. Il y a également une grosse part d’instinct qui intervient. » Et cette anecdote qui lui revient immédiatement en mémoire : « Une affaire de vol par escalade dans un splendide appartement avec de très nombreux objets de valeur volés. La première chose qui me marque en entrant dans l’appartement : un superbe bilboquet en bois. J’ai immédiatement eu l’idée de chercher des traces dessus. Bingo ! Le cambrioleur avait eu la même attirance pour cet objet et avait joué avec durant son cambriolage... » Manque de «  professionnalisme » de la part du cambrioleur, il avait manipulé l’objet et l’avait laissé sur place.

Chariot PTS

Collaboration étroite entre l’OPJ et « l’ijiste »

Après cinq heures de travail sur la scène, les deux experts remettent à l’OPJ une trentaine d’écouvillons enfermant de l’ADN, de même qu’une dizaine d’objets sur lesquels des empreintes papillaires ont été révélées. Chaque scellé est numéroté, enregistré par l’OPJ présent sur les lieux, qui est également le directeur d’enquête. Une centaine de clichés photographiques ont par ailleurs également été réalisés : « On va du général au particulier dans nos prises de vue. On débute par une fixation des lieux et, au fur et à mesure, on entre dans les détails : quatre côtés d’une scène, gros plans, zone par zone. Rien ne doit être laissé au hasard, le moindre détail peut avoir de l’importance. »

De retour au service, place à la rédaction du rapport, « l’album » comme l’appellent les initiés. « Il doit répondre à des critères particuliers pour être présenté aux magistrats. Il est crucial d’être le plus précis possible car cet album permet de faciliter le travail des enquêteurs et de garantir l’exactitude de la situation le jour du meurtre. » Pour un « album » de 50 pages, deux jours sont nécessaires pour sa rédaction. Nicolas P., brigadier-chef, adjoint au chef du SRIJ et seul policier actif du service, est un expert dans la réalisation d’un élément primordial dans chaque album : le plan de la scène. « Pour toute scène de crime, nous créons un plan avec les mesures, les côtes, que l’on prend avec un télémètre ou un simple mètre. Il faut être le plus précis possible, à l’échelle. On y place les cavaliers, l’emplacement du corps, les douilles trouvées, l’environnement... Ne rien omettre est indispensable pour la suite de l’enquête. La reconstitution des faits peut parfois survenir deux à trois ans après le meurtre, il faut donc conserver la mémoire des indices prélevés. » Le soir venu, Eric se livre à quelques confidences : « Notre métier ne nous permet pas de voir le plus beau visage de la nature humaine. Mais on positive, on sait que notre travail est essentiel à la résolution de nombreuses affaires. Et on compartimente aussi. Il ne faut surtout pas rentrer à la maison avec ces images. C’est pourquoi nous en parlons énormément entre collègues, pouvons nous confier au psychologue et pratiquons de manière assidue l’humour noir... »

Aux côtés du médecin légiste

Autre mission dévolue aux personnels de l’identité judiciaire : assister, à la demande du procureur, à l’autopsie de victimes à l’institut médico-légal du centre hospitalier de Toulouse. Les « ijistes » y réalisent les photos de telle ou telle partie du corps, à la demande du médecin légiste, susceptibles d’avoir leur importance dans la suite de l’enquête. « On se focalisera alors sur les indices présents sur le corps de la victime : traces de coups, marques anormales, causes de la mort..., explique Armelle, technicienne trentenaire au SRIJ et jeune maman. J’ai plusieurs autopsies difficiles à mon actif, notamment les enfants assassinés par Mohamed Merah à l’école juive. Inconsciemment, on met vite en place des techniques pour se créer des filtres face à la mort : on suit méticuleusement le protocole, on se sert de l’appareil photo pour mettre de la distance, on échange beaucoup avec les collègues. »