Des facteurs historiques et culturels liant la France et la Belgique favorisent les relations entre les deux pays.
Une coopération policière et douanière solide et étroite s’exerce au quotidien sur ce territoire partagé dans un cadre réglementaire tant européen que bilatéral. Le centre de coopération policière et douanière (CCPD) de Tournai, les patrouilles mixtes et les missions de la police aux frontières sont l’illustration d’une collaboration transfrontalière renforcée face à la menace terroriste et la problématique migratoire.
À la suite des attentats commis à Bruxelles le 22 mars, Bernard Cazeneuve a annoncé le renforcement du dispositif de sécurité aux frontières, notamment la frontière franco-belge, et dans les infrastructures de transport :
C’est une frontière invisible. Aucun fleuve, lac ou massif montagneux ne sépare les deux pays, à l’inverse d’autres frontières terrestres de la France métropolitaine. Dans cette plaine des Flandres, la frontière traverse indifféremment villes, villages et rues, et même certaines maisons. Selon Philippe Patisson, coordinateur français du centre de coopération policière et douanière, la frontière est purement fictive pour nombre d’habitants des deux côtés. Et de fait, sur ce territoire partagé, les populations vivent, travaillent et commercent indifférents à la limite territoriale.
Conséquence de cette situation : les délinquants profitent eux aussi de cet espace ouvert, pour y développer leur « activité ». Un problème particulièrement sensible dans le triangle urbain Lille-Courtrai-Tournai qui regroupe près de deux millions d’habitants.
Dès la suppression des frontières à l’intérieur de l’espace de Schengen, es forces de police et de gendarmerie des deux pays ont été confrontées au développement d’une criminalité transfrontière spécifique marquée par de nombreux vols de voitures, cambriolages, vols au bélier et autres trafics de stupéfiants. Si les polices des deux pays ont toujours fait en sorte de collaborer pour lutter contre cette délinquance qui pollue la vie locale des habitants, c’est au début des années 2000 que les gouvernements décident de renforcer leur coopération en donnant aux forces de sécurité davantage de moyens pour assurer leur mission.
Ainsi, en mars 2001, les deux gouvernements signent à Tournai un accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, qui prévoit entre autres la création d’un centre de coopération policière et douanière (CCPD), structure d’échanges d’informations et de coordination, et la mise en œuvre de patrouilles mixtes.
Le 18 mars 2013, une nouvelle étape est franchie avec la signature de « Tournai II » qui renforce encore cette coopération policière. Ce nouvel accord « comprend notamment un certain nombre de mesures concrètes qui donnent aux forces de sécurité belges et françaises des moyens supplémentaires notamment en matière d’intervention ou de droit de poursuite », souligne Jean François Cordet, le préfet du Nord, préfet de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Si les rapports tissés depuis de longues années entre les forces de sécurité belges et françaises ont favorisé une coopération quotidienne qui fonctionne au mieux sur le terrain, et tout particulièrement dans les villes frontalières comme Tourcoing, Roubaix ou Mouscron, les grandes orientations de cette coopération sont cependant définies au sein d’une instance spécifique instaurée par l’accord Tournai I. Le comité stratégique franco-belge est co-présidé par le préfet du Nord, préfet de la zone de défense et de sécurité Nord et la procureure générale près la cour d’appel de Douai, côté français, et le gouverneur et le procureur général, côté belge. Il est chargé de superviser la mise en œuvre de l’accord de coopération et d’assurer le suivi régulier des travaux qui s’y attachent. « Chaque année, le comité se réunit afin de vérifier pour chaque objectif défini, leur niveau d’avancement, ainsi que les difficultés rencontrées et les améliorations à apporter ».
La dernière réunion qui s’est tenue à Lille le 10 décembre dernier a ainsi permis d’analyser les travaux des cinq groupes thématiques créés dans la foulée de la signature de Tournai II : développement de la coopération directe, positionnement et limites du CCPD, définition des actions prioritaires de lutte contre la délinquance transfrontalière, lutte contre l’immigration clandestine, liaisons de radiocommunication. « Les travaux cette année ont mis l’accent sur le besoin pour l’ensemble des services d’intensifier l’échange d’informations et d’analyse en matière de sécurité publique dans la zone transfrontalière, en renforçant notamment la cellule d’analyse du CCPD de Tournai avec des effectifs belges » indique Jean-François Cordet.
Mais, en cette fin d’année 2015, deux dossiers essentiels ont fait l’objet d’une attention particulière lors du comité stratégique : la menace terroriste et les réseaux clandestins d’immigration. « Les événements tragiques de 2015 ont eu pour conséquence une demande de coopération accrue entre les deux pays en matière de renseignements. Si les échanges au niveau national ne sont pas de notre ressort, nous pouvons cependant partager au niveau local un certain nombre d’informations qui peuvent intéresser les services de renseignements des deux pays, étant donné le profil des terroristes qui ont sévi en novembre dernier. Ces échanges qui n’étaient pas spontanés jusqu’à récemment le sont aujourd’hui davantage ».
Quant au phénomène migratoire, « nous ne disposions guère, Belges comme Français, de renseignements précis sur ce qui passait de l’autre côté de la frontière. J’ai souhaité ainsi que nous soit communiqué un maximum de renseignements, notamment sur les voies empruntées par les 35 000 migrants arrivés l’an dernier en Belgique, les filières, mais également leur répartition sur le territoire, à la fois dans les structures gérées par l’État et dans les lieux d’accueil mis en place par les bourgmestres ».
De la même façon, les Belges ont souhaité obtenir toutes les informations sur les migrants installés à proximité de la frontière. « Nous avons beaucoup avancé sur ce dossier grâce notamment à la collaboration de plus en plus étroite entre les ambassades. J’ai moi-même récemment pu échanger sur ces questions avec le cabinet du Premier ministre belge et le directeur de la police fédérale ». Ce qui fait dire au préfet du Nord que « la qualité de la coopération dépend pour beaucoup des relations personnelles qui se sont nouées entre les Belges et les Français, à tous les niveaux : que ce soit entre policiers sur le terrain ou entre le préfet et les gouverneurs. Et aujourd’hui, il existe un degré de confiance important. »
Frank Canton
Les patrouilles mixtes disposent de compétences renforcées. Policiers belges et français peuvent ainsi exercer leurs compétences opérationnelles, y compris en matière d’arrestation, lorsqu’ils sont sur le territoire de l’autre partie, dans le cadre de ces patrouilles mixtes. Lorsque les policiers Belges ou Français sont sur le territoire de l’autre partie pour l’exécution d’une mission légale, ils peuvent arrêter l’auteur d’un crime ou d’un délit flagrant, même s’ils opèrent seuls, pour ensuite mettre cette personne à disposition des fonctionnaires territorialement compétents..
En cas d’urgence ou de d’accident grave, l’intervention de la patrouille la plus proche, qu’elle soit belge ou française, est désormais possible afin d’assurer les premiers secours et de sécuriser le site avant l’arrivée de l’unité territorialement compétente. Un fichier automatisé commun sera créé au CCPD de Tournai. Les données à caractère personnel recueillies pourront être stockées et traitées. Ces données seront sécurisées et resteront confidentielles.
Ouvert en 2OO2, le centre de coopération policière et douanière (CCPD) franco-belge de Tournai permet aux services belges et français concourant à la sécurité de disposer rapidement de renseignements sur les ressortissants du pays voisin. Mais plus qu’un centre d’information, le CCPD est devenu l’un des piliers de la coopération entre les deux pays.