Le haut pays ariégeois est dominé par la Pique d’Estats à 3 143 mètres, le pic de Montcalm et le pic du port de Sullo. Plus au nord, les massifs du piémont pyrénéen sont parsemés de vastes forêts et de rivières. C’est dans ces paysages contrastés qu’intervient le PGHM (peloton de gendarmerie de haute-montagne) de l’Ariège.
À Savignac-les-Ormeaux, près d’Ax-les-Thermes, les 17 gendarmes du PGHM effectuent environ 240 secours par an. Jean-Louis Hildenbrand commande l’unité depuis l’été 2012 : « Nos secouristes sont formés pour intervenir en paroi, canyon, barre rocheuse, ou encore au sommet des arbres. Entre pêcheurs d’altitude, parapentistes ou marcheurs, l’Ariège accueille surtout un tourisme régional. Quelques stations familiales de ski de piste et de fond attirent aussi les locaux, comme Ax les 3 domaines, Les Monts d’Olmes, ou le plateau de Beille » Le PGHM est en activité toute l’année, contrairement à beaucoup d’autres PGHM qui travaillent en alternance avec les CRS de montagne ou les sapeurs-pompiers, et chaque saison apporte son lot d’interventions : en septembre, des cueilleurs de champignons se perdent en sortant des sentiers ; en octobre, les chasseurs s’aventurent en zone escarpée à la poursuite de l’izard (chamois local). L’hiver arrivent les skieurs, puis à partir de juin ce sont les randonneurs estivaux. Et les terrains sont propices aux accidents : traumatologies, malaises cardiaques, égarements, chutes... la randonnée représente 50 % des interventions annuelles du PGHM !
Une autre problématique est à relever dans le département : le réseau téléphonique ! « En montagne, les gens auprès de la victime sont souvent obligés de marcher deux ou trois heures pour prévenir les secours... En cas de besoin, il vaut mieux monter sur une crête pour trouver du réseau plutôt que descendre dans la vallée », explique l’un des secouristes.
Avant l’intense saison estivale, l’adjudant-chef Sébastien Thomas organise un recyclage des techniques basé sur les retours d’expérience: « Nous travaillons sur la diminution du risque, en prévoyant des exercices par rapport aux problématiques et à l’accidentologie de l’année en cours », explique-t-il.
Au dessus de l’impressionnant barrage de Laparan, sur le pic du Rulhe, un gendarme tient le rôle d’un alpiniste blessé à l’épaule, coincé à 2 700 mètres en pleine descente en rappel. Hélitreuillés, les secouristes vont mettre en place le chantier (pitons, cordes, treuil), sur l’arête alors vierge de tout équipement, pour ensuite remonter la victime avec la technique du cacolet italien (le blessé se met à califourchon sur le dos du secouriste, qui le dégage du relief sans le porter). Le capitaine Alain Valette pilote l’hélicoptère EC145 du détachement aérien de la gendarmerie, basé à l’aérodrome de Pamiers : « Pour voler en montagne il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte : l’horizon que l’on ne voit pas, la météo instable, l’aérologie, savoir calculer la pente pour se poser sur des reliefs en «appui-patin» sans que le rotor risque de toucher... Un bon pilote de plaine n’est pas forcément un bon pilote en montagne ! » Le travail suivant consiste à effectuer un sauvetage à l’aide de la sangle aéronautique. Cette technique est adaptée au relief ariégeois : « Parfois les randonneurs veulent couper pour gagner du temps, explique Sébastien Thomas, et plutôt que de remonter quand ils font une erreur, ils continuent de descendre, se retrouvent dans des barres rocheuses, et sont bloqués. Les marcheurs ne sont pas équipés de baudrier, on doit donc « pêcher » la victime en attachant la sangle autour d’elle pour l’évacuer par les airs ». Cette manipulation délicate n’est utilisée que s’il y a un danger de chute immédiat de la victime, une météo dégradée ou un risque imminent de chute de pierre.
19 juillet. Comme souvent depuis le début de l’été, le PGHM de Savignac-les-Ormeaux est appelé pour un secours dans le canyon d’Argensou. Une jeune fille s’est mal réceptionnée lors d’un saut de 10 mètres : elle est victime d’un traumatisme dorsal. Un médecin accompagne les secouristes du PGHM, la blessée est hélitreuillée en civière médicalisée et transportée à l’hôpital de Foix. Pour intervenir en montagne et canyon, les médecins doivent être formés aux techniques de progression, d’intervention et de médicalisation en milieu périlleux. Pierre Durand, guide de haute montagne et retraité du PGHM, est le coordinateur technique du diplôme interuniversitaire de médecine et d’urgence en montagne : « Ce diplôme est organisé conjointement par les universités de Grenoble et de Toulouse, et la formation se déroule sur deux ans. Nous abordons toutes les problématiques estivales et hivernales liées à la montagne : escalade, spéléologie, canyoning, avalanche, hypothermie, glacier, crevasse, altitude... » Des médecins référents encadrent la partie médicale, et des guides des PGHM et des CRS enseignent la partie technique. Le canyon est un environnement humide, froid et très bruyant. Les médecins doivent être capables de descendre en rappel, parfois sous des cascades, et effectuer leurs gestes médicaux dans cet environnement perturbant. « Il est important que chaque stagiaire puisse acquérir une autonomie, souligne Sébastien Thomas, qu’il sache se déplacer seul sur les agrès que l’on va installer, pour que dans les manipulations de secours, on puisse se concentrer uniquement sur le soin à personne et pas sur le médecin. » Le PGHM de l’Ariège collabore régulièrement avec les 14 médecins de montagne de l’Ariège, les associant tous les mois aux instructions du groupe montagne de la gendarmerie.
Floriane Boillot