Tunisie, Égypte : Les attachés de sécurité intérieure au coeur des événements

Tunisie Egypte
10 juin 2011

Les mouvements populaires qui secouent la Tunisie et l'Égypte depuis le début de l'année ont placé les attachés de sécurité intérieure des ambassades devant la nécessité de porter conseil et assistance aux ressortissants français dans ces pays.


Arif Daood était au Caire et Alain Tisnerat à Tunis.

Civique : Comment les ressortissants français en Tunisie et en Égypte ont-ils vécu ces événements ?

Alain Tisnerat :

En Tunisie, les résidents français (30 000) ne se sont jamais réellement sentis menacés en tant que tels, et il n'y a pas eu de moment de panique suscitant notamment des départs massifs du pays. On estime que 3 000 personnes environ seraient parties provisoirement. Cela étant, durant quelques jours, notamment après le départ de Ben Ali, tout le monde a vécu des moments d'inquiétude voire d'angoisse quand personne ne savait comment la situation allait évoluer. Les forces de police et de gendarmerie ayant quasiment disparu dans de nombreux endroits, la crainte était forte à ce moment-là de voir le pays livré à l'anarchie et à la délinquance. Nous craignions notamment des bandes de pillards, d'autant plus que 10 000 détenus venaient de s'évader de leurs prisons.

Arif Daood :

En Égypte, les évasions massives de prisons, les pillages commis dans de nombreux magasins, dont des enseignes françaises, la création de comités populaires armés à chaque rue sont venus s'ajouter à la disparition totale de la police, à l'interruption des téléphones portables et d'Internet. Certains compatriotes ont été arrêtés puis retenus. Il est donc aisé de comprendre la peur qui s'est emparée de la communauté française dans la mégapole du Caire et ailleurs dans le pays, peur amplifi ée par les rumeurs colportées suite aux difficultés de communication, de déplacement et d'approvisionnement. L'aéroport du Caire a été pris d'assaut par les différentes communautés d'expatriés mais aussi par les Égyptiens eux-mêmes.

Civique : Quel a été votre rôle et celui de l'ambassade ?

Alain Tisnerat :

L'ambassade de France à Tunis et le consulat ont joué un rôle essentiel pour informer, rassurer et venir en aide à nos compatriotes. Au sein de cette équipe, car il faut parler d'équipe, j'ai d'abord été le conseiller « sécurité » de l'ambassadeur et des autres diplomates. Ensuite, comme tous les autres chefs de service, j'ai participé à l'information, au conseil de nos compatriotes et au maintien des liens avec les autorités locales. Une cellule de crise  opérationnelle était activée 24 heures/24 pour répondre aux questions de nos concitoyens mais aussi, souvent, pour les rassurer et pour alerter les autorités tunisiennes lorsqu'une intervention
de la police ou de l'armée était nécessaire – 6 000 appels ont été traités dans cette période. Des réunions très régulières ont été organisées avec les chefs d'îlots [NDLR : organisation de la communauté française en secteurs et centres de regroupement pour leur sécurité] pour, là encore, donner des informations et des conseils et rappeler les consignes de sécurité. Malgré la crise et la désorganisation des forces de sécurité, j'ai pu maintenir le contact avec mes partenaires du ministère de l'Intérieur en vue d'aider nos concitoyens.

Arif Daood :

Au Caire aussi, il a fallu un grand esprit de solidarité de tous les acteurs  disponibles de l'ambassade. La mobilisation permanente de chacun d'entre nous s'est traduite sous plusieurs formes, notamment par la mise en place d'une cellule de réponse téléphonique H24 et d'un suivi individualisé des demandes par une cellule de crise. Parmi les milliers d'appels reçus, l'identification de 200 cas en véritable difficulté a donné lieu à une intervention de l'ambassade auprès des services compétents, mais aussi à des aides médicales ou consulaires. Des menaces particulières ayant pesé sur les journalistes, seize d'entre eux ont été exfiltrés de leur hôtel et vingt ont été conduits sous notre protection à l'aéroport, où nous avons tenu une permanence articulée autour d'un agent du service de sécurité intérieure (SSI) pour faciliter les démarches des ressortissants français souhaitant quitter l'Égypte. Enfin, l'ASI a été un pôle de renseignement de la direction de la coopération internationale (DCI) et des autorités du ministère de l'Intérieur ainsi qu'au profit des très nombreuses entreprises françaises implantées en Égypte.