Prévention de la délinquance : 3 questions à Jean-Marie Bockel

3 questions à Jean-Marie Bockel
1 août 2011

À la mi-juillet, le sénateur du Haut-Rhin, Jean-Marie Bockel, a remis au Premier ministre le compte rendu de la mission parlementaire que celui-ci lui a confiée le 14 janvier dernier.


Civique : Monsieur le Sénateur, quel est l'objet de la mission parlementaire qui vous a été confiée ?

Jean-Marie Bockel :

Cette mission s'inscrit dans la continuité des travaux sur la prévention de la délinquance réalisés au cours de ces dernières années et des rapports Ruetsch, Reynès, Benisti et Lachaud, ainsi que du mien sur la prévention de la délinquance juvénile, que le président de la République m'avait demandé. Également dans le cadre de l'application du plan de prévention de la délinquance de 2009 et de la loi de mars 2007, texte à l'élaboration duquel j'avais participé en tant que président de l'association des maires des grandes villes de France. Mais cette loi de 2007, qui place le maire au centre du dispositif de prévention de la délinquance, est peu appliquée. Pour autant, sur le terrain, plusieurs acteurs ont mis en œuvre une multitude de bonnes initiatives en faveur de la prévention de la délinquance. Ma mission consiste à identifier les bonnes pratiques et accompagner ces démarches en les développant et en les faisant mieux connaître. Pour ce faire, il faut mobiliser les territoires, les différents acteurs et notamment les conseils généraux qui ne jouent pas un rôle suffisamment important dans la prévention de la délinquance. Le 28 juin dernier, j'ai organisé à Paris un colloque national pour rassembler ces acteurs afin de faire connaître et encourager les meilleures initiatives. Ma mission ne débouchera pas sur une nouvelle loi.

Civique : Comment avez-vous travaillé au cours de ces six mois ?

Jean-Marie Bockel :

En 2010, lorsque j'étais secrétaire d'État à la Justice, j'avais déjà rencontré tous les experts de la prévention pour la mission que m'avait confiée le président de la République sur la prévention de la délinquance des jeunes. Je n'ai donc pas ré-enquêté. Cette fois-ci, je me suis beaucoup déplacé sur le terrain pour regarder de près les expérimentations les plus diverses. C'était aussi l'occasion de rencontrer les acteurs locaux, les élus, les associations, les enseignants, mais aussi la police, la gendarmerie, les préfets et les procureurs. Je me suis rendu sur des territoires où existent des difficultés, en banlieue, en province, mais aussi en outre-mer, à Cayenne notamment. Je suis allé au Canada, où depuis une trentaine d'années a été mise en place une politique de détection précoce des comportements des jeunes enfants dès l'âge de trois ans. J'avais déjà fait cette proposition lors de ma mission sur la délinquance des mineurs. Elle avait été très critiquée à l'époque mais mal comprise. Car il s'agit de se donner les moyens de mieux lutter contre l'échec et l'absentéisme scolaires et d'éviter le basculement vers la délinquance, pas seulement dans le cadre de la prévention de la récidive mais aussi le plus en amont possible.

Civique : Quelles sont les principales conclusions de votre compte rendu de mission ?

Jean-Marie Bockel :

La philosophie générale est d'abord qu'il ne faut surtout pas opposer ou séparer sécurité et prévention. Ensuite, le b.a-ba de la politique de prévention, ce sont les réseaux. Il faut donc une bonne coordination territoriale des partenariats, mettre de la cohérence entre les acteurs de terrain. Il faut aussi une politique d'aide à la parentalité, envisager des formations à la citoyenneté pour certaines familles. La réalité de l'immigration ne doit pas être déniée. Le mode d'éducation des enfants lié aux communautés est à prendre en compte. Les écoles de parents, les contrats de responsabilité sont des expériences qui marchent. Par ailleurs, l'école est un axe important pour restaurer la citoyenneté. Enfin, il faut reconquérir l'espace public en développant les partenariats entre la police, les acteurs sociaux, les transporteurs et les bailleurs. Je propose aussi que l'on relance la présence des éducateurs de rue grâce à un partenariat avec les conseils généraux. L'échec de la prévention c'est quand on en parle et qu'on n'en fait pas.