Le PITE, un outil unique au service des territoires

Pite
29 mars 2011

La création du programme des interventions territoriales de l'État (PITE) en 2006 a permis aux préfets de région de disposer d'un outil budgétaire facilitant la conduite de politiques territoriales interministérielles complexes. Si le PITE finance à l'heure actuelle quatre actions, le ministère de l'Intérieur souhaite mettre cet outil au service d'autres projets.


Le programme des interventions territoriales de l'État (PITE) constitue un outil budgétaire spécifique au sein du budget de l'État. Imaginé et porté par le ministère de l'Intérieur, il fut créé en 2006 afin de faciliter la conduite de grands projets territoriaux qui mobilisent plusieurs programmes budgétaires relevant de différents ministères. Il s'agissait notamment de s'adapter à la LOLF et à sa logique "verticale" où chaque politique est portée par un programme spécifique étanche relevant d'un seul ministère.

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L'avantage du PITE est qu'il permet à l'État de mettre en oeuvre, sur un territoire donné, un programme d'actions intégré faisant intervenir plusieurs programmes budgétaires, explique Jean-Benoît Albertini, secrétaire général adjoint du ministère de l'Intérieur et directeur de la modernisation et de l'action territoriale. Le préfet peut ainsi disposer en même temps de l'ensemble des crédits qui vont financer ce programme et les utiliser de façon beaucoup plus souple.

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Comme le PITE permet de réunir en début d'année les crédits apportés par différentes administrations et de les rendre fongibles, le préfet dispose d'une capacité de pilotage et de financement globaux.
En contrepartie de ce financement particulier, le ministère de l'Intérieur, qui gère ce programme pour le compte du Premier ministre, s'est engagé sur une parfaite traçabilité de l'emploi des crédits. "La fongibilité dans le PITE, ce n'est pas la confusion des crédits. Nous devons être en mesure d'informer chaque ministère contributeur de l'utilisation qui est faite de ses crédits". Sur ce point, la DMAT est chargée non seulement d'assurer l'animation interministérielle des actions mais également le suivi des opérations.
Jean-Benoît Albertini tient également à rappeler que le PITE, comme tout programme de la LOLF, fait l'objet d'un rapport annuel de performance, qui permet aux citoyens et au Parlement d'avoir une vision globale de l'état d'avancement des opérations et des moyens financiers engagés.

Si ce dispositif apporte souplesse et cohérence dans la conduite des actions, le PITE reste exceptionnel dans le paysage budgétaire français. "Ne sont retenus que les plans gouvernementaux interministériels caractérisés par un enjeu territorial majeur, la nécessité d'une rapidité d'action de l'État ou d'accélération d'un plan complexe, notamment dans le cadre d'enjeux européens ou d'initiative gouvernementale prioritaire". À preuve, l'action engagée en Corse répond à un objectif fixé par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse et aux orientations du président de la République ; celles qui concernent l'amélioration de la qualité de l'eau en Bretagne et la préservation du Marais poitevin, répondent à des politiques européennes. Le PITE s'est également montré très efficace pour le financement d'opérations engagées sur un territoire dépassant les limites administratives, comme celui du Marais poitevin, qui s'étend sur deux régions, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes.

Le PITE concerne à l'heure actuelle quatre actions, et la tendance est loin d'être inflationniste.

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Ce dispositif doit rester une exception. La Cour des comptes et l'Assemblée nationale ont d'ailleurs relevé que nous étions restés très sélectifs, en insistant cependant sur l'intérêt de poursuivre ce programme. Sur ce point, nous procédons chaque année à une consultation des préfets de région pour leur demander de nous faire remonter les opérations susceptibles d'être retenues. Si les actions répondent aux critères du programme, à savoir le caractère stratégique de l'opération et sa complexité budgétaire et technique, ils seront soumis à concertation interministérielle.

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À la suite de l'appel à projets lancé en 2009, trois dossiers ont notamment émergé : l'un concerne le développement du Grand Morvan en Bourgogne, un autre porte sur la formation en Picardie et le dernier sur la filière bois en Auvergne, dans le Limousin et en Bourgogne. Certains ont de bonnes chances d'aboutir, notamment celui du Grand Morvan.

Un programma, quatre actions

Le PITE concerne quatre actions adossées à des plans interministériels territorialisés, pour un budget de 47,68 M€, auxquels s'ajoutent 25 M€ versés par l'agence pour le financement des infrastructures de transport de France.

1 "Eau, agriculture en Bretagne",

une action présentée par le préfet de région Bretagne, s'attache à améliorer la qualité de l'eau bretonne en incitant les agriculteurs et les autres acteurs économiques à supprimer les atteintes à l'environnement et à respecter les normes européennes. Enrichie en 2011 d'un axe relatif au « plan algues vertes », cette action est dotée en 2011 de 11,40 M€.

2 "Programme exceptionnel d'investissements",

une action présentée par le préfet de Corse, vise à soutenir le développement de l'île en favorisant l'investissement dans les équipements publics structurants. 28,58 M€ sont prévus cette année en crédits budgétaires sur cette action, auxquels s'ajoutent 25 M€ issus de fonds de concours.

3 "Plan gouvernemental pour le marais poitevin",

une action présentée par le préfet de région Poitou- Charentes, entend préserver et valoriser ce patrimoine naturel.

4 "Plan chlordécone en Martinique et Guadeloupe",

une action présentée par le préfet de région Martinique, vise à répondre aux risques liés à la contamination des sols par le chlordécone, un pesticide utilisé en Martinique et en Guadeloupe. 2,92 M€ sont prévus sur cette action en 2011.

L'exemple du Marais poitevin

Un entretien avec Bernard Tomasini, préfet de la région Poitou-CharentesCivique : Pourquoi ce territoire fait-il l'objet d'un plan d'action spécifique ?Bernard Tomasini :

Avec plus de 100 000 hectares, le Marais poitevin est une des plus grandes zones humides d'Europe et la seconde en France après la Camargue. Il est caractérisé par la diversité et la grande richesse biologique des milieux qui le composent, mais aussi par une agriculture dynamique.
La France a été condamnée en 1999 par la cour de justice des communautés européennes pour une mauvaise application de la directive concernant la conservation des oiseaux sauvages. À la suite de cette condamnation, le gouvernement a adopté un plan gouvernemental pour le Marais poitevin qui énonce les actions à mettre en place pour sauver la biodiversité de ce territoire et ainsi suspendre tout risque de contentieux. C'est dans ce contexte que le préfet de la région Poitou-Charentes a été nommé préfet coordonnateur de ce plan d'action. Mes prédécesseurs ont souhaité l'inscription du plan d'action dans le cadre budgétaire du PITE, parfaitement adapté à la large gamme des actions qui ont été mises en oeuvre.

Civique : Quels sont les axes du plan d'action ? Bernard Tomasini :

Quatre objectifs ont été identifiés lors de l'élaboration de cette action du PITE, relative au plan gouvernemental sur le Marais poitevin : inscrire ce territoire dans le réseau de sites écologiques européens « Natura 2000 », assurer une gestion coordonnée de l'eau du marais, une opération « grand site » destinée à valoriser le tourisme dans le respect de l'environnement, et la recherche de cohérence dans l'aménagement de ce territoire par l'élaboration d'une charte afin de reconquérir le label de parc naturel régional.

Civique : Comment fonctionne localement la programmation des crédits du PITE et quels en sont les avantages ?Bernard Tomasini :

En tant que préfet de région coordonnateur pour le Marais poitevin, je suis responsable du budget opérationnel de programme (BOP). Chaque début d'année, en fonction du budget qui m'est alloué – environ 4,5 M€ par an, depuis deux ans – j'organise la répartition des fonds entre les différents services de l'État concernés par le plan (DRAAF, DREAL, DDT…). La conférence administrative du Marais poitevin est l'instance qui examine les propositions de programmation et valide le BOP en fonction des objectifs assignés à l'action. La gestion opérationnelle des crédits est effectuée par le SGAR Poitou-Charentes.
Nous veillons à une grande équité entre les ministères contributeurs, c'est-à-dire à une répartition dans le respect des contributions de chacun. Cela dit, la fongibilité des crédits du PITE donne de la souplesse au programme et permet une gestion « solidaire » sur les axes prioritaires entre les différents ministères.
Le dialogue de gestion s'effectue sous mon autorité, en concertation avec mes trois collègues préfets, les administrations régionales et départementales. Ces échanges permettent de donner beaucoup de cohérence à l'action de l'État sur un territoire aussi morcelé d'un point de vue administratif, cela permet ainsi de coordonner les approches des différents départements
ministériels.
Tous les trimestres, des comptes rendus quantitatifs et qualitatifs sont envoyés au secrétariat général du ministère de l'Intérieur, très présent dans le suivi de la programmation.
La dimension interministérielle de l'action Marais poitevin du PITE nous apporte deux grands avantages : une souplesse dans la gestion des fonds et une grande cohérence des actions conduites par l'État.

Civique : Pouvez-vous nous donner des exemples de cette gestion ?

Bernard Tomasini :

Le parc interrégional du Marais poitevin vient d'être labellisé « Grand Site de France » en juin 2010. Cette reconnaissance a été rendue possible grâce aux travaux entrepris depuis cinq ans dans le cadre de l'opération grand site financée sur les trois départements par le PITE. En cinq ans, plus de vingt sites remarquables (petits ports maraichins, places de villages…) ont fait l'objet d'une rénovation, aussi bien paysagère qu'architecturale. La mobilisation rapide des crédits, le suivi de l'exécution par les services de l'État coordonnés par le SGAR, et l'engagement des collectivités, rendu possible par l'effet levier du PITE, ont permis d'aboutir à ce résultat dans un délai très court. Ces opérations permettent de développer un tourisme pérenne, respectueux des sites et de l'environnement, et ainsi garant d'un développement économique durable.
Précisons également que ce territoire a été fortement touché par la tempête Xynthia. La souplesse du PITE m'a permis de réorienter rapidement une partie des crédits pour financer la rénovation des portes à la mer de Marans, ouvrages indispensables à l'évacuation des eaux douces du marais mouillé, et qui le protègent des submersions.
Les principes du PITE nous apportent donc satisfaction sur le terrain. Ce mode d'intervention financier de l'État est très performant techniquement et doit donc être préservé. J'ajoute que dans le cadre de la loi Grenelle 2, un établissement public de l'État va être mis en place en 2011 pour la gestion de l'eau et de la biodiversité sur l'ensemble du bassin versant du Marais poitevin. C'est une initiative importante, qui était attendue, car elle off re la perspective d'une gestion plus apaisée de ce territoire complexe et fragile.
Pour les compétences qu'il sera amené progressivement à assurer, il bénéficiera d'une subvention globale versée par le PITE.