Depuis 2010, des agents de préfecture effectuent des stages d'immersion en consulat, et inversement. Interview croisée de Caroline T., du consulat de France à Istanbul, et d'Arlette M., de la préfecture de Seine-Saint-Denis, qui ont participé à cette initiative de la direction de l'immigration et de l'intégration.
Je délivre des visas de long séjour à des ressortissants turcs qui souhaitent s'installer en France, soit parce qu'ils y ont trouvé un travail, soit parce que leur famille y vit déjà. J'instruis donc les demandes, convoque pour entretien, délivre ou refuse les visas, ou encore m'occupe des courts et des longs séjours en France. Le consulat d'Istanbul délivre près de 100 000 visas par an.
De mon côté, j'ai en charge une direction de 125 agents répartis en six bureaux qui traitent du droit des étrangers, à la fois en matière de titres de séjour et de voyage, de refus de séjour, d'éloignement, de contentieux liés à ces mesures, de naturalisation et de toute la partie logistique de gestion de ces dossiers. Nous traitons 50 000 cartes de séjour par an, 12 000 documents de voyage, 1 500 demandes de regroupement familial, et accueillons chaque année près de 3 000 primo-demandeurs d'asile. En outre, la communauté turque est très importante en Seine-Saint-Denis puisqu'elle représente la cinquième plus importante communauté étrangère du département.
Je suis venue durant une semaine au sein de la direction de l'immigration et de l'intégration de la préfecture de Bobigny. Cela m'a permis de voir comment on y travaille une fois que le ressortissant turc, ou autre, arrive en France. Généralement, une fois que le visa est délivré et avisé sur le passeport par le consulat, on ne sait pas ce qui se passe ensuite en France, quelles sont les démarches en préfecture, les conditions d'acceptation d'un dossier, les procédures à suivre… Cette expérience me permet de mieux comprendre le fonctionnement de nos deux administrations, à la fois différentes mais complémentaires. J'ai été accueillie par les six bureaux que compte la direction, suis allée au guichet pour constater la diversité du public et de ses demandes, ai vécu le quotidien de mes collègues de préfecture…
À l'inverse, j'ai été accueillie durant une semaine au consulat de France d'Istanbul. J'y ai découvert son organisation, son fonctionnement, ses acteurs. J'ai également été reçue par le consul général, ou encore par l'office français d'immigration et d'intégration (OFII), avec qui je travaille ici au quotidien. Il a été très intéressant de voir travailler ensemble des agents du ministère des Affaires étrangères et des agents turcs recrutés localement et qui font le lien, notamment au niveau de la langue.
Je m'y suis rendue avec un grand nombre de questions sur des dossiers que nous connaissons bien en Seine-Saint-Denis.
Cet échange m'a permis d'aborder la question d'immigration de manière globale, notamment en observant l'ensemble des procédures. J'ai pu ainsi prendre un peu plus de recul sur ma mission. Dorénavant, lorsqu'un ressortissant turc m'interroge sur des questions particulières, je n'hésite pas à me rapprocher du réseau des préfectures pour
obtenir la bonne réponse.
C'est une manière de renforcer nos liens, de mieux connaître nos missions respectives et de développer notre relationnel. Ces échanges permettent à deux maillons d'une chaîne qui ne se connaissaient pas bien de se rapprocher, de se découvrir. Sous le vocable « immigration », l'intérêt est de rassembler des acteurs issus de ministères différents, comme l'Intérieur et les Affaires étrangères.
Je tiens à souligner que cette expérience a été très riche d'enseignement et m'a permis, dès mon retour, d'en tirer profit au quotidien dans mon travail. Enfin, j'ai gardé des contacts amicaux avec toute l'équipe des visas du consulat, dont Caroline.
Pour le secrétaire général à l'immigration et à l'intégration, ces échanges entre préfectures et consulats sont
un moyen de rapprocher des personnels, des responsabilités, des expertises, des savoir-faire professionnels exigeants dans des univers à l'origine différents, mais qui font partie d'un même ensemble et sont placés sous une même autorité en termes de pilotage de la politique d'immigration.
Cette expérience avait été lancée en 2004, à l'initiative du ministre de l'Intérieur, avec un premier rendez-vous à Marseille réunissant des préfets, des ambassadeurs et des consuls. Nous avons ensuite construit des formations croisées et, à partir de 2009, mis en place des stages qui sont des passerelles pour les personnels de préfectures et de consulats permettant d'observer les points communs et les spécificités professionnelles de chacun.
En 2010, une dizaine de consulats et de préfectures ont été concernés par cette initiative.