Gendarmes en Afghanistan

Gendarmes en Afghanistan
2 mars 2011

Depuis un peu plus d'un an, les gendarmes ont pris place dans le dispositif français déployé en Afghanistan.


Force de police à statut militaire, la Gendarmerie nationale use de son expérience et de ses compétences pour concourir à la restauration d'une force de police afghane efficace.

Un objectif en deux temps, de la formation en école au tutorat des policiers dans ce pays en guerre.

Capitale de la province de Kapisa, au nord de Kaboul, Mahmud-E-Raqi abrite l'Operational Command Center Provincial (OCCP, centre de commandement provincial opérationnel).

Tous les deux jours, les cinq gendarmes de la Police Operational Mentoring and Liaison Team (POMLT, équipe de liaison et de mentoring opérationnel de la police) de Mahmud- E-Raqi quittent le camp français de Warehouse, à Kaboul, pour se rendre à l'OCCP. Quelque soixante kilomètres parcourus en véhicules civils blindés, dans un état de vigilance permanent ; la route creusée par les engins explosifs improvisés témoigne d'un danger omniprésent et pouvant frapper à tout moment.

L'OCCP a pour vocation de former des cadres de l'Afghan National Police (ANP). Sur place, les gendarmes sont accueillis chaleureusement par son commandant, le colonel Nazir Akbar, avant de rejoindre leurs élèves.

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Chacun s'est vu attribuer un domaine de compétence en fonction de son expérience propre,

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explique le lieutenant Lionel K., en charge de la partie commandement. Pendant les six mois de leur mandat, les gendarmes mobiles et l'adjudant Patrick V., gendarme départemental mentor, ont formé les cadres au renseignement, à la gestion du personnel et de la logistique, aux transmissions, aux premiers secours opérationnel, etc.

La formation des cadres s'inscrit dans la continuité de celles dispensées au centre de formation de l'Afghan National Civil Order Police (ANCOP, police nationale afghane dédiée à l'ordre civil) de Mazar-E-Sharif, à l'extrême nord du pays.

Ici, quarante-trois gendarmes français et leurs homologues espagnols, hollandais et polonais, tous placés sous mandat de la Force de gendarmerie européenne (FGE), assurent l'instruction des élèves officiers et sous-officiers de l'ANCOP. À l'ouverture de ce centre en décembre 2009, tout était à mettre en place.

« Nous avons élaboré des tests de sélection inspirés de ceux mis en place par la gendarmerie en France, et composés d'épreuves écrites et de sport. Ces tests ont d'abord été soumis au ministère de l'Intérieur afghan et au général Sharif, le commandant de l'ANCOP »,

explique le capitaine Stéphane L., alors officier instructeur. Les cinquante premiers élèves officiers sont recrutés par ordre de classement parmi cent vingt-cinq sous-officiers volontaires déjà engagés. Quant aux sous-officiers, ils ont été recrutés parmi la population civile et les sous-officiers du rang de la police.

« Les horaires d'instruction ont été adaptés au rythme de vie musulman, en respectant les heures de prières. En manifestant notre respect de leur culture et de leur rythme de vie, nous avons gagné la confiance des élèves » explique l'adjudant Didier M.. Six jours sur sept, pendant vingt-deux semaines pour les élèves officiers et quatorze pour les élèves sous-officiers, les gendarmes ont transmis leur savoir-faire aux futurs policiers nationaux afghans. Les cours sont dispensés en présence d'un interprète et leurs contenus se rapprochent de l'instruction mise en place dans les écoles de gendarmerie en France : apprentissage du code pénal, sport, combat, tir, etc.

Gendarmes en Afghanistan_g1

En plus de leurs élèves, les gendarmes français participent au programme « Train the Trainer » mis en place par la FGE. Son objectif est d'assurer le passage de relais et augmenter la capacité de formation des forces de police du pays. Dans ce cadre, certains cours leur sont confiés, tels l'histoire de l'Afghanistan, le code de la police et la Constitution.

Au terme de leur formation, les officiers et sous-officiers de l'ANCOP reçoivent une affectation aux quatre coins du pays. Les premières promotions de cinquante officiers et de deux cents sous-officiers ont quitté Mazar-E-Sharif en avril. « Beaucoup nous ont remerciés. Pour certains, ce diplôme remis en fin de formation est le premier », confie l'adjudant M..
En opération sous groupement tactique interarmes (GTIA) dans la vallée de la Kapisa, la POMLT de Tora,  constituée de gendarmes mobiles de l'escadron de Versailles-Satory, accompagne quant à elle les policiers de l'ANP sur le terrain. Avec les autres armées, sa mission est de reconnaître les villages de la vallée et de retrouver des insurgés.

Après une première nuit à la belle étoile en avant-poste, gendarmes français et ANP partent en reconnaissance de villages. Ils progressent à l'intérieur d'un cordon de sécurité formé par les militaires du GTIA, sous la chaleur mordante d'un début de journée. Avec un représentant de la CIMIC (Civil Military Cooperation, coopération civilo-militaire), le capitaine Victor A., commandant la POMLT, participe aux shouras (réunions) avec les autorités des villages. L'occasion de recueillir des renseignements sur la présence et les mouvements d'insurgés dans la vallée, et pour les villageois d'exprimer leurs besoins en termes d'infrastructures (écoles, puits, dispensaires). À chaque déplacement, les ANP progressent tactiquement, intégrés dans le dispositif des gendarmes.

Le lendemain, la POMLT et l'ANP mettent en oeuvre un dispositif de contrôle routier sur l'axe reliant la Surobi à la vallée de Bedraou, où les opérations du GTIA se poursuivent. Cette mission s'inscrit parfaitement dans celle de mentorat dévolue aux POMLT. Les ANP interceptent les véhicules sous l'oeil des gendarmes ; ceux-ci veillent au bon déroulement du contrôle et prodiguent des conseils si besoin.

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Au début, les ANP ignoraient les véhicules avec des femmes et des enfants à bord. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, et ils les contrôlent tous dans le respect de leurs coutumes. Les femmes sortent ou restent dans l'habitacle, et, pour s'assurer qu'il s'agit bien de femmes, les ANP n'hésitent pas à leur parler ou à leur demander de montrer leur main,

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note l'adjudant-chef Guillaume D.. Plus loin dans la vallée, les combats entre militaires français et insurgés résonnent.