Ce ministère a du chien

chien de recherche
6 juillet 2011

Qu'ils soient de la police, de la gendarmerie ou de la sécurité civile, d'assaut, de recherches de stups ou de personnes disparues en décombres, les chiens sont devenus d'incontournables, précieux et talentueux auxiliaires des forces de secours et de sécurité.


Un dressage policier tout en psychologie… et en flair !

Patrouilles, recherche de stupéfiants, d'explosifs, de restes humains… les chiens de la Police nationale évoluent dans de nombreuses spécialités.
Mais comment dresse-t-on ces as du flair ? Exemple avec l'expérimentation de dressage de chiens dans la recherche de compositions pyrotechniques fumigènes.

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Qu'il paraît loin le temps du préfet de police Louis Lépine et des deux premiers terre-neuve affectés en 1900 à la brigade fluviale de Paris. Un siècle plus tard, 616 chiens sont dénombrés dans les rangs de la Police nationale. Sécurité publique, police aux frontières, CRS, police judiciaire, RAID… ils en font dorénavant partie intégrante. Leurs talents sont sans limite et inimitables : "Par nos techniques de dressage, en utilisant le flair de l'animal et sa mémoire olfactive, on peut lui apprendre à retrouver n'importe quoi, même des clés de voiture pour un maître distrait, sourit Étienne J., chef du centre national de formation des unités cynophiles (CNFUC) de la Police nationale de Cannes-Écluse. Mais développer une nouvelle spécialité doit répondre à un réel besoin professionnel et le chien doit représenter un apport incontestable au policier." Suite à une demande de la sécurité publique lyonnaise, dans le cadre de la lutte contre le hooliganisme dans les stades, le CNFUC s'est ainsi lancé fin 2010 dans l'expérimentation du dressage d'un chien pour la recherche de compositions pyrotechniques, type fumigènes, strictement interdits dans les enceintes sportives.
Première étape du processus, trouver un chien apte. Les moniteurs du CNFUC, seuls habilités au recrutement, utilisent plusieurs biais. Ce peut être l'achat direct auprès d'éleveurs, de rabatteurs ou de particuliers, "pour un coût qui n'excède jamais 1 200 euros", souligne Étienne J. Ce peut l'être aussi par des dons à travers une convention signée avec les sociétés de protection animale (SPA), et auprès de particuliers qui souhaitent se séparer de leur animal.

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Dans 95 % des cas ce sont des chiens qui correspondent à nos attentes, justifie Jean-Marc L., adjoint du CNFUC et responsable technique des formations. Ils sont très vifs, ce qui est parfait pour monter sur des bureaux, des meubles, des canapés… Les chiens de la SPA, plus particulièrement, sont habitués à vivre en extérieur, avec les bruits du monde urbain, ils n'ont peur de rien.

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S'agissant de la morphologie, la spécialisation pour laquelle l'animal sera dressé est déterminante. Pour l'intervention, les gros gabarits, massifs, avec du caractère sont privilégiés pour la dissuasion face aux délinquants. Pour la recherche, les chiens de petits formats, vifs, mais surtout au flair développé sont préférés. « Tous les chiens ont à la base les mêmes capacités, poursuit Jean-Marc L. À nous de trouver leur domaine de prédilection. Il y a d'excellents caniches et de très mauvais bergers allemands. »
Les chiens de recherche sont dressés exclusivement au CNFUC de Cannes-Écluse. À son arrivée au chenil du centre, le chien débute par quarante jours de “débourrage”. Si le chien est apte au service, il est acheté ou adopté, et intègre le cheptel. Dans le cas contraire, il est rendu au propriétaire d'origine. Les quinze premiers jours de la formation sont centrés sur le rapport homme-chien : "Une cohésion entre les deux doit rapidement se mettre en place, sinon le “mariage” ne s'effectuera pas et les deux travailleront chacun de leur côté."

Dans le cas de l'expérimentation du dressage pour la recherche de compositions pyrotechniques, le CNFUC s'est rapproché d'un fabricant de fumigènes pour identifier les éléments composant ces engins pyrotechniques. L'objectif est de débuter la formation en faisant mémoriser au chien l'un de ces produits. "Il est important de savoir que le chien n'est jamais en contact avec les produits réels. On ne drogue pas les chiens, on ne les nourrit pas avec des explosifs ou des fumigènes." Le procédé est simple : on place dans un récipient étanche un produit composant un fumigène avec une " poupée" de chiffon, sur laquelle les molécules odorantes se déposent. L'imprégnation dure un jour ou deux. Le maître passe alors le harnais au chien : le travail commence. L'assistant technique sort la "poupée" du bocal et laisse le chien s'amuser avec, lui permettant d'y déposer sa salive et de sentir les molécules d'odeur. La "poupée" est ensuite dissimulée et le chien lâché pour la récupérer. Il sera récompensé avec sa poupée imprégnée. L'assistant place ensuite un produit composant un fumigène dans la pièce et montre au chien qu'il part avec sa « poupée » de chiffon. Mais l'odeur étant toujours présente, l'animal va alors se lancer à la recherche du produit en tant que tel. Et il sera récompensé par une poupée "neutre", qui deviendra « son objet ». Cette technique par le jeu et l'attrait à l'objet est utilisée pour faire mémoriser au canidé n'importe quel produit.

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Le chien de recherche de stupéfiants va travailler en zone neutralisée et vidée. Pour les fumigènes, le chien évoluera dans un environnement totalement perturbant avec un phénomène de foule

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, continue Étienne J. Le chien a donc d'abord été conduit dans l'enceinte vide du stade Gerland de Lyon pour s'habituer à cet environnement, découvrir les endroits potentiels où pourraient être dissimulés des fumigènes. Puis il a été promené autour du stade un jour de match pour observer son comportement au milieu de la foule, puis dans le stade même. L'assistant technique a alors dissimulé un produit que le chien devait retrouver au milieu des bruits, des odeurs, de la foule. Le test s'est révélé positif.
En mars dernier, alors que le chien est en pleine phase d'adaptation, dans les WC d'un local du stade, il marque un endroit où étaient cachés des fumigènes, quasiment à l'insu de son maître. Pour Étienne J. cette première découverte est "une grande satisfaction ! Cela prouve que nos méthodes fonctionnent, c'est  encourageant. Mais le chien ne peut remplacer le travail de l'homme, il agira toujours en complément."

Un stage montagne gendarmerie-sécurité civile à Montgenèvre

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Depuis trois ans, le stage des maîtres-chiens d'avalanche se termine par une cérémonie du souvenir des collègues disparus. Un rituel voulu par le capitaine Dominique C., le responsable de la formation. "Ce moment de recueillement est important pour nous. Le maître-chien est un individualiste qui vit avec force sa passion. Il est obligé d'avoir cette relation privilégiée avec son animal mais ne doit pas confondre sensibilité et sensiblerie. C'est un travail, avant tout."
Depuis une bonne trentaine d'années, les maîtres-chiens d'avalanche de la gendarmerie suivent une formation dans cette station des Hautes-Alpes, située à la frontière italienne. Un passage obligé. Cet hiver, ils sont une vingtaine. Ils viennent pour apprendre les rudiments du métier ou contrôler leurs acquis. Les maîtres-chiens de la sécurité civile, spécialisés dans la recherche en décombres, sont invités chaque année. Pour apprendre la montagne. Pour confronter leurs techniques et s'enrichir sans effets de manche."Nous vivons la même passion et nous travaillons tous pour sauver des vies. Ce stage commun nous permet de garder la tête froide. Nous ne sommes pas forcément les meilleurs au monde."

La cynotechnie en gendarmerie

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La cynotechnie fait son apparition en gendarmerie dès 1943, avec l'intégration de chiens de défense et de pistage recherches. Le 19 décembre 1945, le centre d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) était inauguré à Gramat (Lot), sous la première appellation de "Chenil central de la gendarmerie".
Depuis 2002, le centre d'instruction cynophile de la gendarmerie (CNICG) connaît un rythme de fonctionnement optimal. Il accueille en moyenne 350 stagiaires par an et forme 100 à 120 chiens. À ce jour, la gendarmerie compte 570 équipes cynophiles opérationnelles, réparties dans la gendarmerie départementale (groupes d'investigation cynophiles et pelotons de surveillance et d'intervention), la garde républicaine, le GIGN et les formations spécialisées (gendarmerie maritime, gendarmerie des transports aériens). Vingt équipes sont en outre affectées au CNICG, qui peut, au-delà de ses missions d'instruction, renforcer ponctuellement les unités de terrain.
Ces équipes se répartissent dans différentes spécialités, chaque chien pouvant en associer jusqu'à trois dans le même domaine de travail : piste défense, piste unique, recherche en avalanches, stupéfiants unique, stupéfiants billets, stupéfiants défense, explosifs, garde patrouille, intervention, assaut (pour le GIGN), traces de sang et restes humains, armes et munitions et enfin produits accélérateurs d'incendie.
Au départ, les races de travail étaient essentiellement des bergers allemands et des labradors. Ces vingt dernières années, le cheptel a évolué, laissant une part prépondérante aux bergers belges, dotés d'une remarquable vivacité. Le centre s'adapte également aux besoins opérationnels du terrain. C'est ainsi que la gendarmerie a expérimenté, dès 2004, les chiens de piste unique de race saint-hubert, dont la morphologie et les qualités olfactives très prononcées, notamment leur capacité à suivre des pistes très anciennes, en font des chiens de recherche de personnes hors du commun. Aujourd'hui, les sept saint-hubert déployés dans les régions zonales sont employés au maximum de leur potentiel. Certaines formations ou régions expriment également des besoins particuliers auxquels le CNICG tâche de répondre. La gendarmerie maritime, par exemple, a fait part de son intérêt pour les chiens de petite taille spécialisés en recherche d'explosifs, plus aptes à se faufiler dans les coursives. Même souci pour certaines unités qui voient passer beaucoup de fret. On a donc assisté cette année à l'arrivée de fox-terriers et de jack-russell dans les rangs de la gendarmerie.

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À terme, en 2012, le dispositif devrait comprendre 41 groupes d'investigation cynophiles, 525 équipes cynophiles et 645 chiens. Les objectifs du CNICG sont de consolider les formations actuellement dispensées, de poursuivre les expérimentations en cours (notamment avec les saint-hubert), et enfin d'améliorer ses infrastructures pour une efficacité accrue.

Le dispositif cynophile déployé en métropole et outremer se décline en trois niveaux d'intervention permettant d'apporter une réponse opérationnelle graduée et adaptée à la nature et au degré d'urgence de la mission. Le premier niveau concerne l'appui immédiat et permanent apporté aux unités par les 268 équipes cynophiles des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG). Ces capacités cynophiles peuvent être mobilisées dans la lutte contre les violences de type urbain. Le deuxième niveau d'intervention traite des recherches spécialisées entreprises par les 31 groupes d'investigation cynophile (GIC) départementaux ou interdépartementaux. Enfin, le troisième niveau implique la haute expertise cynophile du groupe national  d'investigation cynophile (GNICG). Qu'il s'agisse de missions de recherche de personnes (malfaiteurs, disparus, victimes d'avalanches) ou de matières (stupéfiants, billets de banque, armes et munitions, explosifs) ou encore de missions de surveillance et neutralisation d'individus dangereux, le concours des équipes cynophiles aux unités territoriales et de recherches permet d'optimiser la réponse opérationnelle, tant en sécurité publique qu'en police judiciaire.
Les missions du CNICG portent sur le recrutement, la mise en condition (débourrage) et le suivi médical des chiens. Les dresseurs instructeurs du centre sont chargés de la sélection, de l'orientation, de la constitution des équipes et du dressage initial de technicité. Le CNICG procède également à la formation théorique et pratique des maîtres de chien, à la surveillance technique et statistique des équipes opérationnelles, et enfin à la formation continue de ses personnels instructeurs militaires et civils.
Le CNICG organise chaque année trois stages de formation initiale (quatorze semaines), trois stages de recyclage (quatre semaines), trois stages de formation de suppléants, ainsi que des stages à la carte pour les délégations étrangères et les formations spécialisées de la gendarmerie. Les méthodes de dressage dans toutes les disciplines sont mises au point au sein du centre. Les besoins en technicités cynophiles des différentes régions et formations spécialisées sont déterminés un an à l'avance et donnent lieu à un calendrier de  formation. Six à huit mois avant le début du stage, les dresseurs instructeurs du centre chargés du débourrage se mettent en quête de chiens répondant aux critères établis pour chaque spécialité.

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Pour un chien piste-défense ou intervention, par exemple, il faut un potentiel mordant. On s'oriente donc vers des races dont la stabilité émotionnelle donne une capacité de mordant maîtrisée, telles les bergers belges, hollandais ou allemands. Nous avons également des critères très spécifiques pour les chiens du GIGN, qu'ils soient assaut ou explosifs. Ces derniers doivent faire preuve de vigilance, de patience, de sang-froid, etc. ; être en somme à l'image des militaires du GI. En résumé, nous recherchons des chiens équilibrés,

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explique le lieutenant-colonel François M., commandant du CNICG.

Les auxiliaires de la sécurité civile

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Depuis trente et un ans, les équipes cynotechniques de la sécurité civile parcourent le monde. Ces spécialistes de la recherche en décombres et leurs chiens ont été maintes fois décorés pour leur travail périlleux.
Ils sont quatorze bergers belges malinois conduits par onze hommes et trois femmes des unités militaires de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou et Brignoles. Toujours prêts à embarquer dans un avion, jour et nuit. Toute l'année, les équipes cynotechniques de la sécurité civile sont d'alerte. Depuis le tremblement de terre d'El Asnam en 1980, les maîtres chiens ont beaucoup couru contre la montre, à l'instar de leurs homologues sapeurs-pompiers territoriaux. La dernière fois, c'était à Haïti, en janvier 2010. Une mission difficile et douloureuse marquée par la mort de Swan, un berger belge malinois décoré avec son maître et cinq équipes, pour acte de courage et de dévouement.
Pas de quoi fanfaronner, ni s'attrister outre mesure. La discipline exige une humilité constante et le chien est là pour le rappeler au quotidien. Un quotidien qui commence chaque matin à 7 h 30 par une heure de footing avec le chien, avant le nettoyage du chenil. L'après-midi est consacré à des exercices d'obéissance et à des entraînements sur un terrain de décombres. Pendant que les chiens travaillent, les hommes se préparent aux futures échéances. Physiquement et psychologiquement.
Ici, les « cynos » recrutent eux-mêmes leurs animaux. Des malinois, à cause de leur morphologie et de leur caractère. Des chiens assez robustes pour atteindre le cap des neuf années de carrière. Leurs maîtres sont tous des engagés volontaires de l'armée de terre recrutés au sein des unités militaires de la sécurité civile. Plus qu'ailleurs, ils ont choisi la filière « force de protection et secours ». Une vocation réservée à des sous-officiers guidés par la passion du chien plutôt que par la gloire.
Lorsqu'ils ne fouillent pas les décombres, les "cynos" de la sécurité civile sont utilisés, sur réquisition des gendarmes, pour des recherches de personnes disparues.

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Nous faisons des levers de doutes, et nos chiens sont dressés pour retrouver des vivants et parfois des morts. Cela permet de clore une procédure ou de s'assurer qu'il n'y a plus personne sous les décombres

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précise David F., le chef du chenil de Brignoles. L'aide précieuse de ces équipes cynotechniques a vu le jour grâce à François Rostand, un CRS de haute montagne, maître-chien d'avalanche. "En 1979, il participa à une mission de secours après le tremblement de terre du Frioul, en Italie. Il observa des équipes étrangères avec des chiens et en parla au chef de corps de Brignoles. Dans la foulée, une école vit le jour à Briançon". La suite de l'histoire, les chiens de la sécurité civile et leurs maîtres l'ont écrite et sont encore en train de l'écrire.