Rapport de l'Inspection Générale de la Police Nationale établi par M. Bertrand Michelin, inspecteur général, M. Jean-François Lelievre, commissaire général et M. Olivier Paquette, commissaire général.
L’établissement de la confiance entre la population et ceux qui sont chargés d’assurer sa sécurité au quotidien est un objectif absolument essentiel pour le ministère de l’intérieur et le renforcement de cette confiance passe nécessairement par une plus grande transparence dans l’action des forces de sécurité.
L’ouverture des services de police et de gendarmerie au monde extérieur et l’immersion de certains observateurs dans l’activité de ces services constitue un des leviers dont disposent les pouvoirs publics pour améliorer le lien police-population.
L’accueil de personnes extérieures à l’institution, assez confidentiel il y a quelques décennies, a connu une montée en puissance progressive sans que cette évolution ne s’accompagne de l’élaboration d’un cadre fixant ses conditions d’autorisation et de déroulement.
Le pragmatisme des services avait tout naturellement pallié l’absence de note en érigeant au fil du temps des règles de bon sens et partagées par tous les acteurs institutionnels.
Répondant dès l’origine à des objectifs de formation scolaire, universitaire ou professionnelle ainsi qu’à des demandes de la presse, l’accueil d’observateurs s’est plus récemment ouvert à un autre public plus institutionnel.
Ce système fonctionnait sans heurt lorsque, à l’occasion des manifestations du 1 er mai dernier à Paris, un incident provoqué par le comportement de deux observateurs, MM. Benalla et Crase, conduisait à s’interroger de façon générale sur les conditions d’admission des personnes extérieures dans les services de police, avant de vérifier dans le cas d’espèce la nature des autorisations données et l’encadrement dont ils avaient fait l’objet.
M. Benalla, chargé de mission auprès du chef de cabinet du président de la République avait un profil justifiant qu’il puisse observer cet évènement. Il a évoqué son souhait d’assister à un service d’ordre à l’occasion d’un évènement de voie publique de grande ampleur, à Paris auprès de M. Gibelin, directeur de l’ordre public et de la circulation, et M. Simonin chef d’état-major adjoint. Ceux-ci affirment avoir enjoint M. Benalla de s’assurer préalablement des autorisations nécessaires.
Alexandre Benalla, disant avoir toutes les autorisations requises, aurait convenu téléphoniquement, avec Laurent Simonin des modalités de sa présence sur le service d’ordre prévu à l’occasion des manifestations du 1 er mai. Sans solliciter d’autres garanties, convaincu de la véracité des dires de son interlocuteur et sans évoquer plus avant sa présence en tant qu’observateur sur le service d’ordre avec ses supérieurs hiérarchiques, M. Laurent Simonin lui a donné rendez-vous le 1 er mai, en début d’après-midi, à la préfecture de police.
À cette date, M. Alexandre Benalla s’est vu confier aux bons soins du major de police Philippe Mizerski attaché à l’état-major de la DOPC. Celui-ci a constaté qu’il était accompagné d’une seconde personne qu’il présentait comme un collaborateur, en l’occurrence Vincent Crase.
Il les a accompagnés durant toute l’après-midi et la soirée, et était présent, sans intervenir, lorsque ceux-ci se sont impliqués dans l’interpellation de deux manifestants, place de la Contrescarpe.
Bien qu’embarrassé par la tournure que prenaient les choses, il ne concevait pas, compte tenu de son grade, faire la moindre observation à celui qui était, à ses yeux, un personnage de première importance.
Le positionnement hiérarchique insuffisant du fonctionnaire référent illustre la nécessité de formaliser dans une note cadre les grands principes qui doivent présider à l’accueil d’observateurs dans les services et leur présence lors d’interventions.
À cette fin la mission émet une série de préconisations, de la procédure d’autorisation au debriefing de l’observation réalisée, en passant par les conditions de son encadrement.
Une convention-type adaptable et une charte générale de l’observateur devraient être élaborées, reprenant les grands principes déjà évoqués. Leur signature constituerait un préalable à l’obtention de l’autorisation.
Il importe enfin que ni les forces de sécurité, ni le public n’aient de doutes sur la qualité de l’observateur. À cette fin, ce dernier pourrait être équipé d’un brassard indiquant clairement sa qualité.