La cartographie et l'image satellite sont entrées au service de la gestion de crise. Ces techniques ont été utilisées lors du séisme d'Haïti et de la tempête Xynthia. Une cellule d'information cartographique existe depuis plus d'un an à la direction de la sécurité civile.
Depuis avril 2009, le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) de la sécurité civile du ministère de l'intérieur utilise les images satellites comme outil d’aide à la décision. Une charte satellitaire internationale lui ouvre le droit d’acquérir à l’étranger des images des régions frappées par une catastrophe. « Nous avons utilisé des photos satellites de grande précision lors du séisme qui a dévasté Haïti en janvier dernier», explique Éric Bruder, colonel des formations militaires de la sécurité civile et chef du COGIC. « Ces images nous ont donné des renseignements importants sur la situation sur place. C’est une aide à la décision opérationnelle pour proportionner les moyens à envoyer et les positionner au mieux.»
La résolution des images est impressionnante. Certains satellites ciblent jusqu’à des détails de 65 centimètres. « En Haïti, les images montraient clairement les lieux de regroupement de population et leur évolution au fil des jours, notamment au stade », reprend Éric Bruder. Avec ces informations, nous savions par exemple à quels endroits nous devions positionner les stations de traitement d’eau, où se trouvaient les zones d’effondrement d’immeubles, où installer notre hôpital de campagne ». Idem lors de la tempête Xynthia, qui a ravagé les côtes vendéennes le 27 février dernier. Le COGIC a récupéré des images satellites grâce auxquelles ses responsables ont pu, depuis Asnières, voir la situation exacte sur le terrain. Là encore, l’image a facilité le meilleur positionnement de moyens comme les pompes à haut débit de la sécurité civile.
La charte satellitaire a été signée entre la France, les États-Unis, l’Inde et le Canada. Lorsqu’elle est déclenchée, le pays propriétaire du satellite le mieux positionné au moment d’une catastrophe communique ses images au pays demandeur. « Le COGIC est le seul en France à bénéficier de cette charte », indique Éric Bruder. « Nous obtenons les images en 24 ou 36 heures, en passant par le Centre national d’études spatiales (CNES) et par le service régional de traitement de l’image et de télédétection (SERTIT) ».
Au COGIC, l’analyse et l’enrichissement de ces images ont été confiés à un ingénieur spécialement recruté pour ce nouveau travail. Sa spécialité : la géomatique, une discipline qui regroupe l’ensemble des outils et méthodes pour représenter, analyser et intégrer des données géographiques.
« L’utilisation des images satellites pour l’aide à la décision n’est qu’une partie de mon activité », explique Pierre Chastanet, ingénieur géomaticien à la direction de la sécurité civile. « Mon travail consiste aussi à réaliser un catalogue historique des aléas, afin d’acquérir une meilleure connaissance des risques sur le territoire et de mieux informer les décideurs ».
L’ingénieur collecte ainsi, sur plusieurs décennies, les informations géographiques et cartographiques dans tous les domaines de risques qui intéressent la sécurité civile : les séismes en Alsace, dans les Pyrénées ou la région de Nice, les feux de forêts dans le sud de la France, les risques industriels, de submersion, d’inondation, sans oublier les éruptions volcaniques outre-mer. Avec l’appui de l’informatique, on peut par exemple visualiser à quel endroit s’est arrêté un feu de forêt en telle année et dans quelles conditions météo. Ou encore ce que la crue de la Seine de 1910 aurait comme impacts aujourd’hui de la Champagne-Ardenne à l’estuaire de la Seine, en passant par l’Ile-de-France et Paris.
Pour Jean-Marc Sénateur, administrateur civil, chef du bureau de la coordination interministérielle à la sécurité civile, « la sécurité civile est légitime à recueillir l’ensemble des données sur tous les types de risques. La géomatique permet de produire et de gérer des informations géographiques, et de superposer ces éléments pour mesurer les enjeux humains ou économiques de différents aléas. Avant, pendant et après la crise, les décideurs peuvent désormais disposer d’éléments, localiser les zones touchées, évaluer les dégâts et transmettre ces informations aux équipes de terrain chargées d’intervenir auprès des populations ».
Le risque principal en France reste l’inondation. Avec cette nouvelle cellule d’informations cartographiques, la sécurité civile dispose de l’historique des inondations décennales et centennales des principaux fleuves français. Elle est en mesure d’en simuler les effets sur les populations et l’industrie.
Source : Magazine Civique novembre 2010