Procès-verbal de la réunion nationale de la vidéoprotection du mardi 20 mai 2008

17 novembre 2010

Procès-Verbal
La Commission Nationale de la Vidéosurveillance a souhaité organiser un dialogue avec les Présidents des commissions  départementales des systèmes de vidéosurveillance et les préfectures de département qui, aux termes de la loi du 21 janvier 1995, sont chargés d'instruire et de se prononcer sur les demandes d'autorisation d'installation de dispositifs de vidéosurveillance.


Cette réunion nationale de la vidéoprotection s'est tenue le mardi 20 mai 2008 en présence de 160 personnes, préfets, magistrats, membres de la commission nationale de vidéosurveillance, membres des commissions départementales des systèmes de vidéosurveillance et représentants des préfectures de départements.

  • Intervention de Monsieur Alain Bauer, président de la commission nationale de vidéosurveillance (voir texte joint) qui indique que cette réunion n'a d'autre ambition que de pallier une des insuffisances de la loi du 21 janvier 1995 qui a créé les commissions départementales des systèmes de vidéosurveillance, mais sans prévoir l'organe national permettant d'informer, de donner les avis, voire d'impulser le travail accompli au quotidien par les commissions et les préfectures.

Certes, la très importante décision du Conseil Constitutionnel censurant partiellement l'article 10 de la LOPS avait créé, à juste titre, les conditions de cette situation, faisant passer le contrôle des conditions d'installation des systèmes d'un simple processus administratif à un examen renforcé faisant passer les libertés individuelles et publiques au premier plan.

Tout récemment, le tribunal administratif de Rennes a ainsi souligné les obligations qui s'imposent à la mise en place de tels systèmes sur la voie publique (Commune de Ploërmel).

D'importantes évolutions sont en cours. Ainsi, la Préfecture de Police à Paris a engagé un vaste plan d'équipement en vidéo protection de l'ensemble de la capitale :

  • aider à la gestion de la circulation et contribuer à la sécurité routière
  • renforcer la capacité à faire face aux évènements d'ordre public et accroître la protection des bâtiments sensibles
  • appuyer l'effort de lutte contre la délinquance et prévenir le risque terroriste.

Une cartographie d'implantation des caméras a été engagée fondée sur le suivi et l'étude au quotidien des phénomènes divers de délinquance en lien avec l'Observatoire National de la Délinquance. De plus, un comité d'éthique chargé en particulier de veiller à la bonne application du droit et d'une charte de la vidéo protection à laquelle s'obligera la PP sera créé en parfaite concertation avec la Ville de Paris.

De nombreuses études anglo-saxonnes, et quelques réflexions en France, ont souligné les interprétations diverses qui se font jour quant à l'efficacité des systèmes dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité ou la délinquance.

Beaucoup sont interprétées sans grand recul ou sans une lecture approfondie. Récemment le responsable de la vidéoprotection à Londres soulignait même le faible apport des systèmes mis en place, mais en soulignant surtout les problèmes de formation des policiers en charge.

La vidéoprotection n'est pas un outil anodin. L'installation de systèmes sans réflexion sur les lieux les plus exposés, l'illusion selon laquelle la technique répondrait à tout sans mise au point d'une chaîne d'intervention cohérente contrôlée par des instances déontologiques et éthiques, des instances citoyennes sur le modèle remarquable de ce qui se passe notamment à Lyon, crée les conditions d'un débat utile sur l'équilibre entre libertés et lutte contre les phénomènes criminels.

La commission nationale de vidéosurveillance souhaite donc y contribuer pleinement afin de clarifier les situations et de renforcer à la fois l'efficacité des services d'application de la loi et la protection des libertés individuelles et publiques.

Récemment, la CNIL a souligné son souci face aux évolutions technologiques de tous types et à l'apparition d'une "société de surveillance". La Commission nationale de la vidéosurveillance partage ses préoccupations et souligne son souhait de voir les dispositifs concernés (notamment les web "sociaux") s'en préoccuper tout autant.

Pour ce qui relève de la vidéoprotection, la CNIL a émis un avis détaillé et des propositions techniques et juridiques.

La Commission nationale de la vidéosurveillance s'en tient pour sa part au texte de la loi voté par le Parlement. Si l'argumentation technique de la CNIL, qui se réfère beaucoup à des éléments écartés par le parlement en 1993, sur les compétences eu égard à la technologie utilisée (analogique soumis à la LOPS, numérique qui relèverait de la CNIL), ne semble pas pouvoir être retenue dès lors, comme le rappelle le Conseil Constitutionnel dans ses attendus, qu'il n'y a pas constitution de fichiers nominatifs ; les remarques sur les compétences, l'indépendance et les pouvoirs d'une autorité nationale de contrôle, notamment eu égard aux règles européennes, doivent être entendues. Il reviendra au Gouvernement de trouver les modalités, si possible selon le principe de spécialité, pour proposer au Parlement les mesures nécessaires.

  • Intervention de Monsieur Philippe Melchior, inspecteur général de l'administration, président du comité de pilotage stratégique qui rappelle les principaux chiffres de la vidéosurveillance et les attentes de l'opinion. Le plan du ministère de l'Intérieur est ambitieux puisqu'il fixe comme objectif quantitatif de passer d'environ 12.000 caméras autorisées sur la voie publique à 60.000 en 3 ans.

Pour y parvenir, il est souhaitable de clarifier et de simplifier les procédures.

C'est la première des ambitions du comité de pilotage stratégique.

Il convient par ailleurs d'améliorer la qualité des productions pour les rendre pleinement exploitable ce qui recouvre à la fois la question de la qualité des images et de leur acheminement.

Enfin, le troisième objectif du comité de pilotage est de contribuer à une meilleure utilisation de la vidéosurveillance. Cela suppose des outils d'aide à la décision (la boîte de messagerie destinée aux préfectures sera transformée en site intranet d'ici l'été), des plans de formation, notamment pour les personnels des préfectures et les services de police, ainsi que des guides méthodologiques pour les différents intervenants (3 guides méthodologiques seront diffusés avant la fin de l'année, à destination des demandeurs, des services de police et de gendarmerie référents et des préfectures).

  • Intervention de Monsieur Michel Sapin, Préfet de la région Provence Alpes Côtes d'Azur, Préfet des bouches du Rhône, qui estime que la priorité n'est pas la formation des services préfectoraux ou des référents policiers et gendarmes qui, de fait, se sont formés sur le terrain. En revanche, un effort est attendu pour lever certains obstacles, notamment au Conseil Régional PACA où des élus s'opposent encore, pour des raisons politiques, à l'installation de la vidéosurveillance dans les transports en commun. Monsieur Bauer partage ce point de vue en évoquant la possibilité de rendre obligatoire l'installation de caméras dans les trains.
  • Intervention de Monsieur Dooms, président de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance de l'Oise, qui indique que les magistrats qui président les commissions départementales sont demandeurs d'une formation.
  •  Intervention de Monsieur Gonzalez, directeur de cabinet du préfet des Landes, qui suggère que l'on puisse prévoir des autorisations d'installation de caméras limitées dans le temps, pour des lieux et des périodes de très forte fréquentation populaire
  • (cf le cas des « féria »). Monsieur Melchior précise que le sujet est à l'étude.
  •  Intervention du sénateur Picheral, membre de la commission nationale de vidéosurveillance, qui évoque la question de la formation des agents municipaux. Monsieur Melchior confirme que c'est un sujet complexe, mais prioritaire pour le comité de pilotage stratégique.

Monsieur Bauer saisit l'occasion pour évoquer deux évolutions législatives possibles ; l'une sur la visualisation de la voie publique par des agents privés (hypothèse de l'exploitation externalisée par les villes) qui, selon lui, doit être envisagée avec la plus grande prudence compte tenu de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel ; l'autre sur la question de la durée de conservation des enregistrement. La loi a prévu une durée maximale. Ne faut-il pas, dans certains cas (enquêtes judiciaires dans le domaine du terrorisme ou de la criminalité organisée, notamment) prévoir une durée minimale de conservation ?

  • Intervention de Monsieur Alavoine, directeur de cabinet du préfet du Morbihan qui interroge le président de la commission nationale de vidéosurveillance sur la portée de l'arrêt rendu par le TA de Rennes du 31 janvier 2008 (commune de Ploërmel).

Monsieur Bauer précise que l'annulation est fondée sur le fait que le rapport de présentation ne contenait "aucune précision sur les risques particuliers de dégradations auxquels seraient soumis les bâtiments concernés par le système de vidéosurveillance, ni aucune donnée relative au nombre et à la nature des actes délictueux commis dans ces lieux ou à proximité". Il est donc impératif de veiller à la bonne constitution des dossiers de demandes.

  • Intervention de Monsieur Nuñez, directeur de cabinet du préfet de Seine-Saint-Denis qui revient sur la possibilité pour les villes de confier à des agents privésl'exploitation d'un dispositif de vidéosurveillance. Monsieur Bauer recommande la prudence compte tenu de la jurisprudence citée plus haut, tout en reconnaissant que si on limitait la mission des agents privés au renvoi pur et simple des images, sans qu'ils aient à procéder à aucun tri, cela pourrait peut-être permettre de faire évoluer le droit.

Monsieur Touvet, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques et membre de la commission nationale de vidéosurveillance, rappelle que plusieurs textes prévoient d'ores et déjà des obligations pour des agents privés de participer à des missions de lutte contre la criminalité (article 73 du CPP, article 223-6 du CP) et que, selon lui, la jurisprudence pourrait accepter de valider cette évolution concernant la vidéosurveillance.

  • Intervention de Monsieur Maguin, président de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance du Cher qui indique que sa commission a rendu récemment un avis négatif concernant une demande d'installation pour laquelle le numéro de téléphone prévu pour l'information du public était un numéro surtaxé.

Monsieur Bauer prend acte de cette orientation qu'il qualifie de bonne pratique.
Monsieur Deschamps, membre du comité de pilotage stratégique saisit l'occasion pour confirmer à l'ensemble des personnes présentes que le comité est preneur de toute observation de ce type sur les pratiques des opérateurs.

  • Intervention de Monsieur Bonifassi, président de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance de Corse du Sud qui pose la question du nombre des contrôles des commissions départementales sur le terrain et des moyens qui leurs sont alloués. Monsieur Bauer précise que les commissions procèdent à moins d'une centaine de contrôle chaque année et que ce n'est bien évidemment pas suffisant.
  • Intervention de Monsieur Masurel, préfet, secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance qui commente le décret en cours de préparation et les différentes mesures prévues : suppression de l'obligation de fournir le plan de masse, introduction de la notion de périmètre vidéosurveillé, simplification et dématérialisation du Cerfa, audition de policiers ou de gendarmes pour avis technique, information systématique du préfet pour toute installation de caméra nouvelle dans le périmètre vidéosurveillé.

Monsieur Hénon, président de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance de Moselle, s'interroge sur les difficultés d'identifier un périmètre vidéosurveillé si on ne dispose plus du plan de masse.

Madame Bigot, présidente de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance du Haut Rhin, ajoute que les
commissions départementales sont extrêmement attentives à la question de l'implantation des caméras et donc au plan de masse, car cela permet de veiller à ce que les caméras ne servent pas à surveiller les salariés.

Madame Nérondat, présidente de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance de Paris, renchérit en précisant que s'agissant notamment des commerces, des restaurants ou des hôtels, la connaissance précise des lieux d'implantation des
caméras est impérative.

Monsieur Beaufrêre, président de la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance de Martinique, appuie les propos précédents en ajoutant, d'une part, que les dossiers sont rarement constitués par le demandeur mais plutôt par des entreprises prestataires de service pour lesquelles le besoin de simplification est moins évident et, d'autre part, que le plan de masse est un élément important du dossier en ce qu'il permet de replacer les choses dans leur contexte géographique. Il souligne, par ailleurs, le décalage qui peut exister entre les dossiers et la réalité, certains demandeurs ne respectant pas les lieux d'installation autorisés.

Monsieur Bauer conclut cet échange en indiquant que la dimension protection sociale et droit du travail est une donnée qu'il convient d'avoir constamment à l'esprit lorsque l'on traite de vidéosurveillance.

  • Intervention de Monsieur Pierre Monzani, préfet, directeur de l'institut national des hautes études sur la sécurité intérieure qui commente la synthèse des réponses aux questionnaires adressés aux présidents de commissions départementales (voir texte

joint) et qui présente les premiers éléments de l'étude sur l'évaluation de la vidéosurveillance qui sera remise au mois de juin au cabinet du ministre de l'intérieur et au président de la commission nationale de vidéosurveillance (voir texte dans le dossier de la réunion).

  • Intervention de Monsieur Alain Bauer qui conclut les débats en soulignant les points suivants :
  • Sur la forme, cette réunion mérite d'être pérennisée, y compris en l'expérimentant au niveau régional.
  • Les personnes qui le souhaitent peuvent adresser leurs suggestions, leurs interrogations ou leurs demandes de documentation (compte rendu des réunions de la CNV) en se faisant connaître après du délégué général de la CNV (jerome.leonnet@interieur.gouv.fr).
  • Sur le fond, l'ensemble des interventions et des suggestions formulées par les différents intervenants lors de cette première réunion ont été notées et seront prises en compte.
  • Conformément au souhait manifesté par plusieurs intervenants, Monsieur Bauer proposera au ministre de l'intérieur d'intégrer un

magistrat de chacun des deux ordres, judiciaire et administratif, au sein de la CNV.

  • Intervention de Madame le Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales (voir texte joint) qui rappelle que le plan vidéoprotection a pour but de promouvoir un modèle français de la protection des citoyens, soucieux de conjuguer libertés individuelles et sécurité collective. Dressant un premier bilan, le Ministre observe que les résultats sont encourageants. Le nombre des équipements et des demandes d'équipements a connu ces derniers mois une hausse sans précédent. L'Etat a contribué en 2007 au financement de 315 projets, pour un montant total de subvention de 13.4 millions d'euros. 10 000 caméras ont été soumises aux autorisations des préfets en 2007, contre 4000 en 2006. Les raccordements entre les centres de supervision et les

services de police et de gendarmerie se sont multipliés. 50 centres étaient raccordés en octobre 2007. Aujourd'hui, ce chiffre s'élève à 80 et 143 autres raccordements sont prévus en 2008. Le ministre a confirmé par ailleurs son souhait que l'action des commissions
départementales et des préfectures soit mieux harmonisée, afin que l'ensemble des citoyens puissent profiter du même degré de protection sur tout le territoire.
Enfin, s'agissant de l'élargissement de la commission à des magistrats, Madame Alliot-Marie a indiqué qu'elle y était ouverte dès lors que cela permettait d'enrichir le travail de la commission nationale de vidéosurveillance.

Le Président de la Commission Nationale de Vidéosurveillance
Alain Bauer