« Maîtriser les dépenses publiques : une nécessité »

6 octobre 2017

Madame Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l'Intérieur, a répondu aux questions de la Dordogne Libre dans le cadre de son déplacement en Dordogne visant à échanger avec les maires du Périgord, le vendredi 6 octobre 2017.


Dordogne Libre : à quel accueil vous attendez-vous ce matin lors du congrès des maires de Dordogne alors qu'ils sont nombreux à dénoncer une fracture territoriale entre le monde rural et les métropoles ?

Jacqueline Gourault : « Je suis une élue du monde rural [Ndlr : sénatrice du Loir-et-Cher et ex-maire du village de La Chaussée Saint-Victor]. J'ai d'ailleurs rencontré leurs représentants, samedi dernier, lors du congrès national des maires ruraux. Je leur ai expliqué la politique budgétaire que le gouvernement souhaitait mettre en oeuvre en 2018 : c'est un changement fondamental de philosophie. Il n'y aura plus de baisse de la DGF (dotation globale de fonctionnement) comme par le passé. C'est quelque chose d'acquis ! Quant à l'enveloppe des concours financiers de l'État, elle va globalement augmenter. »

DL : Les élus locaux craignent que la diminution programmée de la taxe d'habitation perçue par les communes ne soit pas compensée au centime près par l'État : que comptez-vous leur dire pour les rassurer ?

J. G. : « Si la taxe d'habitation ne sera plus payée par une grande partie de la population (la diminution de la taxe s'effectuera selon trois paliers jusqu'en 2020), elle fera l'objet d'un dégrèvement, et non d'une exonération comme on l'entend ici et là. Cela veut dire que la mesure sera vraiment neutre pour les communes : l'État se substituera aux contribuables. On peut avoir des idées politiques différentes des nôtres, mais il ne faudrait pas que des contre-vérités circulent à ce sujet. »

DL : Les maires craignent de ne plus avoir la main sur la fiscalité, ni de marges de manoeuvres pour investir. L'État envisage-t-il de mettre un peu les collectivités locales sous tutelle ?

J. G. : « Il y a la nécessité de maîtriser les dépenses publiques : ça vaut pour l'État, la Sécurité sociale et les collectivités locales. Seulement, on n'impose rien ! On souhaite que le dialogue renaisse entre les collectivités et l'état. C'est pour ça que je ne comprends pas les critiques alors qu'on sort juste d'une période où toutes les décisions étaient prises verticalement... Concrètement, l'État veut faire des pactes avec les 319 plus grandes collectivités locales de France, qui représentent 79 %, de la dépense publique locale, pour qu'elles s'engagent à maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Mais il ne s'agit nullement de les empêcher d'investir. Le but est, au contraire, de relancer l'investissement. »

DL : La problématique de la diminution des emplois aidés va être soulevée : pensez-vous que ce type de contrats n'amène pas les bénéficiaires à s'insérer sur le marché du travail ?

J. G. : « Seul 25 % des personnes bénéficiant de ces contrats dans les collectivités locales ont trouvé un emploi à la fin du dispositif d'aide. Ces statistiques, ce sont des organismes extérieurs au gouvernement qui les ont calculées. Est-ce qu'on ne ferait pas mieux de mettre l'argent dépensé sur ces contrats dans la formation ? C'est notre idée. »

DL : Mais les élus dénoncent le fait d'avoir été mis devant le fait accompli cet été...

J.G. : « Le précédent gouvernement n'avait programmé que 270 000 emplois aidés en 2017 contre 416 000 l'année précédente. Nous allons en recréer de 30 à 40 000 supplémentaires d'ici la fin d'année et les flécher suivant des priorités : l'Éducation nationale pour accompagner les élèves en situation de handicap, le secteur médico-social, la ruralité et l'Outre-mer. Mais ce système ne peut pas être une manière de faire baisser artificiellement les chiffres du chômage. Et puis, il faut éviter les effets d'aubaine : ce type de contrat est payé à 75 % par l'État pendant trois ans mais certains, au lieu de pérenniser les personnes en poste, en embauchent d'autres pour continuer à profiter du dispositif. »

DL : Le secteur associatif ne risque-t-il pas d'en pâtir ?

J. G. : « Pour le milieu associatif, il y a d'autres outils : les services civiques, les contrats d'apprentissage, et nous prévoyons de baisser les cotisations salariales. C'est une autre façon d'accompagner les associations dont je sais qu'elles jouent un rôle de lien très fort dans le monde rural, comme en ville d'ailleurs. »

DL : Pensez-vous qu'il faille revoir la loi SRU sur le logement social en zone rurale ?

J. G. : « La loi permet d'ores et déjà d'adapter les critères, mais le gouvernement ne reviendra pas sur cette loi. »

DL : Quelles sont les annonces que vous ferez aujourd'hui lors de votre visite à Sorges à propos des communes nouvelles ?

J. G. : « Je vais annoncer que l'État va reconduire pour trois ans son soutien financier pour les communes nouvelles qui voudraient se créer. Avec, à la clé, une augmentation de 5 % de la DGF. On reste sur un principe de volontariat des communes. »

DL : Ce dispositif financier est-il si incitatif ?

J. G. : « On ne peut pas résolument penser que des communes se marient que pour des raisons de dotations. Ce n'est que la cerise sur le gâteau. Il faut qu'il y ait une vraie volonté et un vrai projet au départ. Souvent, la réflexion vient de la trop petite taille des communes. Pour d'autres, c'est stratégique, afin de mieux peser au sein des intercommunalités. Tout cela dépend des motivations et des différences de cultures. »

Propos recueillis par Julien Coutenceau