Discours de M. Gérard COLLOMB, Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur, prononcé à l'occasion des vœux de la Gendarmerie Nationale, à l'Hôtel des Invalides le 3 janvier 2018
- Seul le prononcé fait foi -
Madame la Ministre,
Monsieur le Préfet de Police,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale, Général Richard LIZUREY
Monsieur le Directeur Générale de la Police Nationale,
Monsieur le Gouverneur militaire de Paris,
Mesdames et Messieurs,
C’est un grand honneur de présider pour la première fois la cérémonie de vœux de la Gendarmerie nationale.
Et ce d’autant plus qu’elle se déroule à l’Hôtel des Invalides, en cette maison des Armées et donc maison des Gendarmes, en ce lieu où la Nation se rassemble lorsqu’elle elle rend hommage aux plus illustres de ses enfants, comme ce fut le cas récemment pour Simone VEIL, puis pour Jean d’ORMESSON.
Oui, cet Hôtel des Invalides est un haut lieu des héros français.
Vous y accueillir à l’occasion de ces vœux, est donc une façon de souligner que, par leur engagement, par les risques qu’ils prennent pour protéger nos compatriotes, les 100 000 femmes et hommes qui composent la grande famille de la Gendarmerie nationale sont à leur manière des héros.
L’année 2017 l’a une nouvelle fois montré.
Héros en effet que vos huit camarades décédés l’année dernière dans l’exercice de leurs missions.
Ils s’appelaient Jean-François FORTIN, Frédéric POUTEAU, Jérôme MITAINE, Éric MOUGEL, Frédéric STOURBES, Jean-François JEGU, Bernard LAMBERT et Nathan FRANCHET.
Nous avons tous ici une pensée émue pour leurs familles et pour leurs proches.
Héros que vos collègues ayant permis de déjouer plusieurs attentats ces douze derniers mois.
Et je pense ici à cette attaque planifiée dans le Vaucluse, en pleine campagne électorale, je pense au projet qui visait en août base aérienne d’Evreux.
Héros que les 780 militaires et les réservistes qui, suite au passage de l’ouragan Irma, sont partis en septembre dernier aux Antilles.
Ils ont non seulement rétabli l’ordre public dans des îles en proie aux pillages.
Mais ils ont aussi secouru, pris en charge des populations en détresse.
Héros encore que les gendarmes des Pyrénées-Orientales qui sont intervenus à la suite du terrible accident de la circulation à Millas.
Arrivés les premiers sur place, ils ont dû sécuriser les lieux, appuyer les sapeurs-pompiers dans le secours des victimes tout en recueillant les premiers éléments à l’avancée de l’enquête.
J’évoque ces épisodes qui ont marqué tout le pays.
Mais c’est tous les jours de l’année 2017 que les gendarmes se sont distingués par leur courage.
Je pense bien sûr à vos camarades impliqués dans l’élucidation des terribles crimes ayant endeuillé la France et qui travaillent dans des conditions difficiles, sous le feu continu de l’exposition médiatique.
Je pense aux militaires qui, dans le Calaisis, dans les Alpes-Maritimes, doivent faire face à une immigration irrégulière qui, structurée par des réseaux de passeurs, pose des difficultés en matière de gestion de l’ordre public.
Grâce à la Gendarmerie nationale, 12 filières ont été démantelées ces douze derniers mois.
Je pense à tous ceux qui se trouvent en contact avec les occupants des « zones à défendre » et qui, à Notre Dame des Landes comme ailleurs, font preuve d’un grand professionnalisme et d’un sang-froid à tout épreuve.
Je pense encore aux dizaines de milliers de gendarmes qui, il y a quelques jours, on permis aux Français de célébrer les fêtes de fin d’année en toute sérénité, alors même que la menace terroriste s’établit, comme vous le savez, à un niveau très élevé.
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Mesdames et Messieurs,
Avant de prendre mes fonctions place Beauvau, je connaissais la Gendarmerie comme élu local.
Certes, la ville dont j’étais Maire n’était pas du ressort de votre force.
Mais Président d’une agglomération comportant des communes périurbaines et rurales, j’avais mesuré le rôle des gendarmes au plus près des territoires, non seulement pour assurer la protection de nos concitoyens, mais aussi pour tisser le lien social, pour contribuer à l’inclusion de tous dans la République.
Et c’est d’ailleurs fort de cette conviction que j’avais activement œuvré pour qu’un projet de construction de caserne puisse voir le jour à Sathonay-Camp, en proche banlieue lyonnaise.
Depuis que je suis Ministre de l’Intérieur j’ai, au fil de mes rencontres, de mes déplacements en Ile de France comme en région, été conforté dans cette vision que j’avais de la Gendarmerie.
Sur le terrain, j’ai mesuré combien les gendarmes était mus par un sens aigu de l’intérêt général, par une extraordinaire volonté de servir.
J’ai compris aussi qu’au-delà des traditions unissant votre famille et qui sont aujourd’hui célébrées à l’occasion de la Sainte Geneviève, la Gendarmerie nationale était animée par une capacité d’innovation incomparable.
Brigades de contact, prise en compte de la transition numérique : partout où je suis allé, j’ai vu une Gendarmerie ouverte sur la société, engagée dans les grandes révolutions technologiques.
Partout où je suis allé j’ai rencontré des militaires recherchant sans cesse de nouvelles solutions pour mieux traquer les délinquants, pour mieux servir la population, pour mieux protéger.
L’année dernière, cet engagement de tous les instants a payé.
Et si je ne suis pas un adepte de la politique du chiffre, comment ne pas citer, en 2017, l’augmentation du nombre d’interpellés, l’augmentation du taux d’élucidation, ainsi qu’une saisie record en matière d’avoirs criminels – plus de 200 millions d’euros.
Je tiens à vous féliciter pour ces résultats, obtenus dans un contexte difficile sur le plan de l’organisation des ressources humaines.
Je veux aussi vous dire que ces succès me donnent confiance en l’avenir, confiance en notre capacité à relever les défis de l’année 2018.
Je l’ai souvent rappelé : la menace a aujourd’hui changé de nature.
Hier exogène, avec des attaques fomentées depuis les théâtres de guerre étrangers, elle est aujourd’hui endogène, œuvre d’individus qui, isolés ou en petit groupe, se radicalisent de manière soudaine avant finalement de passer à l’acte.
De par son organisation ancrée sur le terrain, marquée par un lien étroit avec les acteurs locaux, la Gendarmerie nationale a tous les atouts pour lutter contre cette menace d’un genre nouveau.
Je l’ai dit, vous avez déjà contribué à déjouer de nombreux attentats durant les mois précédents. Vous suivez plus de 1000 individus radicalisés.
Je souhaite qu’en 2018, nous puissions collectivement monter en puissance.
En tirant pleinement parti des dispositions de la loi du 30 octobre, qui ont été conçues pour vous, imaginées pour faciliter votre travail.
En décloisonnant davantage l’accès au renseignement, en développant des techniques d’investigation toujours plus poussées.
En formant aussi l’ensemble des militaires à ces techniques car ce sont eux nos meilleurs capteurs, eux qui constituent nos plus beaux atouts pour déceler ces signaux faibles permettant de prévenir le passage à l’acte.
Un nouveau plan de lutte contre la radicalisation sera annoncé dans les semaines à venir en réunion interministérielle.
Il est évident que la Gendarmerie nationale sera au cœur des mesures prises.
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Mesdames et Messieurs,
Comme l’a rappelé le Président de la République lors de ses vœux aux Français, le gouvernement a décidé d’appliquer en la matière une ligne empreinte à la fois d’humanité et d’efficacité.
Sur le plan extérieur, il s’agit à la fois de soutenir en Afrique une politique de développement permettant à la jeunesse de se construire un avenir sur ce continent et de lutter contre les réseaux de passeurs qui font trafic des êtres humains.
Sur le plan intérieur, nous sommes voulons à la fois accueillir tous ceux qui, dans leur pays, sont victimes de la guerre ou de persécutions, et, pour permettre cet accueil, nous montrer fermes vis-à-vis de ceux qui, présents illégalement en France, n’ont pas vocation à demeurer sur notre territoire.
En 2017, les militaires de la gendarmerie ont appliqué ce principe d’efficacité, avec près de 40 000 interpellations d’étrangers en situation irrégulière.
En 2018, il faudra encore amplifier cette action.
La loi « immigration asile » qui sera prochainement présentée au Conseil des ministres constituera pour les forces de sécurité un puissant levier.
Je souhaite aussi que, dès les prochains jours, une attention renouvelée soit portée aux dispositifs existants dans des départements le plus exposés – je pense en métropole aux Alpes maritimes, le Calvados et le Pas de Calais, je pense à la Guyane et à Mayotte pour ce qui est de l’Outre mer.
Je sais combien les escadrons de gendarmerie mobile ont été mobilisés l’année dernière, parfois au prix d’importants sacrifices personnels pour les militaires.
Les sollicitations pour l’année qui s’ouvre devraient se maintenir à un niveau élevé.
Dans les semaines à venir – et ce quelle que soit la décision qui sera prise par le gouvernement, nous aurons ainsi à traiter le problème de Notre Dame des Landes.
Cela sera nécessairement complexe, car les escadrons de gendarmerie mobile devront faire face à des individus organisés, préparés par plusieurs mois d’occupation.
Mais je veux dire ici ma totale confiance en vous pour que l’ordre républicain soit restauré sans encombre.
Quelques mois plus tard, en novembre, il nous faudra sécuriser la tenue des opérations électorales en Nouvelle Calédonie.
On le sait, le déroulement de tels scrutins, où les passions peuvent s’exacerber, comporte toujours des risques de troubles.
Mais là aussi, je n’ai aucun doute sur votre capacité à assurer la pleine sérénité de ce moment démocratique.
Une grande consultation vient de s’achever, qui a concerné les états-majors, mais aussi, au travers d’un questionnaire envoyé à l’ensemble des forces, des dizaines de milliers de policiers et de gendarmes.
Nous sommes en train d’étudier l’ensemble des contributions afin de rédiger une doctrine qui sera révélée dans les semaines à venir.
Notre ambition a été fixée par le Président de la République dans son discours aux forces de sécurité le 19 octobre : il est de remettre des policiers et des gendarmes sur le terrain, d’agir au plus près des populations, car c’est comme cela que l’on dissuadera les délinquants, c’est comme cela que l’on rassurera les Français.
Pour mettre en œuvre cette révolution, nous comptons bien sûr, sur la capacité d’innovation des militaires de la gendarmerie.
Et quand, comme vous le faites maintenant depuis plusieurs mois, vous expérimentez 30 brigades de contact dans 24 départements, quand vous déployez 60 000 tablettes, quand vous développez pour ces tablettes des applications dédiées qui permettront par exemple de notifier des renseignements, de retransmettre en temps réel une situation grâce à la vidéo, vous préfigurez ce que sera la sécurité du quotidien, sur-mesure et connectée.
Nous comptons donc sur vous.
Mais je veux vous dire aussi que, pour relever tous ces défis, l’Etat sera pleinement à vos côtés.
Je le dis avec force : jamais je n’accepterai de telles exactions. Jamais je n’accepterai que des casernes, là où vivent les gendarmes mais là où vivent aussi leurs familles, soient attaquées, comme ce fut le cas en 2017 en Haute Vienne et en Isère.
Le gouvernement se montrera donc implacable avec tous ceux qui mettent en péril la sécurité de ceux qui sont là pour protéger nos compatriotes.
Nous poursuivrons par ailleurs le plan de sécurisation des casernes initié l’année dernière, et qui sera pérennisé en 2018.
Parce que la sécurité des militaires est une priorité ministérielle, un coordonnateur national de la protection sera nommé en 2018 pour superviser l’ensemble des questions relatives à la sécurité des gendarmes et à leurs familles.
Dans les cinq ans à venir, 2500 postes seront ainsi créés, ce qui signifie, qu’après plus de dix années de difficultés, nous approcherons enfin, à quelques effectifs près, la capacité opérationnelle de 2007.
Par ailleurs, avec le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale, nous réfléchissons à une solution pour que l’application de la directive européenne sur le temps de travail soit pleinement compatible avec la disponibilité des forces.
Depuis ma prise de fonctions j’ai visité de nombreuses casernes. Certaines se distinguaient par leur grande modernité. D’autres, parce qu’elles avaient connu depuis des décennies un déficit chronique d’investissement, par une grande vétusté.
Evidemment, remédier à ce problème ne se fera pas en un jour. Il faut au contraire une action dans la durée.
C’est pour cette raison que j’ai souhaité que nous n’adoptions pas seulement un budget pour 2018, mais un plan quinquennal de montée en gamme des infrastructures et des équipements de la gendarmerie.
S’agissant du parc immobilier, les financements seront ainsi portés à 100 millions d’euros par an, en hausse de 8.7% par rapport à 2017.
S’agissant des équipements – véhicules, armes, protection, l’enveloppe consacrée à leur renouvellement sera de 143 millions d’euros par an, en hausse de +15%.
Au moment où le gouvernement engage une baisse sans précédent de la dépense publique, il s’agit là d’un effort significatif. Je l’assume. Car l’Etat doit aux gendarmes, à l’ensemble des forces de sécurité, des moyens à la hauteur de leur engagement.
La grande force des militaires de la Gendarmerie nationale, c’est d’avoir une formation d’exception, d’être capables d’intervenir en toutes circonstances, de faire face aux situations les plus extrêmes – et je salue ici le commandant du GIGN, particulièrement rompu à cet exercice.
Or cette richesse est trop souvent détournée en tâches administratives inutiles, gaspillée en missions pour lesquelles l’expertise de la gendarmerie n’est pas indispensable.
Sur ces sujets, qui apparaîtront aux plus expérimentés d’entre-vous comme des « serpents de mer », je veux que l’année 2018 soit enfin utile.
C’est pourquoi la réforme de la procédure pénale, qu’avec la Garde des Sceaux nous préparons dans un climat de confiance réciproque, amènera des avancées concrètes en matière de simplification des cadres d’enquête, de forfaitisation de certaines infractions.
C’est pourquoi aussi la mission parlementaire sur le continuum de sécurité que je nommerai en janvier devra étudier toutes les pistes capables d’améliorer la sécurité globale de nos concitoyens. Nous réexaminerons les gardes statiques, la répartition des tâches entre forces nationales, polices municipales et services de sécurité. Tout sera mis sur la table pour que gendarmes et policiers nationaux puissent se concentrer sur leur cœur de métier, la traque des délinquants, l’enquête, le renseignement, le maintien de l’ordre public.
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Mesdames et Messieurs,
Nous voulons que 2018 soit une belle année pour la France.
Je souhaite qu’elle soit belle aussi pour nos gendarmes.
A vous donc, à vos proches, je formule mes meilleurs vœux pour cette année.
Qu’elle soit sur le plan personnel, source de bonheur.
Qu’elle soit sur le plan professionnel, remplie de réussites et d’épanouissement.
Pour concevoir la carte de vœux du Ministère de l’Intérieur, j’ai demandé au jeune dessinateur qui avait dessiné, au lendemain du 13 novembre 2015, cette Marianne en pleurs ayant fait le tour du monde, de produire l’esquisse d’une Marianne conquérante, incarnant une République qui regarde l’avenir avec confiance.
Eh bien, Mesdames et Messieurs, si Marianne relève aujourd’hui la tête, si, en 2018, elle portera avec force les valeurs qui sont propres à la France, c’est parce que vous, militaires de la gendarmerie, êtes là, toujours présent, pour défendre la République.
Parce que vous êtes là pour assurer cette sécurité, sans laquelle il n’y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité possibles.
Merci pour votre engagement au service du pays.
Puisse 2018, être pour chacun d’entre-vous, une belle année.
Vive la République !
Vive la France !
Je vous remercie.