Discours de M. Gérard Collomb, Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur, prononcé lors de l'hommage à Clarissa Jean-Philippe, policière municipale victime de l’attentat du 8 janvier 2015, à Montrouge (92) le 8 janvier 2018
- Seul le prononcé fait foi -
Madame la Ministre,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Madame la Maire de Paris,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C’était il y a trois ans.
La France, le monde, se réveillaient sous le choc.
La veille, des terroristes avaient assassiné une grande partie de la rédaction de Charlie Hebdo.
Nous pleurions Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski. Nous pleurions l’ensemble des victimes.
Nous étions « tous Charlie ».
Ce matin du 8 janvier 2015 donc, Clarissa Jean-Philippe, policière municipale à Montrouge, prit comme chaque jeudi, son service, patrouillant pour sécuriser un des marchés de la commune.
Sa famille – et je salue ici ses tantes - était inquiète, parce que les auteurs de l’attaque de Charlie Hebdo étaient encore en fuite, parce qu’elle savait que les terroristes visaient aussi les policiers.
Mais à titre personnel, Clarissa, elle, était heureuse.
Heureuse de la nouvelle vie qu’elle se construisait.
Heureuse d’exercer ce métier qu’elle aimait tant.
Heureuse parce que, dans une semaine, elle allait enfin être officiellement titularisée.
Devenir policière était en effet le rêve de Clarissa.
Depuis son plus jeune âge, elle voulait servir l’Etat, elle voulait protéger ses compatriotes.
Formée à l’école de police de Pantin, stagiaire ici, à Montrouge, depuis quelques mois, elle était donc sur le point d’atteindre son but le plus cher et de s’installer durablement en région parisienne, avec son compagnon, quittant sa Martinique qu’elle aimait tant.
La folie meurtrière du terrorisme en décida autrement.
Alors qu’elle venait de quitter son poste pour intervenir avec son binôme sur un accident de la circulation, Clarissa Jean-Philippe fut assassinée froidement, lâchement, de tirs dans le dos.
Mesdames et Messieurs,
Si nous sommes réunis aujourd’hui, si je suis ici pour représenter le Président de la République, c’est pour dire avec force que nous ne l’oublierons jamais.
Les habitants de Montrouge n’oublieront pas son professionnalisme, la rapidité avec laquelle elle avait tissé avec tous les acteurs locaux des liens étroits.
En seulement quelques mois, elle était - disaient ses collègues - devenue une vraie policière de terrain.
Ses amis, ses proches, n’oublieront pas son extraordinaire joie de vivre, ce sourire communicatif, immortalisé par l’artiste Christian Guemy dans un portrait qui réchauffe le cœur des Montrougiens en ces longs jours d’hiver.
Les Français se souviendront longtemps de cette policière abattue en pleine rue, simplement parce qu’elle avait choisi de consacrer son existence à les protéger.
Oui, Clarissa Jean-Philippe a perdu la vie parce qu’elle portait un uniforme, parce qu’elle incarnait la République.
Elle a été tuée parce que son seul objectif était d’assurer notre sécurité, condition-même de notre liberté, de notre art de vivre.
Elle est notre héroïne à tous.
Une héroïne française.
C’est pourquoi Clarissa Jean-Philippe a été élevée, à titre posthume, au grade de chevalier dans l’ordre national la légion d’honneur.
C’est pourquoi cette plaque devant laquelle nous nous trouvons, lui adresse l’hommage solennel de toute la Nation.
C’est pourquoi aussi, vous avez, Monsieur le Maire, décidé d’accoler son nom à celui de l’avenue de la Paix.
L’avenue de la Paix.
Quel plus beau symbole pour une femme qui précisément, aspirait à « garder la paix » ?
Mesdames et Messieurs,
Si je tenais à être présent cet après-midi c’est donc pour assurer tous ceux qui ont aimé Clarissa du soutien indéfectible de la Nation.
C’est aussi pour vous dire que tout est aujourd’hui mis en œuvre pour lutter contre le terrorisme, pour faire en sorte de prévenir les attaques comme celle qui lui a coûté la vie.
Au quotidien, nos forces de sécurité – policiers nationaux et municipaux, gendarmes, services de renseignement – réalisent un travail remarquable, pour déjouer des attentats, pour sécuriser des manifestations, pour suivre les individus radicalisés et empêcher leur passage à l’acte.
Conformément aux engagements du Président de la République, ces femmes et ces hommes qui nous protègent, verront, au fil du quinquennat, leurs moyens renforcés.
Moyens humains : 10 000 postes seront créés dans les cinq ans à venir, notamment dans les services de renseignement.
Car c’est par le renseignement que nous pourrons mieux repérer les individus qui soudain se radicalisent.
Moyens juridiques : la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme adoptée le 30 octobre par le Parlement donne aux forces de l’ordre une plus grande latitude d’action pour lutter contre ceux qui voudraient commettre le pire sur notre sol, en prenant un certain nombre de mesures administratives.
Mais, Mesdames et Messieurs, la lutte contre le terrorisme ne saurait se circonscrire à nos seuls policiers, à nos seuls gendarmes.
Elle doit au contraire nous mobiliser tous.
Mobiliser l’ensemble des services de l’Etat.
Et c’est pour cela que, dès les semaines à venir, le Gouvernement présentera un plan de lutte contre la radicalisation associant par exemple des ministères comme celui de l’Education Nationale.
Nous sommes en effet convaincus que c’est à la racine qu’il faut combattre le mal, que c’est en défendant ces valeurs républicaines que Clarissa chérissait tant, que nous gagnerons.
Mais plus largement, toute la société française doit embrasser le combat face à l’obscurantisme, face à la haine, face à tous ceux qui rejettent la diversité des cultures.
Ce qu’on appelle « l’esprit du 11 janvier », cette volonté de porter partout la République, de défendre en toutes circonstances les forces de sécurité, ne doit pas se limiter aux commémorations, ressurgir à chaque événement tragique.
Il doit être une exigence de tous les jours.
Il doit se traduire au quotidien, en nous montrant tous vigilants face à nos ennemis, en ne cessant jamais de soutenir ceux qui prennent tous les risques pour nous protéger.
Mesdames et Messieurs,
Ici, rue Pierre Brossolette, il y a trois ans, la policière Clarissa Jean-Philippe est morte pour la France.
En cette journée de deuil, vous me permettrez de citer le grand résistant qui donne son nom à cette artère.
Il disait :
« Ce qu’ils attendent de nous, ce n’est pas un regret mais un serment. Ce n’est pas un sanglot mais un élan ».
Porter, dans notre pays, un grand élan.
Pour la paix. Pour la liberté. Pour la République.
Voilà ce que nous devons à Clarissa Jean-Philippe.
Voilà comment nous serons fidèles à sa mémoire.
Vive la République !
Vive la France !
Je vous remercie.